mardi 23 décembre 2008

La loi du moindre mal

Avoir quelqu'un de proche dans sa famille qui souffre de maladie mentale non-diagnostiquée, c'est une lourde épreuve. Ma fille aînée est venue faire les cheveux de sa soeur hier. On ne l'avait pas vue depuis des mois. Il a fallu lui payer le taxi parce qu'elle est incapable de marcher sur la rue et de prendre le métro et que ma voiture était encore enfouie. Elle est très maigre et souffre probablement d'anorexie en plus du reste. D'alcoolisme aussi. À onze heures du matin, avec rien dans le corps, elle m'a demandé si elle pouvait avoir un verre de vin. Mais ce sont tous des diagnostics à la gomme de noix et que j'imagine peut-être. C'est le néant. Elle m'a montré sa patche contraceptive et nous a expliqué, décontractée, que, sa soeur lui ayant dit être enceinte, elle avait eu l'idée de passer un test elle aussi, qui s'était avéré positif! N'ayant jamais utilisé de contraception pendant des années sans jamais tomber enceinte, elle en avait conclu qu'elle était stérile! Finalement, elle fera une fausse couche alors qu'elle est en attente d'avortement. Ce qui est sorti de bien de tout ça, c'est cette patche qui la protégera des grossesses futures.

Je vous écris tout ça et vous imaginez un être hagard, échevelé, malpropre. Tout le contraire! Ma fille est une ravissante personne, toujours bien mise et qui prend un temps fou (et anormal) pour se maquiller et "s'arranger". Hier, elle ne l'était pas maquillée et nous l'a dit vingt-cinq fois. Ça lui avait pourtant pris deux heures à se préparer. Elle est cultivée, très intelligente, extrêmement habile de ses mains, elle fait des coiffures magnifiques, dessine avec talent, écrit sans fautes, peut monter des meubles sans regarder les plans. C'était notre dépanneuse officielle quand quelque chose ne marchait pas dans la maison. Habile et ingénieuse.

Dans son cas, il faut appliquer la loi du moindre mal. On nous avait prédit une vie de droguée prostituée itinérante. La psychiatre qui nous avait prédit ça! Et la psychologue qui me suivait me préparait à cette éventualité aussi. C'est bien moins pire. Elle ne travaille pas, elle est sur le bien-être social, elle ne sort à peu près pas, mais elle n'est ni droguée ni prostituée ni itinérante. Elle a un chum qui fait peut-être de la petite criminalité, j'en sais pas trop et je ne veux pas en savoir plus, mais rien de trop grave, semble-t-il. Donc, je devrais me réjouir. Elle tourne bien moins mal qu'on ne me l'avait prédit. Sa sécurité de base n'est pas en jeu, pas trop en tout cas.

Hier, les cheveux de sa soeur toute la journée, ça a été trop. Quand je suis sortie acheter à souper, elle avait quitté sans prévenir avant mon retour et Quatorze ans était en larmes. Elle était partie avec un grand couteau de cuisine et notre téléphone. J'ai pu savoir plus tard qu'elle était bien rentrée chez elle ( en taxi) et qu'elle s'était débarrassé du couteau ... quelque part dans la neige. Elle n'avait pas jeté notre téléphone.

Je ne sais pas trop quand je la reverrai. Elle est invitée pour notre fête de Noël qui se passera la fin de semaine prochaine mais, devant son immense déception absolument pas dissimulée que je ne donne pas de cadeaux en argent cette année, il est bien possible qu'elle ne vienne pas.

Elle devrait se faire soigner? Absolument! Essayez donc, vous, de faire soigner un membre adulte de votre famille qui ne le veut pas. Bonne chance!


Dans un tel contexte, la famille souffre souvent plus que la malade. Quatorze ans est malheureuse, les cheveux faits au tiers et elle ne veut pas que je lui touche la tête, même si moi aussi, je sais faire les rallonges. Et puis, Dix-huit ans a appelé en larmes, car Dix-neuf ans lui avait laissé un message alarmant et puis ensuite, elle ferme son téléphone et on ne peut plus la rejoindre. Elle fait souvent ça.

17 commentaires:

Mamzell_McJ a dit...

oufff...
les alcooliques, c'est prouvé, sont des êtres doués pour la plupart d'une intelligence au dessus de la moyenne. Donc, je ne suis pas surprise de lire vos propos.

Y'a aussi... cette incapacité à entrer en communication avec les autres êtres humains qui nous caractérisent, d'où l'isolement et le besoin de ce petit verre de vin pour ... aider.

Dieu que je me reconnais... sauf que moi j'ai sauté la clôture pour être dans la lumière. Je lui souhaite FemmeLibre à votre poussinette. De tout mon coeur. Et j'espère que vous aurez tout de même de bons moments en cette période qui est toujours plus susceptible aux débordements d'émotions.

