vendredi 22 mars 2013

Je ferais quoi?

Je ferais quoi? Les livres, les spécialistes, les traités, tous vont vous dire de la garder près de vous, de ne pas l'envoyer à l'école, d'attendre pour la présenter même à votre famille. On vous conseillera donc de la séquestrer chez vous et de répondre à tous ses besoins dans le but de créer de l'attachement. Bien, très bien pour un bébé de moins de trois ans.

Mais c'est une petite fille de sept ans qui arrive. Je ne ferais rien de tout ça. Je l'enverrais à l'école au plus sacrant. Parce que la vie d'une petite fille de sept ans ne se limite plus à la famille. Je la laisserais aimer qui elle veut, comme elle veut. Si c'est ma soeur, ma cousine ou bien sa maîtresse d'école, let's go! Parce que je n'aurais pas cette attente folle que je devienne le centre de son univers. Pas à sept ans. Pour un bébé, maman et papa sont le centre de son univers et c'est bien ainsi. Ils répondent aux besoins physiques et en même temps au besoin de sécurité. Ils apportent de l'affection.

À sept ans, l'enfant répond tout seul à la plupart de ses besoins physiques. Si l'enfant régresse, tant mieux! On en profite. Sinon, on laisse aller.

Adopter un enfant plus âgé est pas mal altruiste parce qu'on accepte d'emblée (du moins on devrait l'accepter!) qu'il ait déjà sa vie propre, ses idées qui ne sont peut-être pas du tout les nôtres, son caractère que nous n'avons pas vu se développer.

C'est en même temps très excitant d'accueillir quelqu'un qui peut ouvrir nos horizons si nous respectons ses spécificités sans attente émotive.

Si on ne s'attend pas nécessairement à ce qu'il nous aime, ça ne veut pas dire que nous on ne peut pas l'aimer! Mais des fois, on peut avoir la surprise de découvrir qu'on ne l'aime pas tant que ça. Pas grave. Pas grave du tout. Important d'accueillir ce que nous ressentons sans jugement. Respecter l'enfant, le traiter avec droiture et justice, établir les règles parce que c'est nous le parent et accepter qu'il ne sourie pas tout le temps. Ou bien qu'il sourie tout le temps mais... pas à nous!

La préparation est importante. J'ai cru comprendre qu'aux Philippines ils font une bonne job.

En Haïti, il y a 19 ans, il n'y avait aucune préparation, aucune. Le père de ma fille l'a reconduite à l'orphelinat alors qu'elle avait quatre ans et trois mois. Il lui a alors dit "Va avec la dame. Je reviendrai te chercher." Ma fille attendait donc son père. Et trois mois plus tard, une journée, on lui apprend qu'elle va prendre l'avion, qu'une femme blanche va venir la chercher et qu'elle va vivre au Canada. Évidemment, je ne savais rien de tout ça. C'est elle qui l'a raconté. Pas à moi, à un des nombreux thérapeutes que nous consultions. J'envoyais des photos, des cadeaux et je demandais si elle était contente d'être adoptée, si elle avait hâte de nous voir. Les réponses étaient vagues.

Alors, je me pointe pour aller la chercher à l'aéroport de Port-au-Prince, la directrice de l'orphelinat la tient par la main, l'enfant change de mains, on me donne une grosse enveloppe qui contient son "dossier" et nous voilà dans l'avion. Elle a l'air zombie et je suis persuadée maintenant qu'elle l'était et qu'on l'avait droguée pour qu'elle accepte de me suivre.

14 commentaires:

Pierre Forest a dit...

Elle a du vivre ça comme un enlèvement.

Une femme libre a dit...

Absolument! Quand j'ai consulté au clsc, la t.s. devait la voir 15 minutes. Finalement, elles ont passé une heure ensemble seule à seule dans son bureau. La t.s. a fait reporter ou annuler les rendez-vous qui suivaient le nôtre. Elle est sortie bouleverser en disant "La petite me demande de l'aider à retourner en Haïti."

