dimanche 12 octobre 2014

Monsieur A

Il aura 85 ans en janvier 2015 mais monsieur A n'a rien d'un vieillard, du moins tel qu'on se l'imagine car des gens de son âge aussi dynamiques que lui, il y en a d'autres évidemment! Grand, costaud, il est vif, cultivé et n'a pas la langue dans sa poche. Il conduit comme un pro et connaît la ville et la province comme le fond de sa poche et sans gps. 

Monsieur A a une opinion éclairée sur tout et il lit beaucoup, s'informe, écoute opéras et émissions éducatives à la télévision. Cinéphile averti à la mémoire percutante,  il peut vous nommer tous les comédiens qui jouent dans les films qu'il a vus et revus. 


Fier et coquet, c'est un homme bien habillé qui ne manque pas de charme. 


Monsieur A est le chum de ma mère et je l'aime (aimais?) beaucoup.


Je le vois rarement car il ne vient pas bruncher avec nous mais il est parfois là quand on rentre et j'aime jaser avec lui. Il n'aime pas les enfants mais fait une exception pour Petit-fils qui l'a séduit par sa gentillesse et son intelligence. 


Il accompagne ma mère à ses rendez-vous médicaux, à l'épicerie, dans les magasins, chez sa soeur. Il arrive au début de l'après-midi et lui fait un déjeuner-diner, ils passent l'après-midi ensemble, il fait le souper et part peu après qu'ils aient terminé de le manger. Monsieur A est allergique à tout exercice, tandis que ma mère aime sortir et marcher, ce qu'elle fait, sans lui. Du moins, c'est ce qu'elle me disait. 


Je la trouvais heureuse, je la trouvais chanceuse. 


Et voilà qu'aujourd'hui, je suis seule avec elle pour le brunch. On prend donc notre temps. Elle veut aller à la pharmacie, on y passera plus d'une heure à fouiner dans les allées. Du temps à perdre, ma mère aime ça et moi, j'aime la suivre et lui faire plaisir. On fait une belle paire pour cela. Discuter de vernis à ongles pendant quinze minutes (alors que je ne m'en mets pas!), mais ma maman, elle, est toujours impeccable. Une belle femme encore, coquette et soignée. 


On rentre. Il est là. De mauvaise humeur. Et là, il tombe sur ma mère, pour des niaiseries. Je ne le reconnais plus. Cheap et mesquin. Il s'en prend à elle parce qu'elle veut attacher les journaux avant de les mettre au recyclage. Trouve ça ridicule. Son ton est moqueur, excédé. Ma mère ne dit rien ou à peine. Essaie un peu de s'expliquer. Il la ridiculise.  Et je me dis, s'il la traite comme ça alors que je suis là, comment la traite-t-il dans l'intimité?


Je suis sonnée, hébétée et je ne sais plus trop quoi faire. Je ne veux pas empirer les choses. 


Et je me rappelle trop bien que mon père était comme ça. Mon père était comme ça et ma mère endurait. ET quand il est mort, elle a été libérée. Bon, c'est ma vision à moi des choses. Elle l'aimait aussi en même temps, mon père. Pas simples, les relations de couple. 


Finalement, je pars. Ma mère vient me reconduire à l'ascenseur. Je lui demande si ça va.. "Mais oui, mais oui, t'inquiète pas. Je ne l'entends même pas. Je ne l'écoute pas." 


Mais oui, je m'inquiète. Je vais aller la voir cette semaine quand elle est seule et on va en parler. Elle n'est pas obligée d'endurer ce type. Ses  rendez-vous, on ira avec, elle n'a pas besoin de lui. Elle ne manque pas d'argent ma mère. Je croyais qu'ils s'aimaient, ces deux-là. Ce que j'ai vu, ce n'était pas de l'amour. 

20 commentaires:

S@hée a dit...

Les apparences...

Ouf!

S@hée a dit...

Mais ne materne pas ta mère... Non, c'est pas de l'amour, mais tu sais, les gens font des choix.

Des choix qui ne sont pas les nôtres, des choix qu'on ne comprend pas toujours. Ta mère est une adulte, encore là. Elle peut très bien faire ses choix.

Si elle passe de bons moments avec A et est capable de ne pas entendre ses petites crises... si elle décide de faire le choix de profiter des avantages de sa relation avec lui sans se laisser atteindre par les mauvais côtés... c'est son choix.

Toi et moi, on a choisi de rester seules. Ce n'est pas tout le monde qui est bien dans ce choix.

Une femme libre a dit...

"Les apparences", il y a un film qui joue en ce moment avec Ben Affleck avec ce titre, "Gone girl" en anglais. Très bon, tu aimerais.

Oui, tu as raison. Je suis profondément maternante. Ça me vient tout seul.

Ma mère n'a jamais vécu seule. Elle est passée de chez ses parents à chez son mari (et même là, elle a vécu un an avec son mari chez sa mère et je suis née chez mes grand-parents!) et, mon père mort, elle était avec monsieur A six mois plus tard.

