lundi 22 décembre 2008

Noël en famille d'accueil

Ma carrière de famille d'accueil ne s'est pas arrêtée à Lesly. D'autres enfants ont suivi, plus jeunes. Je vais vous parler de deux Noëls, où, n'ayant pas d'enfants placés, mais des enfants déjà adoptés, j'avais donné mon nom pour la liste d'urgence des CCS, qu'on appellerait maintenant le Centre Jeunesse. Le temps des Fêtes est une période de grand stress et les familles en difficulté ont trop souvent de la misère à y faire face. Les besoins de placement d'urgence augmentent dramatiquement.

J'ai fait ça deux ans. Je ne me rappelle plus quelle histoire vient avant l'autre, alors je vais commencer par la moins pire des deux. À bien y penser, elles sont aussi pires l'une que l'autre, mais l'une des deux se termine moins mal. C'est l'histoire d'Olivier. Je mets les vrais noms parce que depuis tout ce temps, ces enfants sont grands.


La veille de Noël, le téléphone sonne "J'ai un petit Jésus pour toi". C'est ma travailleuse sociale, à qui on vient à l'instant de confier le cas d'un bébé de sept semaines, qui attend de le placer pour pouvoir partir pour ses propres vacances de Noël. La mère du bébé fait une psychose, elle est entrée à l'hôpital psychiâtrique accompagnée des policiers après avoir tout cassé chez elle. Le père, pas trop clair son histoire. Il serait séparé de la mère mais c'est pas trop évident. Un alcoolique, semblerait-il. Bref, personne pour s'occuper de ce petit bébé et on ne peut pas le laisser à sa mère qui serait dangereuse pour lui. Je dis oui et une heure plus tard, ça sonne à la porte, en même temps que la pharmacie qui vient me livrer bouteilles, lait et couches, car je n'ai absolument rien pour accueillir un si jeune enfant!

Le placement se révèlera très difficile. En l'examinant un peu, je découvre un bel enfant potelé, bien soigné, les ongles impeccablement coupés. Pas du tout un bébé négligé, ce petit Olivier. Il a reçu de bons soins, c'est clair et ce qui devient encore plus clair, c'est qu'il était allaité. Alors, le pauvre, il est coupé et de sa mère et de son sein et projeté d'un seul coup, comme ça, dans une atmosphère de stress intense (il était là quand sa mère saccageait tout et quand les policiers l'ont arrrêtée), dans un milieu étranger et dans des bras étrangers. Et il ne sait pas du tout prendre le biberon! Il a fini par apprendre, pauvre petit, pas le choix, mais ça n'a été facile ni pour lui, ni pour moi.

Une fois habitué au biberon, cependant, il redevient un beau bébé de bonne humeur, qui nous accompagne partout pendant les fêtes de Noël, endormi dans son petit couffin ou bien dans nos bras. Mes filles et mon fils l'adorent et on prend plein de photos avec ce petit bébé roux et adorable. Une semaine après son arrivée, on me demande de l'amener au Centre Jeunesse pour une visite parentale, la mère a un congé de l'hôpital et le père est là aussi. J'entre par une porte réservée, les parents par une autre, on ne se voit donc pas. Au bout de deux heures, je le ramène à la maison. Quelques temps plus tard, la travailleuse sociale m'appelle de la cour. La père a obtenu la garde provisoire de l'enfant, sous surveillance de la DPJ, il s'en vient chercher le bébé. Une heure après, mon bel Olivier part dans les bras de son papa tout heureux. Je n'en aurai plus jamais de nouvelles. J'ai envoyé des copies des photos prises de lui au Centre Jeunesse pour qu'ils les remettent aux parents.

13 commentaires:

Anonyme a dit...

J'imagine fort bien le bouleversement que ça a dû être que l'arrivée de ce bébé. En même temps, quelle belle histoire :-))

Encre a dit...

oups, c'est Encre l'anonyme ;-)

Magenta a dit...

Ça prend beaucoup courage pour accueillir des enfants à qui on s'attache et qui doivent nous quitter... Sans nouvelles.

Vous êtes, sans aucun doute, une excellente personne... Merci pour ce beau partage juste avant Noël !

