lundi 8 avril 2013

Garder sa langue d'origine

Mes  trois enfants adoptées maintenant adultes me reprochent une chose: ne pas leur avoir appris le créole. Il y en a bien une que j'ai envoyée dans une école secondaire remplie à 70% de jeunes d'origine haïtienne qui elle, l'a pas mal appris à la dure, mais les deux autres n'en savent pas plus que moi. J'ai des excuses pour les deux filles qui avaient moins de deux ans mais pour celle qui avait quatre ans et demi, j'aurais pu faire des efforts pour la garder en contact avec une langue qu'elle parlait déjà.

Imaginons un orphelinat plein de petits francophones, comme on en avait au Québec dans les années cinquante. Des Américains, Des Allemands viennent visiter l'orphelinat et se choisir un beau petit Québécois à ramener chez eux. Nous ne sommes pas dans la fiction, le Québec a été une terre fertile d'adoption pour les couples étrangers en mal d'enfant. On repart avec un petit bébé francophone sous le bras et on s'en va l'élever en anglais au Michigan ou en Californie, rien de bien choquant là-dedans. Mais imaginons la même chose pour un enfant de dix ans, qui ne comprend pas un mot à la langue de ses nouveaux parents et qui demande aux Soeurs qui ne comprennent pas plus "Qu'est-ce qu'il me dit le monsieur?" "Le monsieur, c'est ton nouveau papa et il parle anglais et toi aussi, tu vas apprendre l'anglais." Et le petit garçon de prendre son baluchon, de s'en aller avec son nouveau paternel et de saluer tout le monde de l'orphelinat sans se douter que du français, il en entend pour la dernière fois de sa vie.

Ce qui est un événement merveilleux pour le parent adoptant qui gagne un nouvel enfant à aimer peut être vécu bien différemment par l'enfant adopté qui lui, vit des pertes. Perte de repères, de langue, de culture, de nourriture, de musique, de personnes significatives, d'amis et d'amies. Maintenir des liens avec son passé m'apparaît comme une façon humaine et profitable de faire la transition. Connaître la culture de son enfant adopté bébé est un plus, connaître le plus possible la culture de son enfant adopté plus âgé est presque une obligation. Rencontrer des gens qui viennent de son pays, apprendre les rudiments de sa langue, écouter de la musique et manger la nourriture du pays de l'enfant sont autant de façons de s'en rapprocher et de créer des liens à l'avance et pour toujours.

14 commentaires:

Mélissa a dit...

Je crois sincèrement que tu as raison, je ne sais pas à quel point notre fille parle tagalog ou anglais.. nous allons essayé de la garder en contact avec sa langue quitte à acheter des DVD sur place, nous en sommes à la préparation de notre voyage qui me paraît tellement loin encore, mais je sais très bien que ça va arriver vite quand même, je ne veux pas d'un voyage grand touriste, nous rapprocher des gens, voir le VRAI manille me semble super important, 2-3 semaines sera le temps que nous aurons pour nous plonger dans cette culture.

Une femme libre a dit...

Bien sincèrement, connaître la cuisine, préparer des plats typiques, écouter de la musique philippine, connaître la géographie, la politique, l'histoire, des rudiments de la langue et transmettre toutes ces connaissances à tes deux ados, tu en as pour des mois et à temps plein! Un voyage au Philippines de trois semaines, j'ai des amis qui l'ont préparé un an. Plus tu en connais, plus tu apprécies. Ces souvenirs de son pays, les photos, le dossier que vous allez monter, ta fille va se raccrocher beaucoup à ça adolescente (ou avant!). C'est une composante importante de son identité.

Une femme libre a dit...

Je suis en train de lire le symbolisme du drapeau philippin: fascinant!

Moi aussi, je veux aller aux Philippines. C'est un des pays que je vais visiter, c'est certain. Peut-être avec Voyages Explorateurs. Va voir leur site et cherche Philippines. Très intéressant.

Si tu vois cette adoption également comme une aventure culturelle, c'est bien d'avoir du temps pour t'y préparer. Ton enfant, il faut faire confiance qu'on est en train de la préparer elle aussi et c'est bien. Du positif... du positif... (écrit par une fille déprimée qui se sent moins déprimée tout d'un coup! eheh!)

PassionArts et plus... a dit...

On ne se rend pas compte de tout ce que cela implique une adoption... lorsque l'on n'est pas confronté à cela... je trouve que cela prend beaucoup de courage et d'amour pour ceux qui adoptent un enfant de nationalité et de culture différente...

Une femme libre a dit...

