jeudi 6 novembre 2008

Le regard d'Istanbul

"Tu sais, ce qui m'a le plus frappée et ce qui m'a le plus enchantée aussi, ce ne sont pas les édifices, ni les cafés, ni l'exotisme, c'est le regard, bien qu'on peut parler d'exotisme ici, car nous les Québécoises, nous ne connaissons pas ça, le regard des hommes. Ceux-là regardent vraiment, ce n'est jamais déplacé, mais leur regard te dit que tu es une femme, que tu es un objet de désir, que tu existes en tant qu'être sexué et ça fait tellement de bien d'être regardée vraiment. Leur regard est franc, ouvert, présent, caressant. Ils ont le droit de regarder et le font avec fierté et dignité. Jamais un homme québécois ne va oser regarder comme ça, soit il ne te regarde pas, soit il te regarde comme si tu étais un autre homme, il n'y a pas de différence. Ici, tu n'existes pas en tant que femme, là-bas, oui. Nos hommes, on les a émasculés culturellement à force de leur dire qu'il ne fallait surtout pas qu'ils regardent les femmes comme un morceau de viande, on les a amenés à se nier dans leur entièreté mâle, on leur a appris à cesser de voir et de ressentir. J'aimerais vivre en Turquie, vraiment, pas que pour le climat et la douceur du temps, du thé, non, je voudrais y vivre pour le regard des hommes, celui qui me révèle ma féminité et me fait sentir entière et enveloppée. J'en ai plus qu'assez d'être transparente."

L revenait d'un de ses voyages et nous en parlait avec enthousiasme. Nous étions à la sala Rossa hier soir, mes belles amies et moi, pour le spectacle de Raïs, les musiciens et le chanteur en habits,cravates, sagement assis sur leurs chaises droites, sérieux, concentrés, impassibles. Mandoline, banjo, piano, tambourin, violon et la voix de Raïs, riche,aigüe et le hululement d'appréciation des femmes arabes dans la salle et puis certaines se lèvent, en transe, quelques hommes suivent, la chaleur monte et voilà Raïs lui-même qui arrête de chanter, se lève aussi transporté, se jette en bas de la scène et se met à danser avec les dames qui lui montrent leur ventre. Une soirée chaude.

11 commentaires:

Anonyme a dit...

Chère Shéhérazade, je vous retrouve bien là!
Vous êtes une telle conteuse que je ne pouvais vous oublier pour la matinée des Oscar. Vous faites ce que vous voulez de votre trophée, mais venez au moins prendre une coupe de champagne-bio-équitable-virtuel chez moi lorsque vous aurez une minute.

Anonyme a dit...

Sauf que c'est loin d'être toujours le cas! Pour l'avoir expérimenté, ces regards peuvent être très insitants, voirs aggressifs! Et que dire de ceux qui tendent le bras pour que tu viennes à eux et osent siffler et cracher si tu fais mine de rien....

Après la troisième journée, j'ai attendu que chéri finisse son travail (puisqu'on était là lui par affaire moi par plaisir) pour sortir avec lui....

Solange a dit...

Quand j'étais jeune les chauffeurs de camion sifflaient ou saluaient sur notre passage, on les a traités de gougeats, maintenant c'est fini. Qu'un québécois fasse un compliment à une femme il a besoin d'être beau en s'il vous plait pour ne pas se faire virer de la belle manière. Si nos hommes sont comme ça c'est de notre faute.

Solange a dit...

Euh... je voulais dire: "goujats" et non "gougeats".

Mathieu a dit...

Vive la feminité.

Anonyme a dit...

Je passe juste te remercier pour ton petit mot chez moi. Cela réchauffe le coeur. Merci :)

Une femme libre a dit...

Du champagne et en votre compagnie? Je suis partante et avec grand plaisir! Un gros merci Encre.

En fait, Cricri,moi qui ne connais directement ni Istanbul ni la Turquie, c'est plutôt cette image d'hommes insistants que j'avais. Mais Amie prétend que Istanbul est ouverte, cosmopolite et policée. Il y a bien des quartiers plus traditionnels avec des femmes voilées mais il y a aussi une ouverture sur le monde, de la culture, des bars et des spectacles. C'est certain qu'autant de voyageuses, autant d'expériences différentes. Amie s'habille de façon très couvrante en voyage, peut-être cela joue-t-il? Je n'en sais trop rien.

C'est vrai que les siffleurs de notre jeunesse ont disparu. Sifflent-ils des plus jeunes ou bien ce n'est plus du tout dans les moeurs? C'est en partie de notre faute si les hommes ont cessé de nous couvrir d'attentions, je suis tout à fait d'accord avec vous, Solange.

C'était tout naturel, Christine. Je pense à vous.

Grande-Dame a dit...

Être regardée et /ou complimentée par un homme et sentir son admiration, son désir, c'est flatteur et souvent émoustillant.

Être sifflée vulgairement par un homme sans classe dont le haut de la chemise est souillée de bave, ça sent la vulgarité.

Tout est dans la dignité. Il y a moyen que les instincts animaux soient exprimés dignement.

herbert a dit...

Bonjour;
Le regard de France n'est pas mal non plus...
On n'est pas souvent maître de son regard...C'est pour cela qu'il n'est jamais indifférent.
Tiens-toi le pour dit...
Bonne journée.

Solange a dit...

Grande dame a un commentaire méprisant qui ne fait pas honneur à son nom. La vulgarité comme le bon goùt se retrouvent dans toutes les classes de la société. Les modes changent aussi, aujourd'hui les filles font des avances aux garçons, ce qui il y a quelques décennies aurait été d'une très grande vulgarité.

unautreprof a dit...

Je ne sais pas. Dans plusieurs pays en Europe, le regard des hommes se fait beaucoup plus présent et insistant. Impossible de sortir sans se faire inviter prendre un café. Personnellement, je trouvais cela lassant, très lassant, et lorsque, 1 mois plus, je suis revenue au Québec, c'est avec soulagement que j'ai retrouvé ma bulle.