vendredi 21 mai 2010

Causerie

"Tu sais, pour moi, le plus important dans la vie, ce qui me fait vivre, ce qui fait que je me lève le matin, ce à quoi je tiens plus que tout....

On était à sa table de cuisine, mercredi soir, dans la pénombre. Elle nous avait cuisiné du saumon et des brocolis. Rien de plus. Elle surveille son poids et je n'arrête pas de dire que je fais de même. Heureusement, j'avais apporté une bouteille de vin dans laquelle je picolais joyeusement. J'aime cette fille depuis que je suis en troisième année primaire. On venait de déménager et quand je suis entrée dans cette classe étrangère dans cette école étrangère avec cette professeure étrangère, je me suis spontanément placée à côté d'elle. Elle avait des lunettes et moi aussi. Elle était la bollée de la classe et moi aussi. Mais elle était encore plus bollée que moi parce qu'en math aussi elle pétait des scores. Moi pas. On faisait des concours de composition. C'était toujours elle ou moi les meilleures. Toujours, pendant toute l'année. On faisait des concours de lectures. Ça, c'était entre nous. Qui lirait le plus de livres en moins de temps. Elle habitait en face de l'école. Je la visitais. Sa mère était gentille. Son père m'avait invitée à leur chalet. J'avais quatorze ans (ben oui, on n'est pas toujours restées en troisième année!). J'ai une photo de ça. Moi, sur une butte près du chalet. On avait dormi dans la tente. Il avait plu. On était rentrées dans la maison. Elle avait de longs longs cheveux. Moi aussi. Mais on ne faisait pas de concours de cheveux. J'ai eu des verres de contacts. Elle a gardé ses lunettes. Maintenant, elle en a des verres de contact, tiens et c'est moi qui suis revenue aux lunettes!

Elle m'avait donc invitée chez elle pour me parler d'inquiétudes qui lui étaient venues à l'idée d'héberger Seize ans chez elle si je faisais un hypothétique autre voyage, qui risquait de devenir moins hypothétique si je savais Seize ans en sécurité. Elle habite sur la même rue que l'école de Seize ans, ce qui est fort pratique et c'est elle qui m'avait proposé que ma fille vive chez elle. Mais voilà qu'elle voulait en reparler, alors même qu'il n'y avait pas de voyage concret à l'horizon. Je craignais fort qu'elle n'ait changé d'idée, ce qui n'était pas grave du tout. Mais ce n'était pas tout à fait ça.

On en était aux confidences et ces confidences avaient un lien direct avec le séjour possible de ma fille chez elle. "Je ne m'en remettrais pas s'il lui arrivait quelque chose, tu comprends? Il va falloir que ta fille fasse vraiment attention, qu'elle barre portes et fenêtres en tout temps et puis, je préférerais qu'elle ne la touche pas, qu'elle ne la perturbe pas. Il faut aussi tout bien ranger à mesure car elle pourrait bien avaler quelque chose de mauvais pour elle. Elle est très sensible et c'est à la suite du séjour de visiteurs que son frère est décédé, j'en suis persuadée. Quand j'étais absente, X a voulu brosser le poil emmêlé de Minou et il a peut-être accroché son opération en le faisant, Minou a été opéré deux fois. Et aussi, j'ai trouvé des broches de brocheuse par terre, ce sont sûrement les filles de X qui les ont laissé traîner et il est fort possible que Minou en ait avalé. Quoi qu'il en soit, Minou est mort deux jours après leur départ, à l'Hôpital Vétérinaire. J'ai encore de la misère à en parler. Si jamais il arrivait quelque chose à Minoune, ce serait terrible. Il ne me reste plus qu'elle."

Il y avait d'autres restrictions aussi.

Bon ben coudons, je n'enverrai pas ma fille-là, c'est tout. J'ai trouvé profondément troublant qu'une fille si brillante, sensible aussi, extrêmement cultivée, charmante en plus, ait comme grand amour de sa vie .... une chatte! Mais je n'y entends probablement rien. Je n'ai jamais été amoureuse d'un chat, il paraît que quand on a eu la piqûre, on comprend!

16 commentaires:

Juste moi a dit...

