Ça faisait longtemps que je souhaitais un enfant et voilà que mon chum, enfin, se décidait et que ça venait de lui en plus. J'étais folle de bonheur. Ce soir-là, on a fait l'amour amoureusement, sans contraception. Je pense qu'on a dû le concevoir tout de suite, parce qu'un mois plus tard, le test de grossesse était positif. Frédéric était content mais nerveux. Il ne pensait pas que ça se ferait si vite, disait-il. Moi, j'étais ravie que nos corps fonctionnent si bien, je flottais dans la joie et les hormones de grossesse.
J'avais presque vingt-sept ans, mon chum, un an de plus. J'enseignais depuis plusieurs années déjà, Frédéric venait de terminer sa maîtrise et de trouver un emploi, on habitait ensemble depuis six ans, on était amoureux. Des conditions idéales.
Autant j'étais heureuse, autant le futur papa se renfermait. Il était souvent de mauvaise humeur. Le stress, je supposais. Parfois, on aurait dit qu'il regrettait. Je me mis spontanément à partager ma joie avec d'autres plutôt qu'avec lui. Je travaillais, j'avais plein d'amies, une famille supportante, j'étais en pleine santé. Je ne souffrais donc pas vraiment de l'attitude de Frédéric, je me disais que l'idée de la grossesse faisait son chemin plus lentement chez lui, c'est tout.
J'avais une grossesse facile, qui m'émerveillait. Je me sentais parfaitement heureuse, comblée. J'étais enceinte de six mois quand une amie m'a mise au courant "pour mon bien". Pour mon bien? Briser mon rêve, me faire du mal, me marquer au fer rouge, pour mon bien? Vraiment?
"Ça ne peut plus durer. Il faut que tu le saches, Femme Libre. Frédéric se promène partout avec une fille et ce n'est pas platonique, je t'assure. Ils ne se cachent même pas! C'est une ancienne blonde qu'il avait à l'adolescence, Lise. Elle était grosse et laide avant, mais elle a beaucoup changé, elle a même eu les seins refaits. Elle a l'air pas mal pitoune maintenant."
Je ne le croyais pas. Je l'ai confronté. Il n'a pas nié. Mon monde sécurisant et aimant s'écroulait.
Ce n'était pas possible. Je m'accrochais à lui, sans aucune pudeur, sans fierté. Je m'accrochais physiquement. Je me souviens d'une fois où il voulait sortir et je le retenais par la chemise. Il me disait "Lâche-moi ou bien je vais te pousser. Lâche-moi. " Je ne lâchais pas et il m'avait poussée. Il s'était sauvé en courant, comme quand on veut fuir un monstre. Il courait dans l'escalier. Je restais prostrée sur le sol et je pleurais, je pleurais tellement. Et puis, je m'étais relevée et j'avais parlé à mon bébé. Je lui disais que tout irait bien, qu'on se débrouillerait très bien, qu'on serait heureux. Je lui ai donc parlé à ce bébé-là. Je lui en ai donc chanté des chansons, en le flattant à travers mon ventre.
Je voulais qu'il ait un père. Il fallait qu'il ait un père. Je ne pouvais pas envisager qu'il n'en ait pas!
On faisait l'amour avec l'énergie du désespoir, Frédéric et moi. Tout le temps. À travers mes larmes et rarement mais parfois à travers les siennes. Et puis, il disparaissait quelques jours. Revenait. On recommençait. Je ne voulais pas qu'il me quitte. Je voulais qu'il la quitte. Il ne pouvait pas. "Je t'aime mais je ne peux pas me passer d'elle"me disait-il. Je m'accrochais.
Jusqu'à la naissance, je me suis accrochée à lui. Et puis, je l'ai insulté à l'hôpital pendant l'accouchement. Cette partie-là, je ne m'en souviens pas du tout. C'est lui qui m'a raconté. Il est revenu à la maison avec le bébé et moi. Notre bébé. Il était fier. Pendant cinq jours, il s'est occupé de nous. Il m'a fait à manger, il a donné le bain au bébé, il a changé les couches. Pendant cinq jours, je suis restée dans mon lit à allaiter. Rien d'autre. Allaiter, demander un verre d'eau, demander à manger, allaiter. Tranquille dans mon lit. J'ai repris mes forces. La cinquième journée, je l'ai mis à la porte. Il est parti chez elle.
16 commentaires:
Quel bel histoire, l'idiot a tout manqué. Surtout j'espère que ses remors le torture encore. Le cas échéant laisse-le sècher...
Ce qui rend ce texte si poignant, c'est cette petite phrase qui revient constamment "je m'accrochais à lui", une phrase qui a dû être terriblement difficile à écrire. En tout cas, ça l'aurait été pour moi, je ne crois pas que j'aurais eu le courage d'écrire ça. Mais c'est ce qui en fait un texte si fort, à mon avis.