Je lui ai téléphoné hier. Pas une fantastique conversation parce qu'elle entend mal au téléphone, mais j'ai cru comprendre qu'elle était généralement ok. Les hommes vieillissent mal, me disait-elle, ils deviennent aigris. Il était fâché parce qu'elle lui avait tenu tête. Non, elle n'en a pas peur. Elle ne l'écoute pas quand il est désagréable. Bon.

Ceci dit, je vais aller la chercher pour sortir cette semaine. Est-ce du maternage? Je ne sais pas.

Premièrement, je vais lui demander si ça lui tente! Ne rien prendre pour acquis.

Merci de ton commentaire.

Pierre Forest a dit...

Tous les couples ont leur dynamique avec ses bons, ses mauvais côtés et ses côtés compensatoires. Je trouve intéressant que tu fasses le parallèle avec ton père, parce que Monsieur A a sans doute pas mal de trucs en commun avec ce qui avait attiré ta mère vers ton père à l'époque. On a tous les défauts de nos qualités et il faut généralement s'accommoder des uns pour profiter des autres.

Peut-être même que ta présence a eu un effet catalyseur dans ce dont tu as été témoin, puisque ta mère lui a peut-être tenu tête, par ego face à sa fille alors qu'elle plie plus facilement lorsqu'ils sont seuls. Déstabilisé, parce qu'elle ne respectait plus leur dynamique, les règles non-écrites, il s'est emporté et est devenu méchant, la rabaissant par ses propos pour reprendre de l'ascendant sur elle à ses propres yeux. Si tu les a vus amoureux, c'est qu'ils le sont sans doute par moments et si ta mère reste avec lui, c'est qu'elle y trouve plus d'avantages que d'inconvénients. Au fond, cela ressemble sans doute aussi à ce que vit ta fille avec son Joblo, même si dans son cas, on parle de violence physique.







Une femme libre a dit...

En tout cas, quand je vois des trucs comme ça, et chez ma mère et chez ma fille, Pierre, je suis super contente de ne pas devoir supporter une vie de couple!

Dans ma relation qui a duré dix-sept ans avec mon ex-ami, jamais et j'en suis certaine, jamais je ne l'ai rabaissé et jamais il ne m'a rabaissée. Pour moi, diminuer l'autre, le ridiculiser, s'attaquer à ses compétences, c'est totalement inacceptable.

Je pensais justement que ma mère avait trouvé un homme différent de mon père, qui la respectait et ne prenait pas la mouche si facilement. Semble que non.

Une femme libre a dit...

Une dynamique où l'un domine l'autre et le ridiculise est malsaine. On ne peut pas empêcher quelqu'un de vivre dans une dynamique de couple malsaine, je sais. Je ne m'attends pas à ce que le couple soit un roman Harlequin et des différends, voire des disputes, c'est normal. Pas obligatoire, mais normal. Se faire du mal et se déprécier, c'est normal aussi? Non.

Éphémère a dit...

Ce n'est pas parce que vous, vous ne supporteriez pas cela que ce n'est pas de l'amour. Cela ne veut pas dire non plus que ça se produit tous les jours. Il n'y a rien de parfait dans un couple. Parfois l'un s'emporte parce qu'il est fatigué ou autre. Je comprends votre inquiétudes, mais il ne faut pas non plus faire de la transposition. Votre vie, n'est pas celle de votre mère et si elle accepte ce qu'elle vie, c'est qu'elle n'est pas plu mal non plus.

Je ne me mêlerais pas de cette histoire, surtout qu'elle vous a dit ne pas "écouter" ce qu'il dit. Votre mère est adulte et sait ce qu'elle fait je crois.

Ne perdez pas vos énergies en vain. Je crois que vous avez bien d'autres soucis !

Zoreilles a dit...

Je te souhaite (et à ta mère aussi) que ce soit seulement un mauvais moment auquel tu as assisté, impuissante. Il est normal que tu t'inquiètes pour ta mère, sachant ce qu'elle a vécu dans le passé. Mais il me semble, d'après ce que tu racontes, qu'elle est mieux capable de se protéger maintenant ou à tout le moins, de se fermer à l'écoute de ses sautes d'humeur.

Si ce Monsieur t'a fait si bonne impression pendant si longtemps, c'est peut-être qu'il est un homme bien?

Reste à l'écoute... si jamais ta mère te fait des confidences...

Une femme libre a dit...

Éphémère, je ne vais pas me mêler de cette histoire en effet. Ma mère ne m'a pas demandé d'aide. Si elle le faisait cependant, je serais là pour elle! Je vais attendre les confidences mais nous mettre en situation pour en avoir si jamais elle veut en faire. Demain, je vais la chercher et on ira manger en ville. On ira également au musée si ça lui tente et/ou magasiner si ça lui tente ou marcher si ça lui tente. Tout est ouvert. Je lui ai proposé et elle a dit oui. Je ne vais poser aucune question ni porter de jugement ni faire de commentaires non-sollicités.

Une femme libre a dit...