Mademoiselle A. a dit...

Un beau geste de votre part!

Passez un joyeux noël et une bonne année!

Valérie-Ann a dit...

Sept semaines, c'est jeune pour être au coeur d'un drame. C'est affreux. Tu as un coeur grand comme la Terre, c'est merveilleux. J'espère que ce petit Olivier s'en est bien sorti... J'aimerais bien être famille d'accueil comme toi, mais j'ai déjà un dossier d'ouvert pour l'adoption d'un(e) petit(e) Québécois(e)... Je ne sais pas quelles sont les démarches...

Lud. a dit...

Si j'ai de la misère avec mes petits qui quittent pour l'école après quelques années, je n'imagine pas la douleur de les perdre encores bébés et alors qu'on est aussi attaché! Ça n'a pas du être facile pour vous... surtout que, la suite est inconnue et que le bonhomme était louche...M'enfin.

Solange a dit...

Ce doit être difficile de se séparer d'un petit être aussi attachant.

Pur bonheur a dit...

J'aurais eu beaucoup de mal à le laisser partir. Mais bon, votre rôle était celui de maman de dépannage et vous l'avez très bien rempli.

Une femme libre a dit...

Détrompez-vous toutes et descendez-moi de mon piédestal. J'avais hâte qu'il parte ce magnifique petit bébé. Je savais très bien que je faisais du dépannage. Et puis, il a tellement pleuré, le pauvre enfant, il cherchait sa mère! Il ne savait pas prendre le biberon. Et même quand il a appris, il avait probablement des coliques, parce que je devais me promener avec dans les bras de dix-huit heures à vingt-deux ou vingt-trois heures, tous les soirs. Et si j'arrêtais de marcher, il se remettait à pleurer. Et évidemment, comme tous les bébés de deux mois seulement, il avait besoin d'un boire de nuit, des fois deux. C'était le temps des Fêtes, on avait des partys en plus et j'avais d'autres enfants. Quand son père est enfin venu le chercher, je me suis sentie très soulagée et j'ai été bien heureuse de le lui remettre, surtout que moi, je l'ai trouvé sympathique le papa. Le plus triste de cette histoire, c'est d'avoir enlevé un enfant allaité du sein de sa mère. Idéalement, il aurait dû l'accompagner à l'hôpital phychiatrique, sa mère, mais je comprends que ça ait pu être difficile à organiser.

Une belle histoire, Encre? Pas si sûre de ça pour ce bébé, car comme le dit Valerie-Ann, c'est tout un traumatisme qu'il avait vécu.

Je pense qu'accueillir des enfants donnait un sens à ma vie, Magenta. J'étais très heureuse à cette période.

Merci bien Framboisonnie. Je vous retourne les voeux!

L'adoption en banque-mixte ou bien l'adoption régulière, Valérie-Ann? C'est superbe ça. Une belle aventure.

Ça n'a pas été si difficile que ça, Lud et Solange! ;o)

Oui, c'est ça, Pur Bonheur, je le savais très bien que c'était du dépannage à court terme.

herbert a dit...

Oh! oui, c'est une belle histoire...Quelle belle générosité.
J'ai tout lu des précédents billets.
Je t'admire à plus d'un titre.
Je te souhaite, ainsi qu'à tes enfants et à tous ceux que tu aimes de bonnes fêtes de fin d'année.
Merci pour tout.
Je t'embrasse.

Une femme libre a dit...

@Herbert.Ainsi que je l'ai déjà dit à Magenta, il s'agit plutôt d'un désir de combler sa vie et de se sentir utile, plutôt que de générosité pure (d'ailleurs, ça existe, la générosité pure?). Parfois, je songe à revenir à cette vie au service des autres,où on sait qu'on fait avancer la société,humblement, un enfant à la fois.

Valérie-Ann a dit...

En banque mixte. Ça devrait être pour bientôt... :)

Une femme libre a dit...

Super excitant,Valerie-Ann. Vous (votre famille, je ne vouvoie pas là hihi)allez donc l'être, famille d'accueil, car c'est le statut premier des familles banque mixte.