Ça me rappelle trop de (mauvais) souvenirs ce texte. Pas que j'ai vécu exactement les choses de la même manière, mais il y a beaucoup de similarité.
Allo FemmeLibre,
Je me suis parfois demandé ce que je ferais, si je savais qu'un ou une amie était trompé allégrement par leur conjoint. Le leur dirais-je ou pas?
Puis, je me suis dit que si ma blonde me trompait ainsi et qu'un de mes chums me le cachait tout en le sachant, je me sentirais doublement trompé, alors oui, ça fait mal, mais ça ne fera pas moins mal plus tard. Je pense effectivement que cette amie te l'a dit pour ton bien. L'idéal aurait sans doute été plutôt de confronter ton ex (c'est fictif ou pas?) et le mettre au pied du mur en disant: "Soit tu lui dis, soit c'est moi qui le lui dit."
Pour ce qui est des sentiments de paternité, je pense que c'est différent chez l'homme, chez moi en tout cas. Ma blonde s'est sentie mère dès qu'elle a senti qu'elle avait un petit être vivant à l'intérieur d'elle. Pour ma part, je n'ai vraiment senti que c'était autant mon enfant, que quelques mois après l'accouchement, quand le lien a commencé à s'établir avec Bébé, donc presque 6 mois.
Quel salaud! Je crois que c'est la pire chose qu'un homme puisse faire à une femme; l'abandonner enceinte ou juste après. Et je ne parle pas de l'autre fille...une vache dans mon livre à moi.
Il est parti pour de bon j'espère...
Maudit que les hommes peuvent être lâches. En fait ça ne s'appelle pas des hommes, ça s'appelle des têtes de noeud.
ben là... quelque chose m'échappe. Rarement lu quelque chose d'aussi poignant. Franchement, faire un enfant et puis se sauver...
Un comportement pathétique de la part de cet individu que je n'ose appeler un homme et pourtant, ce n'est pas la première de ce genre que je lis sur les blogues. Un billet touchant je t'assure.
@Marchello. On s'est séparés mais on a fait une super équipe pour élever notre fils ensemble pendant dix-huit ans. Surprenant, non?
@Encre. Oui, je m'accrochais, je m'accrochais donc. Si je peux raconter ce drame de ma vie (car c'en était un!) avec un certain détachement, c'est parce que ça s'est passé il y 28 ans!
@Babs. J'espère que les choses ont tourné pour le mieux pour toi par la suite...
@Pierre. Oui, je suppose que je devais le savoir d'une manière ou d'une autre. Pas aussi clair pour moi que je le dirais à mon amie si son chum la trompait. En fait, j'ai une amie qui est trompée actuellement, très sûre d'elle et de son couple et je n'ai pas le coeur de le lui dire alors ça répond à la question.... J'essaie des fois de lui mettre un peu la puce à l'oreille, de lui glisser des phrases comme "on n'est jamais sûr de rien" mais elle ne saisit pas du tout la perche. Pas prête probablement.
@Tangerine. Pour moi, le pire, c'est d'abandonner son enfant. Une femme adulte, elle, peut bien refaire sa vie, un enfant a besoin de ses deux parents.
@Crocomickey. Oui, il est parti mais s'est toujours occupé de son fils. Un bon père.
@Ce bref réveil. Rien de simple dans les relations humaines. Est-ce tellement plus courageux de rester par culpabilité avec une femme que l'on n'aime plus tout en en aimant une autre?
@En direct des Îles. C'est en fait très commun que les hommes trompent leur femme enceinte, la quittent ou bien la maltraitent. Pas rare du tout. Je l'ai réalisé quand j'ai commencé à parler de mon histoire, tout le monde connaît quelqu'un à qui s'est arrivé, de près ou de loin. Je lis une charmante jeune femme à qui ça arrive actuellement. Son blogue s'appelle "Une nouvelle vie, une nouvelle page".
@Pascal. Merci pour ton commentaire. Mon texte est touchant parce que c'est du vécu.
Tellement triste....
Et effrayant...
Il la menait depuis longtemps cette double vie ? Ne rien voir arriver. Ouch...
Ce que tu peux être forte.
Non, c'est arrivé pendant la grossesse. Et puis, ça n'a pas duré longtemps. Ensuite, il voulait revenir. Mais quelque chose était irrémédiablement brisé de mon bord. Pas la suite, il a rencontré une femme qui me ressemblait beaucoup physiquement et à plein de points de vue et il est toujours avec elle aujourd'hui!
correction : par la suite
Je suis sans mots.. je ne savais pas que ça t'étais arrivé à toi aussi.. mais te lisant, moi qui vit ça présentement, je me dis que l'on s'en sort!
Mais oui, on s'en sort! ;o)
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