@PassionArts
Quand les gens sont en besoin d'enfant, c'est un besoin assez viscéral, loin de la logique, ils veulent un bébé à prendre, à aimer, à caresser et la culture d'origine de l'enfant a peu d'importance. Ils prennent ce qu'il y a et comme il n'y avait pas d'enfant à adopter ici, ils se tournent pour cette raison vers d'autres pays. Certains parents s'en balancent totalement du pays d'origine de l'enfant et leur plus cher souhait, c'est que le petit soit le leur et qu'il oublie qu'il vient d'ailleurs. Il semblerait d'ailleurs qu'une des raisons de la popularité des adoptions en Chine, c'est que les parents sont inconnus. Ni vu, ni connu, cet enfant trouvé dans un petit paquet sur les quais de la gare, c'est vraiment le mien!

Une femme libre a dit...

Mais quand l'enfant est plus grand, c'est cruel de le couper de sa culture d'origine. Des Igor russes devenus des Stéphanes à sept ou huit ans, j'en ai connu! Et la raison de l'adoption en Russie? Enfant blanc aux cheveux blonds qui pouvait encore plus facilement passer pour le leur. On efface tout et on recommence!

Mélissa a dit...

Pour nous le choix du pays a été important.. ok nous ne pouvions pas aller partout, critères des pays d'origine oblige, mais nous nous sommes quand même renseigner sur le pays avant, les conditions dans lesquelles les enfants sont ''élevé'' étaient très importantes pour nous, le fait de pouvoir connaître l'identité des parents aussi, les parents lorsqu'ils arrivent aux Philippines se font remettre un life book, contenant des photos de l'enfant depuis son arrivé en institution ou en famille d'accueil.. plusieurs ont même une photo de l'enfant avec la maman bio, nous pouvions accepter ou non un enfant d'origine inconnu, nous avons le destin allé et je dois avouer que j'ai eu un petit pincement de ne pas savoir qui est cette femme, ce papa.. je trouve dommage pour ma fille, elle mérite tout autant une famille, mais j'aurais aimé pouvoir répondre à cette question..

Je vois effectivement ce voyage comme une aventure culturelle, les enfants nous accompagnent dans cette optique, les ouvrir sur le monde, sur l'endroit où aura grandi leur sœur, c'est vraiment important.. Nous avons déjà essayé quelque mets typique, nous avons bien apprécié.

Parler de tout ça me donne encore plus le goût de partir au plus vite!

Une femme libre a dit...

Ouais, mais au moins, tu sais que tu as de quoi t'occuper largement avant le départ! Peux-tu téléphoner pour avoir des nouvelles? Quelqu'un te répond ou bien c'est impossible d'appeler directement?

Mélissa a dit...

Je demande, mais les réponses arrivent au compte gouttes, c'est impossible pour nous d'appeller directement.. quand le médical arrivera, on accepte, ensuite le dossier part à l'ambassade et ça prend environ 4-6 semaines pour avoir le départ.. encore long mais bon ça va arriver rapidement une fois le médical en poche :)

Une femme libre a dit...

C'est vrai quand tu fais une adoption avec une agence, c'est l'agence qui prend tout en charge. Moi, c'était des adoptions directes, il n'y en a à peu près plus maintenant, alors je pouvais appeler directement l'orphelinat. C'était très difficile d'avoir la ligne et puis, les informations étaient plus ou moins exactes. Moins que plus en fait. Ma plus jeune qui est arrivée en immense retard de développement, on me disait seulement qu'elle était "tranquille".

Mélissa a dit...

tranquille, oui disons que c'est ordinaire.. ma soeur sa fille qu'elle a adopté il y a 2 ans, on lui a dit là-bas que c'était une petite fille spécial.. comme quoi les infos données sont pas toujours fiable :(

Anonyme a dit...

Dans ma trajectoire de linguiste, j'ai souvent discuté avec des créolophones. Ils sont unanimes pour dire que les créoles à base française (la Réunion, les Seychelles, Maurice, Haïti) sont faciles à apprendre par des francophones car ils découlent historiquement du français. Le problème n’est pas aussi difficile qu’avec l’anglais ou le tagalog. Le créole c’est de l’après-français. C’est plus facile pour nous, plus intime. Tout est possible pour vos filles et même pour vous. Le créole haïtien en plus, c’est le plus institutionnalisé. Il y a des dictionnaires, des grammaires, même une rhétorique. Il y a un beau projet familial là dedans. Réalisable en plus.

Une femme libre a dit...

@Ysengrimus
Elles se plaignent mais ne sont pas prêtes à travailler pour remédier au problème. J'en avais pris des cours de créole avant d'aller chercher celle que j'ai adoptée à quatre ans et demi. Je voulais pouvoir lui demander si elle avait faim, soif, si elle voulait aller aux toilettes etc

C'est certain que le créole haitien est très près du français, on en comprend des grands bouts!

Il y a quelques années, il se donnait même des cours ici au Milton Parc. Je voulais nous y inscrire toute la gang mais mes ados occupées n'avaient pas le temps.

Une femme libre a dit...

Mélissa, et dans les faits, la fille de ta soeur l'est, "spéciale"?