mardi 23 septembre 2008

Quatorze ans

C'est fantastique d'être le témoin privilégié de la vie d'une jeune de cet âge. Une vie tout en ébullition et en nouveauté. Samedi donc, Quatorze ans a joué dans un film. Je l'accompagnais. Au début, angoisse. Elle n'aime pas son costume. Les jeunes sortent de leur cabine l'un et l'une après l'autre et le temps s'éternise. Quatorze ans, elle, n'en sort pas. En tant que mère, on a plus ou moins sa place dans ces productions, alors je me fais discrète, mais finalement, le temps passant, je la rejoins dans sa cabine. Elle est découragée, ne sait pas si elle doit porter la cravate, ne sait pas dans quel ordre mettre ses vêtements sur les cintres numérotés fournis, panique, les bas qu'on lui a donnés son trop laids, elle ne veut pas les mettre non plus, bref, on se chicane, et une habilleuse nous entend et me dit "Je vais m'en occuper." Merci, madame, merci!

Ensuite, on attend dans un grand gymnase et c'est une nouvelle angoisse. "Pourquoi moi j'ai cet uniforme bourgogne et les autres sont en gris? Qu'est-ce qu'ils vont me faire faire? Pourquoi on attend? On attend quoi? Non, ne va pas à la salle de bain, reste avec moi!" Et moi, qui n'ai jamais vécu cette situation non plus, je n'ai pas de réponse. Pénible. On finit par appeler ceux qui ont déjà leur costume. "Va avec le groupe, Quatorze ans." Très insécure, elle veut que je l'accompagne. Je le fais mais à un moment donné, il faut bien que je la quitte, je ne fais pas partie du film, moi. Je me sauve. Un peu plus tard, je retourne la voir, des larmes coulent sur ses joues. Je la trouve vraiment handicapée à ce moment-là, car je le connais son problème, elle a peur de ne pas comprendre les instructions à cause de sa dysphasie. Sa peur crée de l'anxiété et l'anxiété, ça paralyse. Mais mon rôle, c'est de la pousser. La vie va être plus dure pour elle, c'est un fait, mais il faut qu'elle la vive sa vie, malgré tout. "Suis ton groupe, ça va aller." lui dis-je fermement. C'est alors qu'un ange s'est présenté, sous les traits d'une jeune fille noire de son âge qui lui a dit doucement, la voyant pleurer: "Moi aussi, c'est mon premier tournage." Fiou! À partir de là, tout s'est mis à bien aller. Alléluia!

Le reste de la journée, je ne sais plus trop ce qu'ils ont fait. Je les ai perdus de vue, j'ai jasé avec d'autres parents, on est allées se promener sur le bord de l'eau (le tournage était à Lachine, petite ville magnifique) et la journée a passé comme un éclair malgré les treize heures de tournage. Le soir, elle aurait voulu revenir le lendemain tellement elle avait aimé et puis, sa plus grande fierté, c'était d'avoir travaillé, d'avoir gagné des sous. Bref, une magnifique expérience et pour fillette et pour moi. J'ai beaucoup apprécié de voir de l'intérieur la réalisation d'un film. Quelle organisation réglée au quart de tour et des gens gentils, charmants, souriants, flyés et qui aiment les jeunes. Je n'ai que des bons mots pour cette équipe qui tournait "Le Trotsky", un film de Kevin Tierney (Bon cop, bad cop), avec un budget de 6.4 millions et dans lequel jouent Geneviève Bujold (pas là samedi) et Anne-Marie Cadieux (belle femme toujours souriante et patiente qui refait les scènes encore et encore avec humour, une vraie professionnelle). Le film sortira à l'été 2009.