Depuis que je suis partie de la maison familiale (il y a, me semble-t-il, mille ans !), j'ai toujours eu des chats. Un ou 2 à la fois. Et moi non plus je ne comprends pas qu'on puisse les mettre au centre d'un univers "humain". Ce n'est donc pas, je crois, une question de "piqure" mais juste un état de fait. Certaines personnes semblent s'attacher plus facilement, plus "totalement" à un animal qu'à un autre être humain. Je trouve ça un peu triste...

Nanou La Terre a dit...

Je ne sais pas trop quoi répondre à tout ça. J'ai une petite chienne que j'adore et j'avoue être assez mère-poule avec elle. Je ne la confierais pas à n'importe qui ça c'est certain. Pour ton amie, je énormément d'anxiété. Elle regrette peut-être sa proposition qui, je n'en doute pas, a été vraiment fait avec bonne volonté. Il faut l'en délivrez alors, mais je pense que vous l'avez déjà fait!

Bon week-end!

Une femme libre a dit...

Mon amie n'a ni conjoint, ni enfants, Juste moi. Sa chatte, c'est "toute sa vie". Elle s'empêche même de sortir pour ne pas la laisser seule le soir (le jour, il faut bien, elle travaille). Mais elle ne fait de mal à personne. Aimer son animal à la folie ne fait pas partie de la catégorie des maladies mentales et chacun mêne bien sa vie comme il l'entend.


Nanou, oui, il y a de l'anxiété à l'idée que quelque chose pourrait arriver à sa chatte si elle héberge ma fille. Elle l'avait pourtant proposé de bon coeur comme vous le dites. En y repensant, la peur de "perdre" sa chatte a pris le dessus. Elle veut toujours accueillir ma fille mais avec tout plein de conditions... Bof! Pas grave, je ne pars même pas! ;o)

Armande Simplette a dit...

J'ai connu un couple de professionnels qui menait une vie remplie de d'activités, sorties et voyages, ils ne se privaient de rien et avaient choisi de ne pas avoir d'enfant. Ça n'entrait tout simplement dans leur style de vie. C'était leur choix, il y avait droit. Quand ils ont frappé la quarantaine ils ont acheté un mignon petit caniche nain. Un de ces joujoux auxquels on met des boucles dans les frisettes. Ils sont devenus complètement gaga et on ne les reconnaissait plus tellement ils étaient entichés de leur chien. Ils amenaient la petite bête partout lorsqu'ils sortaient et se trouvaient des gardiennes dès qu'ils voulaient s'absenter. Et la gardienne elle avait la liste des choses à faire et à ne pas faire. On a toujours pensé que le trop-plein d'affection qu'il n,avait pas donné à un enfant un beau jour et ressorti et s'est cristallisé sur la petite bête. Votre amie a sans doute un trop-plein d'affection dont bénéficie le minou.

Angelika a dit...

C'est dommage que votre amie soit aussi anxieuse à l'idée d'accueillir votre fille... et en même temps, j'arrive à la comprendre... j'ai moi même un sentiment très fort envers mon chien. C'est mon bébé, mon troisième enfant en quelque sorte... mon thérapeute même aussi... ça peut semblé exagéré mais c'est incroyable comme c'est fort !

Chantalou a dit...

Elle devrait se trouver un conjoint et jeter son dévolu sur lui, pauvre chat, il manque d'air lol!Chantalou ;0)) xx

Cath a dit...

Je n'ai pas à juger, pourtant j'ai du mal à ne pas trouver cela très triste... cela me fait frémir un tel désert de relations humaines... un tel amour pour son chat qui ne pourra jamais lui apporter ce que lui apporteraient des gens. Des échanges, des contradictions, des dispoutes, des embrassades, et non pas ce petit ronron tranquille...

La vie est faite de reliefs non ?

Josie a dit...

Je n'ai pas non plus cet amour inconditionnel pour les animaux et je peux même paraître méchante parfois avec eux.

Mais je crois qu'il est mieux consacrer sa vie à une chatte qu'à sombrer je ne sais où. Se raccrocher à quelque chose; ce n'est pas à nous d'en juger la forme. Si ça ne fait de mal à personne et du bien à l'accroché, tant mieux!

Mais parfois, j'en conviens, c'est très troublant.

Une femme libre a dit...

