Iyengar était un jeune homme malingre à la santé fragile qui décida de se guérir en pratiquant le yoga dix heures par jour. Il va sans dire que son style de yoga, aujourd'hui enseigné dans le monde entier, en est un basé sur la rigueur. Rien de facile au yoga Iyengar. L'alignement parfait en est la base. On reprend les mêmes asanas à chaque cours, plusieurs fois, méthodiquement. On vise l'excellence et la perfection. Les postures debout sont privilégiées. Toutes les écoles certifiées Iyengar dans le monde enseignent la même chose de la même manière, il en est de même pour les profs, qui sont interchangeables et qui vous diront exactement les mêmes paroles et vous feront les mêmes corrections. Chez Iyengar, il n'y a qu'une seule façon de tenir les asanas, il y a une posture correcte et tout ce qui n'y ressemble pas est incorrect. On emploie beaucoup d'accessoires, des blocs, des courroies, des couvertures, des serviettes, des cables attachés au mur pour se suspendre. Tout doit être fait dans un ordre rigoureux selon un rite préétabli. Il y a une seule bonne façon de plier sa couverture et cette façon varie selon les asanas. Rien ne doit traîner dans la salle de yoga. Je me le suis fait dire quand j'ai eu le malheur d'apporter mon étui à lunettes au premier cours, pas gros un étui à lunettes déposé à côté de mon tapis. Mais la prof l'a vu tout de suite et m'a demandé d'aller le porter au vestiaire! Iyengar, c'est rigoureux, inflexible. Pas de musique évidemment, pas de fleurs, pas d'encens. Un local propre et nu, les tapis, du silence. Une forte hiérarchie professeur-élèves. On écoute le maître (plutôt la maîtresse) qui corrige beaucoup. La maîtresse à l'oeil de lynx qui va le remarquer, même si vous étiez caché(e) dans le petit coin, que votre couverture était pliée de travers ou que vous ne tendiez pas assez le bras. Des professeurs d'une grande compétence, capables d'enseigner à des malades et d'adapter leur enseignement selon la pathologie de chacun. Il faut avoir fait tous les niveaux Iyengar, il y en a six, à raison d'un minimun d'une année par niveau, avant de pouvoir commencer la formation de professeur qui dure plusieurs années. On parle donc de professeurs de haut calibre.
J'ai pris mes premiers cours à l'école Iyengar de Montréal sur la rue St-Denis il y a deux ans et demi. Je m'étais inscrite sur les recommandations d'une amie qui y avait étudié plusieurs années et souhaitait s'y remettre. Je me trouvais bien bonne dans ce temps-là, je prenais des cours de hatha yoga au sous-sol de l'église et puis j'avais fait un stage au centre Sivananda de Val-Morin et je prenais des cours au centre Sivananda sur le boulevard St-Laurent. J'ai trouvé le premier cours Iyengar extrêmement difficile, épuisant, éreintant. Je faisais tout de travers, je ne savais pas comment plier la mausus de couvertures, je m'enfargeais dans les blocs que je ne savais pas où placer, je n'étirais pas assez les bras, la prof était constamment en train de me corriger. Ça n'a pas été long que je l'ai prise en grippe et j'avais l'impression que c'était réciproque. Mais je persévérais malgré tout et je retournais au cours suivant sans jamais aimer ça. Seule la relaxation finale, savasana, m'apportait de la satisfaction. J'appréciais aussi l'impression d'avoir grandi à la fin d'une séance. Mais quand est venu le temps de payer pour de nouveaux cours, je me suis sauvée la tête basse. Je voulais essayer le yoga ailleurs, dans la joie, sans carcan. En fait, la goutte qui a fait déborder le vase, ce sont les fameuses courroies avec lesquelles il fallait s'attacher. Je détestais cette impression d'être prisonnière, surtout quand j'avais les bras attachés, c'était très désagréable. Une fois, je l'ai dit à la prof qui me reprochait de ne pas assez serrer les lanières que je me sentais étouffer ainsi ligotée, elle m'a alors répondu fermement "Vous allez vous habituer" et a elle-même resserré les courroies. J'avais affaire à plus forte que moi! J'ai quitté la classe peu après, je n'ai pas renouvelé mon abonnement au cours.