Zoreilles,
Ma mère a 88 ans et demi, c'est beaucoup! Avant, elle n'écoutait pas les colères de mon père non plus. Elle fait la même chose maintenant mais elle est plus fragile à cause de son âge. Elle me semble plus fragile du moins. Je fais possiblement de la transposition, comme le dit Éphémère. Elle ne s'est jamais plaint de monsieur A et elle ne s'est jamais plaint de mon père non plus. Pas plaignarde ma mère!

Ma stratégie, c'est de la voir seule à seule plus souvent si elle le veut bien. Ça me permettra également de profiter de sa présence. Elle ne sera pas éternelle.

Michèle a dit...

J'ai déjà été témoin "d'inélégance", l'ex de ma fille, un chum d'une amie...

Commentaires désobligeants, remarques humiliantes...

Je me parle pas de maladresse, on est tous maladroits parfois ou encore, d'humour, de tendres moqueries.

Mais bien de perfidie, de sournoiserie ou carrément de méchanceté.

Si ça produit devant témoins, comment ça se passe dans l'intimité ?

Ça me rend très mal à l'aise.

En fait, je crois que cela a été, dans mon jeune âge, carrément un élément d'exclusion.

Pur bonheur a dit...

Ça me fait penser à ces couples d'amis qui profitent d'un souper à quatres au restaurant pour laver leurs linges sales en public. Très très gênant pour l'autre couple et 'allo l'ambiance'.
Peut-être que ta mère attends d'être seule avec lui pour lui dire sa façon de penser, sur le fait de s'être fait malmener devant toi par exemple?

S@hée a dit...

Les apparences.. Le livre était excellent. Je ne pourrai pas regarder le film ;)

Solange a dit...

On refait souvent le même patron, peut-être qu'elle ne serait pas heureuse autrement. C'est peut-être sa façon à elle de sentir qu'elle a de l'importance à ses yeux.

Une femme libre a dit...

@Michèle
Perfidie, sournoiserie, méchanceté, oui, c'était bien ça. Je ne veux pas diminuer ce que j'ai entendu en me disant que c'est "une affaire de couple". Non, ce n'est pas une affaire de couple. La violence, quand on y assiste, on ne peut pas la nier, on la vit! En étant là, je devenais partie prenante envers ce qui se passait. Et je me devais de réagir. Pas sur le coup, excepté pour demander en privé à ma mère si elle était correcte, mais après, oui.

Tu parles d'un élément d'exclusion envers qui? Le violent ou la violentée?

Hier, je suis donc allée chercher maman et j'ai fait exactement le contraire de ce que je voulais faire au départ. Les gants blancs et l'hypocrisie, c'est pas moi du tout. J'ai parlé au "je" et lui ai dit comment je me sentais face aux reproches ridicules que lui faisait monsieur A. Des reproches qu'il inventait à mesure. Il cherchait à la diminuer et il cherchait fort. Voilà ce que je pensais et je me sentais fâchée contre lui. Elle ne l'a pas défendu du tout mais n'en a pas rajouté non plus et m'a dit qu'il s'était excusé. Et que c'était bien qu'il se soit excusé, qu'il avait intérêt à le faire. Et elle a changé de sujet et je l'ai suivie dans ce changement évidemment. On a parlé d'autre chose, elle semblait de bonne humeur. On a mangé dans un beau restaurant, visité le musée des Beaux-Arts, un peu, pas longtemps, elle voulait se promener. C'est ce qu'on a fait. Une belle journée ensemble. En pleine santé ma mère. Marche longtemps et beaucoup. Infatigable. Ou bien fatiguée en niant l'être. Une orgueilleuse. Pas une victime.

Une femme libre a dit...

Pur Bonheur,
Je n'ai jamais connu ça. J'ai un couple d'ami où le mari peut parfois tenter de diminuer sa femme (subtilement!) quand on est en groupe mais je remets tellement rapidement les pendules à l'heure soit la louangeant, soit en faisant remarquer qu'il n'est pas mieux ( je les connais fort bien, je voyage avec eux! je peux donc rapidement sortir une anecdote qui ne le met pas en valeur au besoin) qu'il fait plus attention quand je suis là. Jusqu'ici, tout reste sur le ton de la blague mais des fois, je sens qu'il ne blague pas vraiment et moi non plus en fait!

Une femme libre a dit...

@Sahée,
Ah! Tu l'as lu? Ça doit être une brique si je me fie à la longueur du film qui fait presque deux heures et demi!

Une femme libre a dit...

Solange,
Sentir qu'elle a de l'importance à ses yeux en se faisant rabaisser?
Non, je suis certaine que non.

S@hée a dit...

Je ne me souviens plus, c'était un format poche de ma coloc.

Mais il ne faut pas toujours se fier sur la longueur du livre/le film parce que représenter l'autre à partir de l'un est toujours un défi.

Très bon livre, c'en est dérangeant ;)

Une femme libre a dit...

Le film aussi est dérangeant. La fin invraisemblable: il reste avec elle et elle est enceinte de l'autre qu'elle a tué. Même fin dans le livre?