Tout en Amitié
Juliette.

Pur bonheur a dit...

Je comprend parfaitement vos préoccupation ayant eu moi-même un frère devenu schizophrène à 20 ans.
Pour faire soigner 'de force' un proche atteint de maladie mentale il faut que deux membres de la famille passe devant un juge(ça prend 10 min) en mentionnant que le malade est dangereux pour les autres ou pour lui-même. Ils sont donc obligés de passer deux semaines en 'cure fermée', soignés de force et ensuite dépendament à quel point le malade veut s'aider il est encouragé à poursuive sa médication.
Il existe aussi un centre (où mon frère a habité les deux dernières années de sa vie) qui garde en pension garçons ou filles atteint de maladie mentale. Il s'agit de la maison St-Dominique.
http://www.maisonst-dominique.org/
Deux intervenants habitent avec eux, ils font figure de père et de mère en quelque sorte. Ils organisent plein d'activités et ont un bon soutien. La pension est pas chère ($300. et quelques) et mon frère a été très très heureux à cet endroit, après avoir habités dans des chambres minables, tout seul.
Pour habiter la maison St-Dominique ils doivent avoir un diagnostic de médecin ainsi qu'un intervenant social pour les qualifiés 'aptes ' à habiter cette maison. Ils doivent aussi s'engager à prendre leur médication ce qu'ils font sans problèmes vu que TOUS les pensionnaires le font.
Ça doit être difficile pour vous et quatorze ans. Je sais ce que c'est, j'ai tellement pleuré quand j'ai réalisé qu'il était malade.

Anonyme a dit...

Pas facile...Je suis d'accord avec vous; elle doit se faire soigner.

Et si elle rencontrait un professionnel ou mieux, quelqu'un ayant été dans la même situation avant et qui, maintenant, va mieux?

Se rend-t-elle compte de son comportement ou c'est tout à fait normal pour elle?

Courage!

Anonyme a dit...

Femme libre, j'atteste ce que "Pur bonheur" vient de dire. Les soeurs de ma mère ont faient entrer "de force" leur frère en institut pour des soins! Il est alcoolique et était dans une passe où ses comportements étaient dangeureux pour lui et les autres !. Ils ont aussi passé devant le juge et je spécifie SANS la présence du frère en question. Mais avec la police après (au besoin) et l'ordre de la cours la personne n'a pas le choix d'avouer ses problèmes et de se soumettre....

unautreprof a dit...

Non, la maladie mentale che zun membre de notre famille n'est pas facile.
J'aimerais bien vous prédire l'avenir ou vous rassurer.
J'aimerais bien...

Au lieu de cela, je trouve que vous avez des enfants sûrement extras, je n'ai aucun doute là-dessus mais Dieu qu'ils vous en font vivre des trucs!

Lablondenaturelle a dit...

Continuez à l'aimer tout simplement ...

Anonyme a dit...

Le couteau de cuisine, c'était pourquoi? Paranoïa? Je n'ai pas trop envie d'être rassurante (ni d'enrajouter à tout ce qu'on vous a déjà dit non plus), ça semble inquiétant.

Une femme libre a dit...

@Juliette. Merci!

Pur Bonheur, le schizophrénie aussi, je connais bien, le fils de mon ex en étant atteint. Avec votre frère, vous comprenez probablement assez bien ce que je vis. Le critère de dangerosité n'est pas tout à fait là pour ma fille... bien que... Elle n'est certainement ps dangereuse pour les autres et on ne peut pas faire soigner quelqu'un d'adulte contre sa volonté pour de l'anorexie ou de l'alcoolisme non-diagnostiqués. En plus, elle habite avec un chum (que je n'ai jamais vu). Elle voit un médecin de temps en temps pour renouveler ses antidépresseurs. Elle en voit un pour sa patch aussi. Ça pourrait être pire.

Je ne sais pas si elle se rend compte ou pas de l'anormalité de son comportement, Mayieve. Pour ce qui est de l'anorexie, elle nie avec véhémence et prétend manger. Pour ce qui est de l'alcoolisme, elle dit pouvoir arrêter de boire et que des fois, son chum et elles passent une semaine sans boire.

Avant, c'était assez facile de faire interner quelqu'un, Cricri. Depuis, les malades mentaux ont beaucoup de droits, y compris celui de refuser les traitements. La plupart des itinérants de nos rues souffrent de maladie mentale.

