mercredi 20 septembre 2017

L'amour

C'est vaste l'amour. C'est grand. Et c'est pas juste entre une femme et un homme non. Plus vaste, plus ouvert, ésotérique parfois. Bien que l'amour entre une femme et un homme, ou entre deux femmes ou deux hommes, celui basé sur le désir, les soupirs et le cœur qui bat et les jambes qui flanchent soit assez dur à battre, je l'admets sans gêne ni pudeur, envahie par le souvenir. 


Mais ce n'est plus ce que je vis et je refuse fermement de m'apitoyer sur mon sort. J'ai très énormément baisé dans ma vie d'avant, suffisamment pour en faire provision. 

mardi 12 septembre 2017

Ma mère, féminisme et arts ménagers

Ce billet est en réponse au commentaire de Gen qui se désole de la disparition des savoirs ménagers. 

Quand ma mère est née, les femmes n'avaient pas le droit de vote. Quand ma mère s'est mariée, elle a été obligée de quitter son emploi à l'assurance-chômage parce que les femmes mariées n'avaient pas le droit de travailler pour le gouvernement. Elle n'a plus jamais travaillé à l'extérieur de la maison par la suite. 

Elle savait coudre à la perfection. Faisait tous nos vêtements et ceux de bien des voisines! Comme elle était douée, on faisait beaucoup appel à ses services, bénévolement évidemment. Mais de toutes façons, elle aurait refusé qu'on la paie si on lui avait offert de l'argent. Chez nous, on ne vendait rien mais on donnait beaucoup. 

Mon père était dans plein de comités et de conseils d'administration et ils sortaient beaucoup. Elle demandait qui serait à la soirée ou à la réception et si elle pensait que quelqu'un avait déjà vu ses robes, elle s'en fabriquait une autre, la même journée! Elle faisait ses propres patrons et était vraiment très créatrice. 

Le tricot, elle savait faire mais elle préférait nettement la couture. D'ailleurs, Gen, elle me faisait aussi du linge de poupée, tout comme tu en fais peut-être pour les poupées de ta fille! Et comme tu vois, je m'en rappelle encore. 

Par contre, la cuisine, elle détestait ça et elle déteste tout autant aujourd'hui. Heureusement, elle s'est trouvé un chum qui fait la cuisine et elle n'y met pas les pieds quand il est là! Mettons que des Kraft Diner et du ragoût de boulettes en boîte, on en a beaucoup mangé dans ma jeunesse eheh! Et mon père nous emmenait souvent au restaurant. 

L'époque de ma mère, c'est celle de ta grand-mère, Gen et je sais que tu l'aimais beaucoup ta grand-mère. Pas vraiment de contraception dans ce temps-là, beaucoup de familles nombreuses. Ma mère a été en avance de son temps car elle a demandé et obtenu la ligature des trompes après seulement trois enfants. Elle a dû aller chez les Anglais, à l'hôpital juif en fait, parce que la procédure lui a été refusée dans son hôpital de quartier. 

Quand moi je suis née, je pouvais faire tout et n'importe quoi. Le chemin avait été tracé par la génération de ma mère. Je me suis toujours sentie libre. Alors que les arts ménagers soient pour les filles seulement, ça choquait.  Ce qui était sous-entendu par ce sexisme éducatif, c'est bien que les garçons n'avaient pas besoin de connaître quoi que ce soit à la tenue de maison car ce sont leurs femmes qui s'en occuperaient. Et dans les années soixante, cette façon de penser était déjà dépassée.

Ceci dit, c'est vrai que c'est une richesse de savoir et coudre et broder et cuisiner et tricoter! Cuisiner, c'est vraiment gagnant et à la mode dans la société actuelle et ceci pour les deux sexes et c'est excellent! Coudre et tricoter, c'est plus rare et donc encore plus précieux pour ceux qui savent. Je me demande si ça s'enseigne encore dans les écoles régulières, le sais-tu? Chose certaine, si c'est le cas, les deux sexes apprennent et c'est très bien comme ça. 

vendredi 8 septembre 2017

Tricot

J'ai fait mon cours classique, gratuitement. Les quatre premières années car ensuite, il a été remplacé par le cegep. Dans mon temps, il y avait donc le cours classique, le cours scientifique et le cours commercial. J'étudiais à l'externat classique Margarita qui était dirigé par les Soeurs de Notre-Dame. C'était évidemment une institution pour filles seulement, les écoles mixtes n'ayant pas encore été inventées. On avait un uniforme et les Soeurs nous enseignaient. Il y avait un seul professeur masculin, Monsieur Baraqué (non, je n'invente pas le nom pour faire une blague, il s'appelait comme ça pour vrai!) et il enseignait la chimie. Je me souviens encore de l'odeur de son eau de cologne et je la reconnaîtrais! 

Alors, je dois être en syntaxe peut-être ou en Méthode, pas certaine,mais pas en Éléments Latins et voilà qu'on fera un cours d'arts ménagers cette année-là. Ça ne me fait pas plaisir, moi, ce que j'aime dans la vie, c'est lire et lire encore, mais ça enrage ma mère. "Je t'envoie à l'école pour apprendre des vraies matières, pas pour coudre ou cuisiner". Évidemment, les gars, eux, n'ont pas de cours d'arts ménagers dans leurs écoles, ils "ne perdent pas de temps avec ces niaiseries-là" décrète ma mère. 

Alors, quand j'arrive avec une jupe commencée en classe à compléter à la maison, elle m'enlève le tissu des mains, m'envoie étudier de "vraies matières" et la coud pour moi. Ma jupe terminée a été bien notée par la soeur. Bien. 

Quelques semaines plus tard, on passe au tricot (on tricotait des chaussettes), je tends donc docilement la pelote de laine à maman en arrivant à la maison et je retourne à mes livres. Quand j'arrive à l'école avec mes chaussettes impeccablement terminées, la soeur me félicite. Trop facile cet art ménager!

La soeur me demande alors d'enseigner la maille à l'envers à Brigitte qui était absente lors de la leçon, vu que "vous le possédez si parfaitement, mademoiselle". Je m'assois à côté de Brigitte, mais évidemment, je ne peux pas l'aider. La soeur voit bien qu'il ne se passe pas grand chose et vient nous voir. "J'ai oublié comment faire, ma soeur." 

-Vous avez oublié? Hum, hum. Venez me voir après la classe, on en discutera. 

J'y suis allée. On a discuté. Elle m'a parlé du mensonge, de la vérité, du bien que ça fait quand on dit la vérité. Elle me gardait une heure et me demandait "Mademoiselle, est-ce bien vous qui avez tricoté vos chaussettes?"

-Oui, ma Soeur, c'est moi. 

-Revenez demain après la classe. Je prierai pour vous. 

Elle m'a gardé comme ça quatorze jours, avec le même schéma, la même question et la même finale. Quatorze jours d'école, c'est presque trois semaines! Mais je serais restée en retenue toute l'année s'il l'avait fallu. Mon mensonge, j'y tenais! Finalement, elle m'a dit de ne pas venir le lendemain et elle ne m'a plus achallée du reste de l'année. Ma mère a cousu mes coussins et fait la broderie au point de croix pour les décorer. Cette fois, Soeur Bénédicte, qui n'était pas folle, ne m'a pas félicitée et ne m'a pas demandé non plus si c'était moi qui les avait faits. 

J'ai été première dans toutes les matières cette année-là. Je savais que c'était ce qui comptait pour ma mère et il n'était pas question de la décevoir. Elle avait fait sa part!