jeudi 3 décembre 2009

Chez le Vietnamien

Parfois, quand on veut manger santé sans se casser la tête et que je n'ai pas envie de cuisiner, on va au petit vietnamien au coin de Prince-Arthur et Saint-Laurent, celui qui est si près de chez nous. Il ne paie pas de mine, je sais, mais la nourriture, peu chère, y est de qualité égale et on choisit les plats de légumes au tofu que je pourrais fort bien préparer chez nous, chose que je fais souvent, car j'ai recommencé à cuisiner depuis le début de septembre, cette phrase est de plus en plus longue et je ne sais pas trop quand je vais la terminer, on reprochait ça justement à Quinze ans dans sa dernière composition de faire des phrases trop longues, elle a dû attraper ça de moi! Quinze ans, parlons-en justement de celle-là car c'est trop souvent dans ce restaurant qu'elle me fait part de ses états d'âme. Dans notre petit condo, elle me parle assez peu, on se dispute l'ordi, je l'envoie faire ses devoirs, devoirs qu'elle n'a pas et alors je chiâle qu'elle devrait bien en avoir, que la vie d'une quinze ans devrait tourner essentiellement et primairement autour de ses études. Et puis, elle me dit rageusement que je devrais sortir, "Va voir un film au cinéma du Parc", ce qu'on peut traduire librement par "Fous-moi la paix!", mais elle est polie et ne prononcerait jamais ces paroles. Son occupation principale, donc, ce ne sont pas ses études mais ses nombreux changements de vêtements. Elle peut passer une soirée entière à faire ça, essayer des vêtements, varier les accessoires et me demander de regarder et de lui dire si la ceinture rouge va mieux que la noire et puis le bandeau, c'est mieux avec ou sans? À la longue, ça m'énerve bien que je sache pertinemment que c'est parfaitement normal. Adolescence, voilà le nom de la maladie. On a tous et toutes passé par là.

Mais au restau vietnamien, c'est différent. Voilà qu'elle me parle dans la pénombre (peu éclairé ce restaurant!), elle chuchote mais surtout, elle se plaint! J'aurais dû m'en rappeler, dans cet endroit, elle devient la fille la plus malheureuse du monde. La dernière fois, elle m'a parlé de ses amours impossibles pendant tout le repas. Et dès que je proposais une solution, elle se faisait un malin plaisir de la piétiner sans retenue. Elle tenait à sa mélancolie et ce n'est pas moi qui allais la lui enlever! Cette fois-ci, elle n'a pas parlé d'amour. Elle a dit "Je ne me sens pas à ma place dans ma classe." J'étais tout ouïe. Important ce message. On a décortiqué le problème, avec des graphiques et des schémas. On l'a retourné dans tous les sens. Ensemble. Et une fois à la maison, on a continué. Pour en arriver à la conclusion qu'on demanderait un changement de classe. Pas pour septembre prochain, non, pour la rentrée de janvier prochain. J'ai écrit une belle lettre. Elle l'a approuvée. Je l'ai signée, elle l'a signée. Elle veut maintenant aller dans un programme préparatoire à l'emploi, avec des jeunes de son âge. Actuellement, elle est la plus vieille de sa classe et ils ne font que de l'académique. Elle se sent prête au changement. Maintenant. J'adore sa façon de se prendre en charge, de grandir, de décider de plus en plus de sa vie, de vivre son présent mais aussi de se projeter dans l'avenir. Je suis fière d'elle, je vous l'ai dit?

10 commentaires:

Petite Fadette a dit...

Ah ah ah!

J'adore ce billet, Proust Libre!

Proust, c'est pour les longues phrases... pas pour l'ennuie!!!

;)

Michèle a dit...

Avec raison femme libre. Elle est solide cette belle grande fille. Elle est chanceuse aussi d'avoir une maman comme toi qui l'a davantage outillée que couvée.

Solange a dit...

Elle sait ce qu'elle veut et c'est bien et elle a la chance d'avoir quelqu'un qui la comprend. Elle fera sont chemin.

Pur bonheur a dit...

Elle est très mature pour son âge. Super.

Mamzell_McJ a dit...

quelles différences une fille et un garçon...

Je n'écris jamais sur mes garçons parce qu'il ne se passe jamais rien, enfin presque.

J'ai une pointe d'envie ici...

Anonyme a dit...

fièr(e) de son enfant : je partage le sentiment.

Juste moi a dit...

La mélancolie de l'adolescence ... quand même un beau moment. Les émotions à leurs summums... Et puis, si elle sait dire, quelle joie ! Elle exprime, annonce, ses choix, envies, désirs. On dit (à raison, je crois) que nos enfants reproduisent ce qu'on leur montre - vous pouvez donc fièrement être le modèle d'où elle a appris... Bonne nuit :-) Rêveuse

Une femme libre a dit...

Merci Fadette! Heureusement que vous avez précisé pour l'ennui, car j'ai eu au cours classique des lectures obligatoires de Proust que j'ai trouvées longues et fastidieuses. Une fois libre, je ne l'ai plus jamais relu!

Je me force pour ne pas la couver, Michèle. La semaine passée, elle passait la guignolée avec son équipe de cheeleaders. Rendez-vous dans une église inconnue dans un quartier inconnu. Il aurait été facile pour moi d'aller la conduire en voiture. J'ai voulu qu'elle prenne le métro. Avec une explication et un plan. Mais elle s'est perdue quand même. Misère! Perdue mais retrouvée et c'est là-dessus qu'on a insisté, sur le fait qu'elle se soit retrouvée toute seule. Pas évident pour elle quand on sait que les dyslexiques distinguent mal leur droite de leur gauche.

Solange, c'est ce que je pense aussi!

Elle réfléchit beaucoup et a un très bon jugement, Pur Bonheur.

Il ne se passe jamais rien, Juliette? Hum... faudrait regarder ça de plus près. Ils ne vous disent peut-être pas ce qui se passe... mon fils était comme ça. Secret.

Amour inconditionnel, n'est-ce-pas, Mazsellan? ;o)

J'espère être un modèle dans ce que j'ai de mieux et pas dans ce que j'ai de pire, Juste moi!

Unknown a dit...

Je trouve ça extraordinaire que votre fille à son âge sente déjà ce qui serait mieux pour elle, qu'elle ne fasse pas preuve de passivité. Un bon présage pour avancer dans la vie !

Mijo a dit...

Une belle ado avec en prime la tête sur les épaules.