mardi 8 janvier 2013

Lui encore

Il n'est pas abusif mais il est étrange. Hier, il se plaignait que la jeune femme au dessus de son banc lui donnait des coups de pieds. Il s'est retourné plusieurs fois. "On change de place" que je lui dis, "pas question!" Quand il s'est de nouveau retourné l'air enragé, j'ai changé de place. Il est resté là. Toute cette tension a failli enlever le plaisir du film, qui était excellent. Je me suis dit (encore!) que je ne le verrais plus, qu'il était vraiment trop compliqué. Et puis, il est venu s'assoir avec moi. On ne se touchait pas. Tranquillement, ma main a touché son bras, puis sa main la mienne. Réconciliation silencieuse.

Mais une fois le film terminé, je n'avais plus qu'une idée: m'en retourner chez moi, seule. Je le lui ai dit en prétextant me sentir malade. Il ne m'a pas crue, il avait raison, ce n'était pas vrai. Je n'avais pas envie d'expliquer, il insistait pour que je le fasse. Je me suis sauvée.

Une fois rentrée, je me sentais mal. Je l'avais quand même maltraité, quitté brusquement sans explication alors qu'il s'imaginait une soirée chez moi. Il était tôt, on était allés à la représentation de cinq heures. Je l'ai appelé. Il n'a pas répondu. Plus tard, je l'ai appelé encore. Je n'avais pas envie de baiser, c'était la raison principale de mon départ (plus le fait que je l'avais trouvé fou au cinéma, mais ça je ne l'ai pas dit), je savais qu'il insisterait, j'avais pas envie d'expliquer ma non-envie, je ne devrais jamais avoir à expliquer ma non-envie, j'y avais intrinsèquement droit et lui aussi, d'ailleurs. Tout le monde était libre en tout temps de son corps.

Pas certaine qu'il ait compris. On a donc parlé du film. Longtemps.

Je ne sais plus quoi faire avec tout ça. Aujourd'hui, c'est mardi, je veux aller voir Le Hobbit. Cinéma à rabais le mardi. L'après-midi, on est tranquilles, peu de monde. Et je pense à lui pour y aller. C'est fou, absolument. Mais non, je ne vais pas l'appeler. Je vais prendre une pause, une grande pause. Et aller encore toute seule au cinéma.

La solitude me pèse, tant que je n'avais personne, je ne m'en rendais pas compte. Mais maintenant qu'il est là, toujours disponible, toujours ravi de me voir, je le réalise.  Alors, cette relation si imparfaite, c'est tout de même une relation. J'ai pourtant souvent l'impression que je devrais l'interrompre. Parce qu'elle est marginale? Parce qu'il est si différent? Parce que je n'aime pas particulièrement baiser avec lui? Parce qu'il est pauvre? Parce qu'il ne fait pas l'effort de parler français? Parce qu'il a plein de maladies et qu'il me semble qu'il s'y complait? Parce qu'il refuse de marcher et de faire le moindre exercice?

Voilà pourtant un homme qui m'apprécie, me trouve belle, extraordinaire, le dit, le démontre. Un homme qui semble heureux en ma présence. Et puis, un jouisseur, un imaginatif, un marginal, un champion d'échecs. Un homme d'une belle sensibilité, qui aide les autres, un pauvre qui prête de l'argent, qui aime tendrement sa mère. Un homme qui aurait tout pour être déprimé, seul dans une petite chambre qu'il n'a jamais voulu me faire visiter, diabétique et cardiaque, avec un emploi précaire et  plein de rendez-vous à l'hôpital. Il est pourtant heureux avec rien, ses parties de football à la télévision, ses tournois d'échecs, son junkfood, un petit joint pour faire passer le tout. Et moi, qu'il dit aimer.

6 commentaires:

Solange a dit...

Ouf! Je ne sais pas quoi dire, mais il me semble que ça vous demande beaucoup d'abnégation.

Une femme libre a dit...

Abnégation? Je ne sais pas trop. Je vais prendre un break, je pense.

Nanou La Terre a dit...

Et toi dans tout çà? Il peut avoir plein de belles qualités sans que tu le désire physiquement. T'es pas amoureuse de lui. T'as le droit. Il peut demeurer un simple ami?

Une femme libre a dit...

Je ne veux pas être amoureuse de lui, il a trop de problèmes. Oui, je le désire mais tout est souvent compliqué. Ses jouets, ses patterns, Rien ne coule de source. Mais il me fait rire, c'est déjà beaucoup! Il est sweet avec moi, m'appelle darling ou sweetheart, est affectueux et enthousiaste. Il y a définitivement quelque chose qui m'attire chez lui sinon je ne le reverrais pas.

Mijo a dit...

Il a forcément un petit quelque chose d'indéfinissable ! Mais ce petit truc en plus ne semble pas encore magique. Peut-être un jour.

Une femme libre a dit...

Semble que le jour de la magie ne va pas arriver, Mijo, pas avec lui en tout cas! ;o)