Savez-vous, Unautreprof, c'est exactement ce que je pense aussi et ce que je me disais aujourd'hui! J'en aurai vu de toutes les couleurs avec mes enfants! ;o)

Bienvenue Lablondenaturelle, je l'aime, je l'aime, mais je ne veux pas me laisser manger la laine sur le dos non plus. Il faut me protéger et protéger Quatorze ans.

Encre, c'est certainement inquiétant et c'est pourquoi je me suis empressée de téléphoner à son chum quand j'ai su qu'elle avait quitté avec un couteau, craignant qu'elle ne veuille l'attaquer. J'ai reparlé aujourd'hui à ma fille et elle ne le sait pas ce qu'elle voulait faire de ce couteau ou du moins, elle n'a pas voulu me le dire. Je pense qu'il pourrait s'agir de paranoïa, elle a peur sur la rue des fois et se déplace à peu près exclusivement en taxi ou dans la voiture de son chum. Mais je ne suis pas certaine. Mystère.

L'aubergiste en devoir a dit...

Que dire de plus? Ça m'interpelle puisque mon papa a souffert de maladie mentale toute sa vie. Ça en a pris de la patience et de l'amour...

Dans son cas, ça venait d'une tumeur au cerveau subie à trente ans; il est décédé il y a deux ans et demi à 62 ans.

Ça en a vraiment pris de la patience et de l'amour.

La seule personne que l'on peut changer, c'est soi-même; et ça, vis-à-vis nos proches aimés, c'est du détachement que ça prend!

Joyeuses Fêtes, sublime femme libre courage!

Une femme libre a dit...

C'est tellement ça, L'Aubergiste, il faut se protéger et se détacher. Des fois, on a donc l'air sans coeur, mais il faut résister pour ne pas être emportée avec la personne malade. C'est correct de dire non, c'est correct de prendre des distances, il faut sauver sa peau. Des fois, on dirait que seulement une personne qui a vécu ce que ça implique vraiment peut comprendre ça. Alors, je le sais que vous comprenez.

De la patience, de l'amour et .... du détachement.

Anonyme a dit...

En tout cas, je vous souhaite beaucoup de bonheur et de bon temps avec votre famille et vos amis en ce temps de fêtes, chère Femme libre. Je vous embrasse trois fois et vous souhaite tout le meilleur.

Une femme libre a dit...

Pareillement, Encre, et swing la compagnie!

SaintePaix a dit...

La maladie mentale, je sais ce que c'est. C'est vrai que c'est plus difficile pour les proches que pour le malade qui refuse de voir sa maladie. Mon frère, brûlé par l'alcool et les drogues, est maintenant suivi en psychiatrie mais on ne sait pas trop sa maladie, il refuse de signer des autorisations pour que la famille puisse avoir accès à l'information. Mes parents, qui ont 78 ans, se crèvent encore pour le faire vivre (il a vécu chez eux jusqu'à 50 ans, bref, jusqu'à ce qu'ils vendent la maison pour se débarrasser de lui). Il les menace de se suicider s'il n'obtient pas ce qu'il veut. Hier, c'était une grosse voiture (minoune) qui boit énormément d'essence. Il ne travaille pas (en est incapable) et ne paie pas ses loyers. Il déménage régulièrement (toujours mes parents qui paient). Mon père fait de l'hypertension et c'est de plus en plus dangereux pour sa santé. Nous essayons de faire internet mon frère mais avec le virage ambulatoire, c'est impossible. Je souhaite bon courage à tous ceux qui vivent avec un proche atteint de maladie mentale!
SaintePaix :-(

SaintePaix a dit...

Lire "interner"...
SaintePaix

Une femme libre a dit...

Essayez de protéger vos parents de votre frère, si vous le pouvez, Sainte paix. Sinon, eux, ils ne l'auront jamais la sainte paix. Je vous souhaite mes meilleurs voeux pour Noël.

Anonyme a dit...

La maladie mentale n'est facile pour personne, ni la personne qui en souffre ni ses proches. Les troubles sont variés mais les situations se ressemblent souvent.Sachez que Si jamais vous la croyez en danger à très court terme il y a moyen d'intervenir pour la protéger. Je ne sais pas dans quelle région vous vous trouvez mais chacune a son APAMM, ressource d'aide aux parents et amis d'une personne atteinte de maladie mentale. Pour trouver le plus près de chez-vous voyez la FFAPAMM.

Ce qui me touche beaucoup dans votre billet (et c'est malheureusement ce que la plupart des gens oublient dans ces cas là), c'est que vous n'avez pas oublié que derrière la maladie se cache une personne pleine de talent, de qualité et de défaut, d'intérêt et de compétences, comme tout le monde...

Une femme libre a dit...

Merci pour les informations Anioshka. Je les prends en note. On n'a pas besoin de chercher beaucoup pour trouver des qualités à ma fille, elle en a tout plein!