Bonne surprise dans ce cas-ci. Ma fille de maintenant 26 ans a été adoptée alors qu'elle avait quatre ans et trois mois. Troubles graves de l'attachement. Ça n'a jamais marché entre nous. Thérapies. Pas de progrès.
Quand elle a eu neuf ans, elle est allée au pensionnat. Amélioration immédiate. Elle adorait ça et nous, on respirait. On allait la chercher le vendredi soir et jusqu'au dimanche matin, ça allait bien. Mais la dernière journée était difficile et j'avais super hâte d'aller la reconduire au pensionnat. Je lui passais tout ce jour-là, comptant les heures. Elle aussi était contente de partir.
Son pensionnat ne prenant que les enfants du primaire, à douze ans, elle revient chez nous. J'ai pensé que les problèmes étaient finis. Je lui avais payé une tutrice privée au pensionnat pour qu'elle réussisse les tests des écoles privées. On avait choisi le Collège Notre-Dame, parce qu'il y avait beaucoup de sports, ce qui était excellent pour elle.
L'été avant de commencer le collège, elle est donc de retour chez nous. Un terrible été. Mon père se meurt et je suis souvent à l'hôpital. Elle a douze ans et ne veut pas suivre. Je la laisse parfois avec sa soeur de dix ans, avec des consignes claires, et j'emmène la plus jeune avec moi. Un soir, je reviens de l'hôpital et elles ne sont pas là. Elles rentreront à minuit. Première fugue.
Au collège, tout va mal dès le début. Elle refuse d'étudier, ne porte pas l'uniforme de façon réglementaire, se couche sur son bureau pendant les cours. J'ai des papiers de plaintes à signer, des rencontres. Le collège lui assigne gratuitement un tuteur. Il dira qu'il "se fait niaiser". Je supplie, je crie, je pleure, je menace, je tente de punir. Bon, les punitions ne marchent pas du tout pour ces enfants. Ils ne les respectent pas et donc augmentent leur pouvoir et leur mépris pour le parent faible qui ne se fait pas respecter. Ils tentent par tous les moyens de faire sortir le parent de ses gonds et si et quand ça arrive, on peut déceler le sourire de satisfaction qui se glisse sur leur visage.
Le directeur me rencontre avec ma fille en novembre. Ultimatum. Si la situation ne se redresse pas rapidement, ce sera le renvoi. Peu importe ce que je peux faire ou ne pas faire, le comportement de ma fille ne se modifie pas, il empire. Elle fait des fugues maintenant. Je lui refuse d'aller à une fête un soir à Villa-Maria. Elle sortira quand elle aura décidé d'étudier, pas avant. Elle ne dit rien, ne proteste pas. C'est louche. On regarde la télé au salon et elle va à la salle de bain. C'est long avant qu'elle ne revienne. Elle est sortie en douce et on ne l'a pas entendue. Sans manteau! Ce soir-là, j'ai dû demander l'aide de son frère adulte pour aller la récupérer. Elle se débat et il l'emmène de force dans la voiture.
On la met réellement à la porte du collège et elle tombe des nues! Elle adorait cette école. La voilà à la polyvalente. Tout déboule. Elle ne rentre plus, je ne sais plus où elle est, ce qu'elle fait ni avec qui. L'école appelle pour ses nombreuses absences mais elle efface les messages du répondeur avant que je ne rentre du travail. Elle ne mange plus avec nous. Ça sonne à la porte, c'est un livreur de pizza et elle en offre à ses soeurs qui sont ravies de partager son festin. Elle a plein d'argent, s'achète de nouveaux vêtements et gâte ses soeurs. Je vous rappelle qu'elle a douze ans!
DPJ. Après de longues tribulations où on prend sa part au lieu de la mienne, elle fait quelque chose d'assez grave qui va enfin la faire entrer dans un centre d'accueil. Elle y restera jusqu'à l'appartement supervisé à l'aube de ses dix-sept ans, se fera mettre à la porte de cette ressource aussi. Je ne veux pas la reprendre et je l'autorise à aller vivre avec son chum. J'en suis cependant toujours responsable jusqu'à ses dix-huit ans. Il y aura de brefs retours en centre jeunesse cette année-là pour des délits judiciarisés, mais finalement, c'est avec un grand soulagement que je vois arriver son anniversaire de dix-huit ans. Délivrance.
Pendant ses années d'adolescence, je consulte une psychologue spécialisée en adoption. Elle ne verra pas ma fille, elle me soutient, moi et j'ai un grand besoin de son soutien. Elle me déculpabilise totalement, m'aide à gérer les rencontres avec les services sociaux et à tenir mon bout, m'encourage dans mes décisions. Le placement est la seule solution possible à retenir dans le cas de ma fille et c'est par amour pour elle et par amour pour nous que je dois m'affirmer dans ce choix. Je la remercie énormément de l'aide apportée.
Elle me prépare au pire. Ma fille trouvée morte dans une ruelle par exemple. Je la remercie de ça aussi.