Une femme libre a dit...

bouleversée

Mélissa a dit...

wow j'ai le gros frisson juste d'y penser, ça n'a vraiment pas dû être facile pour vous comme pour elle tout ça..

Nanou La Terre a dit...

Femme Libre,
tu as tellement toute mon admiration... xxx

unautreprof a dit...

Pauvre poulette!

Effectivement, chaque enfant adopté vient avec son histoire qui n'est pas la nôtre. Ouf!

Une femme libre a dit...

Mélissa, Nanou, Unautreprof,

Cette adoption a été dramatique et pour elle et pour moi.

Une femme libre a dit...

Le pire pour moi a été le manque de préparation. Les parents adoptants semblent vivre dans un nuage rose, tous ceux que j'avais rencontré nageaient dans un tel bonheur sans nuage que je m'attendais à la même chose. Et en plus ma première adoption était merveilleuse. Alors, ce rejet, cette haine de ma nouvelle fille envers moi (et juste envers moi, elle s'accrochait aux autres pour ne pas rentrer avec moi!) a été traumatisant.

Nanou La Terre a dit...

Je lis de nouveau ton billet et, pauvre petite chouette, cette histoire est tellement pathétique...
Un papa qui ne reviendra jamais la chercher, quelle insécurité et quel traumatisme pour une petite fille de 4 ans.

Une femme libre a dit...

Oui, bien sûr, c'est un immense traumatisme. Mais tout n'était pas rose dans la famille non plus. Elle a été battue à l'orphelinat et ça, elle en a parlé. Mais il y avait des cicatrices anciennes sur son corps, qui ne pouvaient donc pas provenir de là. Et puis, les possibilités d'abus sexuels étaient importantes, bien qu'elle n'en ait jamais parlé comme tel. Deux jours après son arrivée, on va voir son pédiatre. Elle se colle immédiatement contre lui et met la main à sa braquette. Pas un comportement trop "normal" pour une petite fille de quatre ans et demi.

Nanou La Terre a dit...

Bon sens, pauvre cocotte...

Une femme libre a dit...

Elle était battue à l'orphelinat parce qu'elle faisait pipi au lit. Avec un bâton.

Elle a fait pipi au lit jusqu'à sa puberté, à 11 ans. Ça a arrêté d'un seul coup alors qu'elle faisait pipi au lit toutes les nuits sans exception. Ses règles ont commencé et l'énurésie est partie avec.

Pur bonheur a dit...

Est-ce qu'il s'agit de ta fille, celle qui a un petit garçon?
Chez nous, nous étions une famille d'accueil. Nous avons pris chez nous une fille d'un an mon ainée , elle avait 9 ans. Le premier soir, quand le souper fut prêt, elle refusa de venir manger. En pleurant elle disait qu'on ne l'aimait pas. Elle avait vécu de 0 à 6 à l'orphelinat d'Youville et ensuite dans deux familles. Ma mère est monté la chercher et lui a dit à sa façon hein, parce qu'elle était pas parfaite non plus : Bon là, tu vas cesser de pleurer pour rien. On ne t'a jamais dit qu'on ne t'aimait pas. Tu vas m'appeler Matante et tu vas voir, tout va bien aller. Essuie tes yeux et viens souper'. Ce fut la seule fois où elle s'est 'révoltée'. Elle a habité 10 ans avec nous. Mais c'était pas le paradis quand même. Mes parents s'engueulaient souvent le soir tard , et toute la famille, elle inclus, devait vivre ça. Vraiment pas de chance pour elle.

Une femme libre a dit...

Non, pas celle qui a un petit garçon, elle a pas de trouble de l'attachement, juste un foutu caractère! Mais elle s'en tire bien, je n'ai pas de grosse inquiétude pour elle.

Ma plus jeune non plus n'en a pas de troubles de l'attachement.

Je parle de ma plus vieille qui a 23 ans.