mercredi 15 avril 2015

Système de justice

Avant mes adoptions, j'étais allée faire un tour à Haïti. Avec une amie que j'ai perdue à cause de la religion. Elle est la marraine de ma plus vieille et elles sont toujours en contact. Elle allait d'ailleurs l'évangéliser à l'hôpital alors qu'elle était en pleine psychose. Elles joignaient les mains pour prier le diable qui était en elle de la laisser tranquille. Je pense que les infirmiers devaient se demander laquelle était la plus folle des deux. Mais passons, ceci n'est pas le sujet de mon billet. Juste un autre élément qui me fait encore plus détester les religions et le mal qu'elles peuvent faire aux gens qui y adhèrent. 

Alors, je suis donc à Haïti, mon amie, qui était plutôt trippante dans ce temps-là (avant la religion) cherche un drink, une amulette, quelque chose de vaudou (à bien y penser, c'était pas déjà un peu la religion, son truc?) pour retrouver un amour perdu. Ou un nouvel amour, elle n'était pas trop difficile là-dessus. On va donc chez la madame vaudou qui nous prépare tout ça, garanti madame. Mon amie en boit et puis elle lui en fait une bouteille pour rapporter au Canada et faire boire à l'homme convoité. Bien. Tout le monde est content. Et moi aussi, bien sûr. Plus c'est exotique, plus je suis heureuse. Et on repart vers notre hôtel. Qui est loin. Le soir tombe. On n'a peur de rien. On est au temps de Duvalier. Le matin, on barre notre porte en partant pour la retrouver grande ouverte au retour. Ménage impeccable. Jamais rien de touché de nos choses. Le vol? Il n'y en a pas. 

Et voila que nous nous couchons à la nuit noire. Nous dormons et on frappe à la porte. Pas fort et puis fort. Mon amie ouvre. C'est la jeune fille de la femme à la potion vaudou. C'est à elle que mon amie avait payé. Or, elle s'est trompée dans la monnaie rendue. Elle a alors fait tous les hôtels de la ville (on était à Jacmel) pour retrouver les deux Canadiennes. Elle ne sait pas notre nom, donc elle doit nous décrire. Et voilà qu'elle nous trouve et c'était urgent qu'elle nous trouve, ça ne pouvait vraiment pas attendre à demain. Parce qu'en Haïti, on est coupable dès qu'on est accusé et c'est au coupable de prouver son innocence. La jeune fille, toute tremblante, nous a remis les quelques sous qu'elle nous devait. On a eu envie de lui dire de les garder mais on a pas osé après tout le trouble qu'elle s'était donné pour les remettre. Un gros bonne nuit et une bonne leçon pour nous. 

Notre système de justice n'est pas parfait mais chez nous, on est innocent avant d'être coupable. Et c'est très bien comme ça.

13 commentaires:

Solange a dit...

C'est terrible de vivre dans la peur comme ça.

Une femme libre a dit...

Solange,

Oui.

Une femme libre a dit...

Ce que je raconte date, j'étais dans la vingtaine. Je ne voudrais induire personne en erreur en laissant entendre que la présomption d'innocence n'existe pas aujourd'hui en Haïti. J'ai fait de rapides recherches sans trouver la réponse. Je m'y remettrai.

Zoreilles a dit...

Dans ma grande naïveté, je croyais que la présomption d'innocence, c'était universel... enfin presque?

Cela dit, je ne crois pas à la justice, ici ou ailleurs. J'ai trop vu d'affaires se passer qui m'ont laissé avec un grand sentiment d'injustice.

Quant aux religions, elles suscitent tant de divisions, d'interprétations fausses et d'abus de toutes sortes que je m'étonne encore que des gens s'y investissent de tout leur être sans jamais rien remettre en question.

Tiffany a dit...

Quelle histoire! Pauvre fille. Ca donne toute une leçon tout de même. Peu de gens aurait fait la même chose ici!

Une femme libre a dit...

Zoreilles,

J'ai trouvé un texte de 2008 de Gédéon Jean, avocat de l'Institut International de Droit d'Expression et d'Inspiration françaises que la nouvelle constitution haïtienne du 29 mars 1987 reconnaît (ce n'était pas le cas avant cette date) "la présomption d'innocence (article 25-1 et suivant)

Monsieur Jean se plaint cependant que les gouvernements n'appliquent aucunement cette nouvelle constitution haïtienne!

Une femme libre a dit...

Tiffany,

La vie était et est encore dure en Haïti.

Gen a dit...

La présomption d'innocence et l'habeas corpus (ne pas pouvoir être arrêtés sans motif) sont issus du droit britannique et, non, ils sont LOIN d'être universels! (Allez faire un tour en Chine pour le fun...)

D'ailleurs, en Haïti, la présomption d'innocence existe peut-être en théorie, mais même si elle était appliquée, il s'agit de la présomption "à la française", c'est-à-dire que le fardeau de la preuve est en partie sur les épaules de l'accusé.

J'explique : dans notre système de justice, le tribunal doit prouver la culpabilité de l'accusé, qui n'a qu'à semer un "doute raisonnable" quant à sa culpabilité (souvent en expliquant pourquoi la preuve n'est pas concluante) pour être innocenté.

Dans le système à la française (la version moderne), le tribunal amène ses preuves de culpabilité et l'accusé doit non seulement les contrer, mais, idéalement, apporter également des preuves de son innocence, car le doute raisonnable ne suffit pas. (Je schématise, en gros)

Dans les systèmes de justice sans présomption d'innocence, le tribunal vous accuse (souvent sans preuve) et vous devez fournir la preuve de votre innocence.

Quant aux religions, elles ont mauvaises presse de nos jours, mais je ne peux pas m'empêcher de ressentir pour elles une certaine affection, car dans les premiers temps de l'humanité, ce sont les religions qui ont servi de base pour unir les communautés dans des buts communs.

Cela dit, à cette époque-là, on était polythéiste et on se faisait pas la guerre pour convaincre le voisin de prier notre dieu.

Une femme libre a dit...

Merci pour les éclaicissements, Gen! Tu vois, ça t'a servi de travailler chez des avocats. Tu en sais plus que la moyenne des gens sur le monde juridique! ;o)

Pur bonheur a dit...

Lors d'un séjour en République Dominicaine, nous avions un soir un jeune serveur je dirais d'environ 14 ans (!), très gentil et qui nous disais suivre des cours d'anglais et de français le jour à l'hôtel et que son rêve plus tard était de s'acheter un ordinateur. Et quand il nous disait ça, son regard s'illuminait. Mon mari laissait toujours de bons pourboires, mais une fois qu'il était au buffet, j'ai plié un vingt dollars et je lui ai mis dans la main (au serveur). Il a carrément paniqué. Regard à gauche, à droite, c'est comme s'il avait eu peur que quelqu'un l'ai vu, j'ai alors pensé que les employés devaient tous se faire fouillés à la fin de la journée (après avoir mis les pourboires en commun ou remis carrément au patron).

Une femme libre a dit...

Pur Bonheur,

Probable que ton interprétation soit la bonne!

Gen a dit...

Ce qui a fini par m'enlever l'envie de travailler avec des avocats, c'était justement que, pour eux, malgré les années à lire leurs trucs, je ne pouvais pas avoir acquis de connaissances juridiques, voyons, j'avais pas le diplôme!

Mais le droit m'intéresse. Comme 99% des matières! :P

Une femme libre a dit...

Plus on a d'intérêts dans la vie, plus notre vie est riche et intéressante. Et quand on a des enfants, on peut leur transmettre nos passions en plus!