J'ai une nouvelle lectrice qui adopte une petite fille de sept ans qui vient des Philippines. Elle est réaliste et s'inquiète des troubles de l'attachement potentiels de la petite qui pourraient nuire à leur relation. Et si mon enfant n'arrivait pas à m'aimer? s'inquiète-t-elle.
Quand moi j'ai adopté ma plus vieille, je n'ai pas pensé un instant qu'on n'allait pas s'aimer à la folie. J'avais déjà un fils bio et puis une première petite fille adoptée et je nageais dans l'amour! C'est cette idée que l'amour peut tout qui est la plus dangereuse. Parce que si et quand ça ne marche pas, on se demande si on aime assez parce que tout le monde nous a dit que l'amour pouvait tout! Le temps passe, les choses s'enveniment et on se sent comme une nullité parentale. Si je l'aimais vraiment, elle irait bien et m'aimerait aussi. Elle ne ferait pas toutes ces crises, elle ne refuserait pas de me suivre, elle ne casserait pas les carreaux des portes, elle ne s'accrocherait pas aux inconnus comme si elle avait peur de moi.
Elle avait quatre ans et demi et était autonome. Mangeait seule, se lavait seule, s'habillait seule, allait aux toilettes seule. Pas moyen de la parenter, non, pire encore, pas moyen de l'approcher. Elle avait trouvé une méthode très efficace de m'écarter. Elle faisait pipi dès que je m'approchais. J'ai rapidement appris à rester loin pour sauver mes divans.
Qu'est-ce que je ferais de différent avec ce que je sais maintenant?
Franchement, pas si évident de répondre à ça.
On veut que l'enfant soit heureux, on est prêt à tout pour que l'enfant soit heureux. Il faut accepter que ce ne soit pas nécessairement le cas.
Garder une routine, expliquer clairement les règles, ne pas étourdir la famille dans des activités. Ne pas observer constamment ce nouvel enfant. Le laisser venir à nous.
Mais tout ceci peut très bien ne pas être la chose à faire avec notre enfant! Parce qu'ils sont tous différents, parce qu'on doit s'écouter, parce que des fois, souvent, on sait quoi faire. Se faire confiance.
Aller chercher de l'aide. Je l'ai fait. Je l'ai tellement fait. Notre relation a été une relation d'aide. De spécialistes en spécialistes. Avec cet immense espoir que ça s'arrange.
La meilleure chose, c'est d'aller chercher de l'aide pour soi, pas pour l'enfant. Toute cette aide pour l'enfant n'a pas marché. De l'aide pour soi pour accepter que ça ne marche pas et continuer quand même.
Faire attention aux enfants qui sont déjà là. Ne pas les mettre de côté.
Mais juste d'être capable d'envisager que tout ne tourne pas rond, que l'amour ne coule pas à flots et que c'est correct quand même, c'est déjà énorme. Et cette maman Méli a bien plus de connaissances que je n'en avais et en plus, sa propre soeur a adopté des enfants plus vieux et peut l'appuyer.
Malgré toutes mes mises en garde, j'ai comme l'impression que ça va aller bien!
C'est quand même un grand bonheur, un enfant tant attendu qui débarque dans notre vie.
Ce qui m'énerve de certains commentaires, c'est cette équation "vous êtes tellement des parents extraordinaires que ça ne peut que bien aller avec votre enfant", pas vrai! rien à voir, on peut être un parent adéquat et avoir un enfant qui souffre de troubles de l'attachement quand même. Ça n'a rien à voir et c'est un état permanent.
10 commentaires:
Très intéressant. Si jamais vous écrivez un livre la-dessus, je l’édite...
Wow! J'ai un éditeur et le livre n'est même pas commencé. Fantastique! ;o))
Racontez l'histoire librement, exactement comme vous le faites ici. Ce sera irrésistible et socialement fort utile. Plusieurs des billets de ce blogue-journal pourraient vous servir de matériau de départ (le livre et déjà largement écrit, en fait)...
Ouais, j'ai un contrat là. Faudrait que ce soit sous un pseudonyme parce que l'enfant dont il s'agit existe réellement. On est loin de la fiction, mettons...
Je dirais que depuis un moment j'en ai un peu marre de ce genre de truc, comme vous le dites, ce n'est pas parce qu'on est de bon parent que ça va fonctionner. Nos deux enfants sont très heureux tout va bien mais je ne crois aucunement que les parents pour qui l'adoption n'a pas fonctionné sont de mauvais parent. Oui nous sommes bien préparer et à force de lire des histoires qui n'ont pas fonctionné, nous nous sommes fait à l'idée que peut-être elle ne nous considèrerait jamais comme ses parents, mais nous serons quand même là pour elle, un jour à la fois!
Mélissa :)
Ah votre éditeur a bien raison, moi, je suis accro à vos histoires.
Ce n'est pas pareil en tant que prof, mais je crois que d'accepter que le lien puisse être difficile à créer est déjà un pas. Se dire qu'on met les choses en place : être présent, respectueux du besoin de distance, nommer une fois de temps en temps qu'on est content de l'avoir dans notre vie(pas à toutes les secondes, on ne veut pas que l'enfant se sente coupable ou envahi), c'est à mon humble avis déjà beaucoup.
Un enfant qui a trouble de l'attachement va quand même avoir besoin de sécurité et aussi d'amour.
Déjà que la dame se questionne et ne prenne pas pour acquis que le chemin sera facile me semble sain.
Mélissa, ça fait partie de l'état émotionnel très élevé qui entoure l'arrivée d'un enfant attendu pendant des années. Normal de se sentir exalté et tout l'entourage avec!C'est comme un miracle que l'enfant soit enfin là. Surtout dans votre cas quand ça a été aussi interminablement long. Maintenant, les délais d'attente en adoption internationale sont aussi et parfois plus longs qu'en adoption domestique. Dans mon temps, trois mois et c'était réglé! ;o) En fait, on avait souvent une proposition d'enfant officieuse avant même que les démarches soient entreprises. Dans l'adoption de ma petite en trouble d'attachement, c'est l'orphelinat qui m'avait appelée pour me la proposer! À la maison, oui. J'ai fait les démarches ensuite.
@Un autre prof,
Un enfant en trouble grave de l'attachement a besoin d'encadrement, d'encadrement, d'encadrement. Il n'a pas de contrôle interne, il faut lui en imposer un externe. Plus il est encadré, mieux il fonctionne.
Les meilleurs profs pour ma fille ont toujours été les plus sévères les plus vigilants, ceux à qui on ne pouvait rien passer. Constance, droiture, implacabilité. Pas de punitions, ça ne marche pas plus que les récompenses avec ces enfants, mais direction claire. Le devoir n'est pas fait? Tu restes pour le faire. Sans émotion. Pas fait encore? Tu restes encore. Et la prof ne lâchait jamais.
Merci pour cette ouverture dont vous faites part.. ça ne peut que nous aider si les problèmes venaient à survenir!
Oui Femme Libre, la meilleure chose c'est d'aller chercher de l'aide pour soi et puis oui, ce n'est pas parce qu'on est un parent adéquat que tout devrait bien aller...
Et ceux qui en sont persuadés n'ont pas eu d'enfants "différents".
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