Et puis, dimanche, Quatorze ans recevait un garçon à la maison, une première! Un garçon de sa classe qui est amoureux d'elle, lui téléphone tous les soirs, chatte avec elle tous les soirs aussi et lui a demandé de sortir avec lui. Elle a refusé mais il était invité à passer le dimanche après-midi chez nous. On est allés le chercher au train. Un très gentil garçon, visiblement très intéressé par ma fille mais sans être fatigant. Le pauvre, elle ne lui parlait pas. Pas du tout je veux dire. Ils se sont mis à leurs devoirs, chacun de son côté, sans se dire un mot. Je trouvais ça triste un peu. Je leur ai proposé d'aller s'acheter de la crème glacée. Ma fille ne voulait pas, je les ai envoyés un peu de force. Et puis, promenade accompagnée dans le parc Angrignon et puis retour au train pour le pauvre garçon. Je lui ai dit qu'il devait être bien déçu de sa visite. Pas du tout, m'a dit le charmant jeune homme, normal qu'on ne se parle pas, on ne se connaît pas, on est gênés et puis c'est la première fois que je viens chez vous. Quel dommage que ma fille ne soit pas amoureuse elle aussi d'un si gentil garçon! Amour non partagé. Soupir.

12 commentaires:

Solange a dit...

Elle voudra sûrement recommencer l'expérience maintenant qu'elle y a goûté. C'est le genre de chose qui donne de la confiance en soi.

Une femme libre a dit...

Oui, elle aimerait beaucoup recommencer. Expérience très valorisante. Mais nous somme à la merci de l'agence de figuration. Elle est dans un grand catalogue, ma poulette et on l'appelle quand on a besoin de son type physique. Elle y est depuis deux ans et a été appelée le premier été pour un long tournage qu'on a dû refuser parce qu'on partait en vacances dans cette période. Alors, si jamais elle est rappelée, on ira, c'est sûr! ;o)

Une femme libre a dit...

nous sommes

Mamzell_McJ a dit...

je l'imagine en panique... Fistounet me fait parfois vivre ce type d'angoisse.

Mais les anges... moi j'y crois !

herbert a dit...

Bonjour,toi.
Que d'émotion, dans ce texte.
Que d'amour, aussi.
Et quelle réussite, au bout du compte...

14 ans, je l'aime.
Tu le lui diras,s'il te plaît.
Bonne soirée.
Je t'embrasse.

unautreprof a dit...

Le bord du Canal de Lachine est en effet superbe.
Avec le beau temps samedi, ça devait être idéal.

Ta fille de 14 ans c'est la même qui est dyslexique?
Elle a aussi une dysphasie?

Lud. a dit...

Waw! quelle belle expérience pour 14 ans! j'espère que ce jeune garçon va réussir à l'avoir par la patience et à coup de charme! ah ces ados, ils n'aiment jamais les bons! ;)

Anonyme a dit...

Que c'était plaisant à lire, tout ça! Cela devait être formidable de participer à une telle entreprise, et quel plaisir ce sera encore de voir le film dans quelques mois! Félicitations, Quatorze ans! :-))

Une femme libre a dit...

@Juliette. Moi et les anges, d'habitude, rien en commun.... rires!

@Herbert. Bien sûr que je le lui ai dit! Je ne lui ai pas dit que vous veniez de l'internet. Je lui ai dit qu'un gentil monsieur à qui je parlais parfois d'elle, l'aimait. "Mais il ne me connaît même pas pour vrai!" Il aime ce qu'il connaît de toi, Quatorze ans! Elle a souri.

@Unautreprof. Oui, c'est bien elle. Dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, trouble de l'attention et un nouveau diagnostic de dysphasie assez récent celui-là, à la fin de l'année scolaire 2007. Au niveau de la réception du message. Car pour ce qui est de parler, aucun problème, son langage est fluide et nuancé, avec un excellent vocabulaire.

@Lud. Hier, on en parlait encore car Dix-sept ans trouvait son chum actuel laid avant de tomber en amour avec lui. C'était drôle. Quatorze ans défendait fort bien ses opinions. Je pense qu'il n'y a aucun moyen de la faire changer d'idée. Affaire classée!

@Encre. On ira voir le film c'est sûr. Le sujet est fort intéressant.

Anonyme a dit...

Bonjour FemmeLibre,

Tiens, puisqu'elle est douée pour s'exprimer verbalement, pourquoi ne pas l'amener voir un spectacle de Fred Pellerin. Qui sait, ça pourrait lui donner des idées. Profession: Raconteuse

Une femme libre a dit...

C'est drôle parce qu'on a des billets justement pour Fred Pellerin, Pierre!

herbert a dit...

Ce que tu as dit à ta fille me plaît beaucoup. Ce qu'elle t'a dit aussi.
Je suis ému.
Merci.
Bisous