vendredi 12 juillet 2013

Premier séjour en centre d'accueil

Ma fille en trouble grave de l'attachement a été pensionnaire de neuf ans à douze ans, à Harmonie Nature, un pensionnat de rêve en pleine nature à St-Donat. Ce fût une période très heureuse,et pour elle et pour nous. Les religieuses, strictes et encadrantes, le milieu prévisible, les sports, nombreux,ma fille allait bien. J'ai su par après qu'il y avait eu des actes de délinquance mais personne ne semble s'en être trop rendu compte sur le coup. Il y a bien une année où elle a failli être mise à la porte, en cinquième année. Une jeune professeure qui "aimait" ses élèves et ajoutait une note affective à tout ce qu'elle faisait. J'avais beau conduire le soir de Montréal à St-Donat pour lui expliquer qu'il fallait juste être sévère et encadrante avec ma fille et cesser de lui dire qu'elle l'aime pour que tout se replace, elle ne comprenait juste pas. J'en ai reçu des lettres disciplinaires et des appels des religieuses cette année-là, on a eu chaud. Mais ils l'ont gardée, ouf! Et en sixième année, elle est tombée sur madame T, la terreur de l'école et évidemment, ce fût sa plus belle année. Je lui ai également payé une tutrice privée après l'école. Il vaut mieux que je ne calcule pas tout ce que j'ai pu dépenser pour cette enfant. Une fortune. La tutrice était une enseignante à la retraite, sévère et encadrante, qui ne lâchait pas ma fille. Exactement ce qu'il fallait! Ma fille a fait de grands progrès.

Tellement qu'elle a été acceptée au collège Notre-Dame. Le bonheur. La joie. La satisfaction. Il n'y en a plus de problème. Ma fille revient chez nous (Harmonie Nature était une école primaire) à l'été. Je me dis qu'on a travaillé fort et que les troubles sont finis.

Mon père est mourant. Je vais souvent le voir à l'hôpital évidemment. J'emmène alors les trois filles. Mon fils adulte travaille et vient quand il peut. Mais voilà que la plus vieille se plaint que c'est long, c'est plate, qu'elle ne veut pas passer son été dans un hôpital et qu'elle peut bien se garder toute seule à douze ans. C'est vrai qu'à douze ans elle pourrait bien rester à la maison avec sa soeur de onze ans. On fait comme ça. J'emmène la petite de sept ans avec moi. Mon père va de plus en plus mal. Je suis de plus en plus souvent et longtemps à l'hôpital. Quand je rentre, tout semble correct. Les filles sont à la télé ou bien jouent à des jeux. Elles n'ont pas la permission d'inviter qui que ce soit, ni de répondre à la porte. Un soir, je téléphone pour dire que je vais rentrer tard. J'ai confié ma plus jeune à une amie. Je pense que mon père va partir ce jour-là. Mais non. Je rentre à 22 heures, deux heures plus tôt, j'avais parlé aux filles. Elles regardaient un film et non, ça ne les énervait pas que je rentre plus tard. Mais à mon retour, elles ne sont pas là!!

J'appelle partout, tous les amies et amis, leur famille. Elles n'avaient pas de cellulaire, il y a douze ans de ça. Aucun moyen de les joindre. Personne ne sait où elles sont.  Au moins, elles sont ensemble. Je me donne jusqu'à minuit pour appeler la police. Ma grande a dû sentir que je ferais ça parce que le téléphone sonne à minuit moins une. Elles sont à Mascouche. Hein? Comment ça? Avec qui? Elles sont allées en autobus rencontrer des amis. Elles vont rentrer bientôt. Ne pas m'inquiéter. Et puis, elle raccroche.

Elles reviendront deux heures plus tard. Je n'arrive pas  à savoir avec qui elles étaient. C'est motus et bouche cousue. Première fugue donc. Je connais ma plus vieille. Il ne sert à rien de la punir. Elle va se sauver si je le fais. Je décide de les emmener toutes les trois à l'hôpital, de force. Pénible. Mais ça ne durera pas longtemps. Mon père meurt.

En septembre, elle entre donc au collège Notre-Dame, avec son bel uniforme. Je suis fière. Un peu inquiète car j'ai de la misère à me faire écouter, mais quand même, confiante. C'est une magnifique école, les sports quotidiens devraient l'occuper et la calmer. Faut étudier le soir. Impossible de lui faire faire ça. C'était déjà impossible quand elle avait sept ans.

Très rapidement, je reçois de papiers de discipline. Elle a des difficultés. est nonchalante, les devoirs ne sont pas faits, elle n'écoute pas, se couche sur son bureau, porte mal l'uniforme (blouse en dehors quand il faut la mettre en dedans etc).  Pas d'impolitesse, non, juste un manque d'intérêt inacceptable, une façon passive de contester l'autorité. On lui assigne un tuteur, gratuitement, après l'école. Je promets monts et merveilles si elle fait des efforts. Et puis, je menace. Et puis, je supplie.

Quand nous sommes convoquées devant le directeur, fin novembre, il demande un changement immédiat sinon ma fille est à la porte de l'école. Je ne comprends pas son attitude. Elle aime cette école, elle est contente d'y aller. Pourquoi ce boycottage? C'est une chance inouïe qu'elle soit là. Please, réveille, Fille! Tu te nuis à toi-même. Je le sais que tu peux si tu veux. Allez, on va regarder ça ensemble tes devoirs (bof, rendue là, je le savais bien que ça ne marcherait pas, je n'avais jamais pu l'aider à l'école, elle le refusait obstinément même petite, à six ans elle avait déjà des tutrices qu'elle épuisait l'une après l'autre).

Une semaine après cette rencontre, l'école l'a officiellement mise à la porte. On est allées chercher ses affaires, on m'a donné un remboursement pour la scolarité déjà payée. Elle était abasourdie.  Comme si elle n'y croyait pas. Je pense qu'elle n'avait jamais cru que le directeur la renverrait pour vrai.

(suite plus tard)

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