vendredi 25 décembre 2009

Caractère de cochon

Elle pesait quinze livres à 23 mois quand elle est arrivée d'Haïti. Avait peine à se tenir sur ses petites cannes chancelantes mais avait une voix qui faisait trembler la maison. Reconnue pour ses colères à la garderie, pour ses cris perçants, pour sa vitesse aussi. Une petite vite douée pour tout, une intense. Ado, je ne m'inquiétais même pas si elle rentrait tard. Une pitbull pareille aurait fait peur à bien des gars en rut. Et pourtant, elle en a subi une agression, dont elle ne m'a jamais parlé. Pas dans la rue, dans une chambre où elle s'était volontairement rendue. C'est la police qui m'a appelée et puis une travailleuse sociale du centre jeunesse. Elle a toujours nié et refusé de porter plainte. Refusé toute aide psychologique aussi. La vie continue et laissez-moi tranquille. Elle a gardé ce caractère bouillant, qui lui vaut des succès, elle décide vite et a plein d'idées, mais tant de déboires aussi. En colère, elle ne voit plus clair, dit n'importe quoi et le pire, plus aucune mesure, elle assassine avec ses mots. Elle était comme ça petite et elle a parlé tôt. Elle a tout fait tôt. L'amour aussi.

Violente une fois à l'école, une vraie bataille avec une fille dans les vestiaires, elle avait quatorze ans, elle aurait pu y perdre un oeil à se taillader comme ça avec leurs longs faux ongles, elle avait une longue égratignure au visage de la joue jusqu'au bord de l'oeil. C'était la faute de l'autre qui avait commencé, dira-t-elle. Trois jours de suspension pour les deux combattantes, a décidé de directeur. C'était une mauvaise année. Sa soeur était en fugue et elle en savait plus que tout le monde et gardait le secret.

Quand elle s'est mise à m'agresser verbalement pour une niaiserie il y a quelques jours, je lui ai dit que c'était assez, qu'elle ne pouvait pas faire subir ça à son bébé, qu'il fallait changer maintenant qu'elle était mère. Non seulement ça ne l'a pas arrêtée, mais elle a crié encore plus fort, pris son enfant sous le bras et m'a dit qu'elle ne voulait plus jamais me voir et plein d'autres choses méchantes que je n'écoute pas, parce que je suis habituée à ce qu'elle dise des mots qu'elle ne pense pas, moi je la connais, mais ce n'est pas le cas de tout le monde et son conjoint, je ne suis pas certaine qu'il se ferme à ses mots, je ne suis pas certaine qu'il ne soit pas atteint par ses coups de poignards. Je savais par expérience qu'elle ferait comme si rien ne s'était passé, malgré le message haineux qui m'attendait sur mon répondeur. Je l'ai effacé.

Et voilà qu'elle m'appelle ce matin. Le bébé s'est brûlé hier sur la tourtière, ils sont allés à l'hôpital et que faire pour qu'il ne se mette pas en bouche sa main pleine de polysporin? "Tu lui mets un pansement, ma belle."

Joyeux Noël!

8 commentaires:

Solange a dit...

On revient toujours vers la source! Joyeux Noël à vous aussi.

Michèle a dit...

Joyeux Noël Femme libre.

Pur bonheur a dit...

Joyeux Noel très chère. Je vous félicites pour votre patience et votre amour inconditionnelle pour vos filles qui vous doivent tout. Un jour elles vont le réaliser !

Unknown a dit...

J'ai une amie thérapeute qui avait adopté un petit Brésilien de 18 mois. Peu après l'adoption, son mari l'a quittée et elle s'est trouvée seule avec le gamin qui déjà tout petit faisait preuve de beaucoup de violence. Je pense que beaucoup de ses enfants ont vécu des choses très dures durant leur prime enfance et ne sont pas capables de se laisser aimer, car ile ne se se sentent pas dignes d'amour. A huit ans, il était très grand et très fort, il a commencé à la frapper et toute psychologue qu'elle était, elle n'arrivait pas à le gérer... Elle avait peur de ce gamin et s'enfermait dans sa chambre la nuit. Quand il lui a dit "un jour, tu seras obligée de me tuer", elle a pensé qu'elle devait s'en séparer provisoirement et elle l'a mis en pension. Et là, incroyable, parmi d'autres enfants, loin de la tendresse d'une mère, il s'est transformé, épanoui. Aujourd'hui, il a douze ans, il est toujours en pension, et cet été, il l'a accompagnée dans le midi où elle organisait des stages de thérapie par la danse et il lui a dit "tu es la lumières de ma vie, on a beaucoup de chance de s'être trouvés". Elle en a pleuré. Alors je pense que chez votre fille il y aura un moment aussi où tout changera, ça viendra peut-être de son enfant, mais je suis sûre que vous vous rapprocherez et qu'elle prendra conscience de ce que vous êtes et de tout ce que vous avez fait pour elle.

Une femme libre a dit...

La source maternelle, oui Solange! ;o)

Passez une merveilleuse journée, Michèle, du moins ce qui en reste...

Elles ne me doivent pas tout, non, Pur Bonheur. Elles s'en doivent pas mal à elles-mêmes, ce sont des survivantes, des combattantes, mes filles. Pas parfaites, mais le suis-je moi-même?

Mais elle va bien cette fille au mauvais caractère, Monique. Tout sort, elle ne garde rien en dedans, c'est l'entourage qui écope, pas elle! Vingt ans, ma plus vieille, a des problèmes d'attachement diagnostiqués, quelque chose qui ressemble pas mal à ce que vous décrivez chez le petit garçon de votre amie thérapeute. Mais ma Dix-neuf ans à moi, non. Elle m'aime et elle sait que je l'aime tout comme elle aime son chum et elle sait qu'il l'aime. Sauf que son fichu caractère fait qu'elle est très difficile à vivre. Pénible par moments. Et puis charmante à nouveau. J'aimerais bien que cet aspect de sa personnalité change mais j'en doute. Il faudrait qu'elle veuille changer. J'espère seulement que son bébé soit à l'abri de ses sautes d'humeur.

Pierre F. a dit...

C'est ce qu'on appelle de l'amour inconditionnel.

Une femme libre a dit...

C'est une des caractéristiques de l'amour parental d'être inconditionnel.

Mamzell_McJ a dit...

;-)