Dans les faits, le temps passant, ma fille adulte développe (ou a depuis longtemps?) une maladie mentale. On parle longtemps de troubles bipolaires. Elle entrera régulièrement à l'hôpital en psychose. Je suis là. Pas question qu'elle revienne chez nous, c'est clair, mais je suis sa mère à vie et présente pour l'aider quand je peux.
Et puis, il y a à peu près deux ans, on parle de schizophrénie. Bien qu'il soit possible d'avoir une schizophrénie et aussi de la bipolarité. Mais bref, sa maladie est plutôt bien contrôlée. elle a un chum, on a une excellente relation et on se voit souvent! Elle fait du sport avec moi et vient à nos brunchs du dimanche, pas tout le temps mais souvent. Je n'aurais jamais pensé qu'on se rapprocherait autant. C'est une belle surprise certainement.
15 commentaires:
Il faut bien que tous ces efforts aboutissent un jour, que ça continu dans cette voie.
Oh Femme Libre,
comme je comprends tellement, mais tellement.... Ce ne fut pas facile, souvent déchirant, stressant... Et cette DPJ à la m... qui te met au banc des accusées. Bienvenue dans le club. Faut être forte pour passer à travers tout ça et... bravo... Tu as toute mon admiration xxx
Solange, oui, bien sûr, mais c'est à vivre au moment présent. En tout temps, elle peut faire une rechute. Je ne l'appréhende pas et je ne vis pas autant qu'avant sur la corde raide, mais c'est une réalité tout simplement. Alors, il faut vraiment profiter du ici maintenant et je le fais. Belle leçon de vie que cette fantastique fille m'apporte. Elle est mon yoga vivant.
Nanou,
Franchement, celle que moi j'admire actuellement, c'est ma fille. Avoir une si grosse maladie et entendre encore des voix tout le temps malgré les médicaments et décider de vivre, c'est un exploit. C'est ma championne à moi.
Tout un cheminement! Chez mon frère, sa schizophrénie a débuté officiellement quand il s'est mis à consommer du cannabis, à 18 ans. La chimie du cerveau est immédiatement transformée et après ils ne sont plus les mêmes...
Il ne pouvait pas arrêter la médication, sinon, rechute.
Ta fille était vraiment débrouillarde à 12 ans!!
Je te souhaite de continuer à avoir cette relation avec elle. Tu es son phare, j'en suis certaine.
Et son chum a l'air de bien s'en occuper aussi.
Débrouillarde à douze ans? Un peu trop, Pur Bonheur. Si elle avait tant d'argent,c'est qu'elle faisait déjà de la prostitution!
Elle a cessé ce genre d'activité depuis au moins un an, deux même.
Prostitution à 12 ans? Elle devait être fait comme une femme, sinon elle attirait des pédophiles?
Je ne connais pas tous les détails, Pur Bonheur. Et ceux que je sais, j'ai envie de les oublier. Passons à autre chose! ;o)
Quel courage tu as eu pour passer à travers cette épreuve..maintenant tout va mieux pour elle et tu es toujours là avec elle! C'est vrai qu'il faut du courage pour vivre avec cette foutue maladie mais il faut énormément d'amour et de tolérance de la part de la famille qui entoure la personne malade!
Merci de nous avoir partagé cette partie de ta vie:-)))
Élyse
Oui, ça va mieux pour celle-là pour le moment! ;o) C'est la plus jeune qui m'inquiète. Elle pleure beaucoup et il est possible qu'elle fasse une dépression. Ça tombe bien mal avec son fameux cours de préposée aux personnes en perte d'autonomie. Je fais de la méditation et du yoga pour m'éclairer dans tout ça et m'aider à être aidante au lieu de pogner les nerfs! Elle n'est pas très facile à vivre, mettons. Ce soir, elle a l'air un peu mieux. Ne pleure pas, fait changement. Ne parle pas de Joblo, fait changement aussi. J'en ai plus qu'assez d'en entendre parler de celui-là! Mais je l'aime ma Poulette même si...
Quel courage tu as, comme femme, comme mère. Tu as toute mon admiration...
Tu avais déjà ta capacité à rebondir très vite avant d'avoir tes filles ou bien tu as développé cela avec l'aide de ta psychologue pour ton bien à toi ? Car fiou, tu en avais déjà parlé mais ça force vraiment l'admiration de n'avoir jamais lâché. C'est ta fille, tu es sa maman pour toujours mais que ça a du être très dur. Et je trouve émouvant cette relation actuelle avec ta championne de fille, ton yoga vivant.
Zoreilles, courage, je ne sais pas. J'ai eu des "bouttes durs" certainement, mais à vrai dire, sans les avoir oubliés, ils me semblent très loin! ;o)
Mijo
Ma relation avec mes enfants est plutôt bonne, certains jours très bonne même. C'est certain qu'avec celle qui vit encore avec moi, la proximité et le quotidien font que nous sommes à la fois très proches et à couteaux tirés également. Pas simple de vivre avec quelqu'un.
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