Mais voilà que, des années plus tard, mon expérience m'a fait réaliser que Iyengar avec toute sa rigueur est la meilleure école et j'y suis retournée plus humble et prête à apprendre dans la discipline cette fois, prête à dépasser mes limites, à suivre les règles et à avancer dans ma pratique patiemment, rigoureusement, docilement. Je l'ai choisi cette fois et j'y trouve beaucoup de satisfaction.
11 commentaires:
Je viens visiter votre nouvel espace. C'est bien décoré dites donc.
Vos billets sur le yoga me rappellent lorsque ma mère enseignait le hatha yoga avec le studio de Suzanne Piuze dans les années 70. De beaux souvenirs de jeunesse.
Votre mère était prof de yoga? Elle pratique toujours? La beauté du yoga,c'est qu'on peut en faire toute sa vie.
Oui, elle pratique toujours. Elle a cependant cessé l'enseignement à la naissance de mon frère il y a près de 30 ans.
À l'époque, nous avons participé avec elle à quelques ateliers au centre d’Eastman, mais seule ma mère était une adepte. J'ai seulement intégré quelques positions à ma routine de stretching...
Oui, je sais, les hommes n'aiment pas trop le yoga pour la plupart. Dommage! Car j'aimerais bien me trouver un homme pour pratiquer le yoga tantrique, gage de plaisirs infinis pour les deux partenaires. Mais il n'en faut qu'un et je ne suis pas découragée... je vais changer le titre de mon blogue pour "une femme persévérante", je pense! ;o)
J'aime beaucoup ces billets où vous parlez de vos cours de yoga. Depuis le temps que je me dis que je devrais me mettre à l'école de quelque chose qui m'obligerait à la méditation tout en m'enseignant la persévérance et la rigueur... Maintenant que j'en ai un peu plus le temps, qui sait? En tout cas, vous m'en donnez le goût.
Mais je crois que j'irais plutôt du côté du T'aï chi (pas assez souple pour faire du yoga)
Le yoga et la souplesse, c'est un mythe tout ça. Un bon cours de yoga s'adapte à ses étudiants,en ajoutant des accessoires facilitants et/ou en adaptant les poses. Pas de compétition en yoga et on s'en fout bien que la voisine puisse se plier en deux quand ce n'est pas du tout notre cas. Et puis, s'il y a une discipline qui va vous en donner de la souplesse,avec le temps et la pratique,c'est bien le yoga. Même que c'est particulièrement conseillé à ceux et celles qui désirent en acquérir, plus encore qu'à ceux qui en ont déjà!
Le taï chi, j'en ai fait et comme je manque de mémoire corporelle, j'étais vraiment bloquée quand le prof disait "Allez-y seul sans moi maintenant", même si on avait fait la séquence cinquante fois, pas moyen de me rappeler ce qu'il fallait faire. Je passais le cours stressée, à tenter désespérément d'apprendre par coeur les séquences et puis je suis devenue stressée à la seule idée d'aller au fameux cours! Mais peut-être mon prof manquait-il de psychologie et peut-être aurais-je du lui en parler de mes difficultés au lieu de ne pas me réinscrire!
Le yoga... c'est passionnant
Intéressant le yoga Iyengar. Moi je pratique le Hatha et le Raja-Yoga. Mais je dois avouer que c'est pas mal plus souple à mon centre de Yoga ;)
Je commence ma formation en yoga pour l'enseigner. Je vais me spécialiser par la suite en yoga pour enfants...
Femme libre, ce que vous me dites là me conforte dans l'idée que le T'aï chi correspond assez à ce que je recherche. Mais pas avec le prof dont vous parlez!
Pour la souplesse, je suis vraiment un cas désespéré. Déjà petite j'étais incapable, assise au sol, de baisser le dos à moins de 45 degrés - comme si j'avais les os du bassin complètement soudés.
Miss Sushi,
C'est passionnant la formation pour enseigner. Je suis la mienne au studio Lyne St-Roch. Je vais en reparler dans de futurs billets. Exigeant mais passionnant.
Encre, ma chère Encre, on n'est jamais un cas désespéré, jamais. Notre corps peut toujours nous surprendre au-delà de nos espérances si nous l'observons, l'écoutons et lui faisons confiance.
J'ai commencé le yoga Iyengar cet automne, à 52 ans. C'est très austère, mais j'ai besoin de ça, car je travaille dans un milieu où l'agitation est constante.
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