Armande, plus j'y pense, plus je trouve ça triste et malsain. Je ne comprends pas, je donne ma langue au chat! ;o) Mais elle ne fait de mal à personne, alors, respectons-la. Ma fille n'ira pas là.

Angelika, oui, c'est dur à comprendre! ;o)

Chantalou, et vlan! C'est tout à fait ce que je pense mais je n'osais pas le dire.

On se comprend dans notre incompréhension, Cath!

Se raccrocher à quelque chose, Josie, tiens, c'est vrai ça. C'est le fond dépressif qui a besoin d'accrochage qui me fait de la peine.

Nanou La Terre a dit...

Les animaux apportent plus que l'on ne pense. Ils rapprochent les gens, ils font du bien. Depuis que j'ai Adèle, tout le monde me parle sur la rue. mes voisins de la rue voisine ne connaissent pas mon nom mais connaissent celui de ma petite chienne. Elle met de la joie et du soleil dans la vie des gens et dans la mienne aussi. Ce n'est pas pour rien qu'on utilise la zoothérapie avec les enfants, les personnes âgées.
Je pense qu'on adore les animaux ou on n'aime pas. Je n'y vois souvent pas de juste milieu.Un chien c'est plus qu'un ami. Il faut comprendre le langage et la bonté des animaux pour le saisir.

Pourquoi cela vous rend tous mal à l'aise? Un côté malsain? Pourquoi serait-il plu sain de jeter son dévolu sur un conjoint? Chaque personne est une planète en soi. Elle ne fait aucun mal à personne, c'est ce qui me semble être le plus important et de plus, ça la rend heureuse.

Une femme libre a dit...

Ben oui, c'est vrai que son chat lui apporte du bonheur et une raison de vivre, Nanou. Je me demande ce qui me dérange là-dedans. Je suis probablement déçue parce que ma fille ne pourra pas profiter de la compagnie et de la culture de cette amie. Et ma fille aurait aussi pu lui faire découvrir tout un monde, celui de la jeunesse, dont elle ne connaît rien, n'ayant jamais eu de conctacts avec des enfants. Oui, je suis déçue qu'elle préfère son chat à ma fille, voilà! Mais c'est son choix.

Une femme libre a dit...

C'est vrai qu'un chien peut ouvrir les gens sur le monde, créer des occasions de contact. On conseille même aux célibataires de se munir d'un chien pour favoriser les rencontres! Mais ce n'est pas le cas pour un chat qui ne sort pas de la maison.

Nad a dit...

Si les humains n'ont pas été là, il faut bien trouver à aimer non?
Je n'ai jamais été déçue, trahie, rejetée ou blessée par mes animaux. Par des humains...

La Mère Michèle a dit...

Grand vide hélas répandu dans nos sociétés individualistes!
Cette femme n'a ni conjoint ni enfants? Ça peut arriver, mais avec un tel état d'esprit, elle restera dans sa solitude et c'est ça qui est navrant. Elle vient peut-être de perdre une vieille amie, là, hein?

J'ai toujours dit à mes enfants qu'un animal reste un animal. On doit le respecter, je veux dire pas de violence et tout, mais de là à le placer au-delà d'un humain, non.

Aussi, quand qq vient à la maison qui a peur des chiens, je range le mien pendant toute la durée de la visite. Même s'il aboie, même s'il sille.

C'est ma vision.

La Mère Michèle a dit...

Je me relis et j'ai écrit "perdre une vieille amie", ça n'ira peut-être pas jusque là mais je pense bien que tu dois effectivement être déçue.

J'adore les animaux, les chiens plus que les chats, mais je crois que je me ferais personnellement violence si je constatais que j'écarte des humains de ma vie pour assurer leur bonheur. Ça ne cadre pas dans mes valeurs.

Une femme libre a dit...

Nad, remplacer des humains par des animaux ne fait de mal à personne, mais c'est triste un peu, ne trouvez-vous pas? Bon, je me répète...

La Mère Michèle, nous avons la même idée là-dessus, les humains passent avant les animaux pour nous. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde.

Non, je ne vais pas laisser tomber mon amie d'enfance. Si je me mets à laisser tomber tous ceux qui ne pensent pas comme moi, je vais me retrouver bien seule!!