Je lis le commentaire de Mijo dans le billet précédent et je suis émue. Je me revois, cachant des livres un peu partout, à l'abri des foudres de ma mère. On m'interdisait de lire. À l'aube de mes huit ans, un optométriste bête comme ses pieds avait déclaré en m'affublant d'épaisses lunettes, que je ne voyais presque rien avec une telle myopie et n'avait rien rétorqué à ma mère quand elle s'était exclamée "C'est sûrement parce qu'elle s'use les yeux à lire tout le temps!" S'ensuivit une chasse effrénée à tout ce qui ressemblait à un livre. Je devais aller jouer dehors. Très bien jouer dehors, on s'entend. Dommage que les jeunes de nos jours ne jouent plus, encabanés et grossissants. Mais je jouais dehors, sans livres et c'était juste terrible pour moi. J'en cachais sous la galerie ou le cabanon. Et je lisais en cachette. Plaisir défendu. Mon petit frère montait la garde.
En grandissant, les meilleurs livres ont été encore plus illicites. J'étais la plus vieille, mes parents sortaient beaucoup et vers onze ou douze ans, je gardais mes jeunes frères. Dès ceux-ci couchés, je me dirigeais vers la chambre parentale et fouillais dans le tiroir où des trésors défendus m'étaient offerts. "La sexualité après quarante ans", "Tout ce que vous voulez savoir sur le sexe sans oser le demander" et autres ouvrages interdits étaient dévorés dans le plus grand plaisir, l'oreille aux aguets.
Nous recevions des journaux et revues du monde entier. Mon père travaillait dans le commerce international et lisait tout le temps, rapidement. Je le vois installé à son grand bureau, enterré sous les écrits et paperasses divers, ou sur le divan du salon, détachant les cahiers des journaux et les laissant traîner partout. Il lisait aussi bien en anglais qu'en français et c'était essentiel pour lui que ses enfants soient au moins biligues. Adolescente, il m'envoyait dans des échanges culturels avec un organisme qui s'appelait quelque chose comme "Association des chrétiens et des Juifs", on y échangeait pas seulement la langue mais aussi la religion! Vers douze ans, je suis allée deux semaines chez une famille juive de l'Ontario et l'année suivante dans une famille mormone (je crois, ultra-religieuse en tout cas) dans les Maritimes. Mon père avait une grande ouverture d'esprit et je m'en ennuie encore neuf ans après sa mort. Ceux qui ont perdu un parent bien-aimé me comprendront.
C'est mon grand-père qui m'a appris à lire. Pas surprenant que j'aime tant les hommes avec ces hommes forts de ma petite enfance. Il me lisait les Comics de la Presse assise sur ses genoux en suivant avec son doigt et je reconnaissais "le" et "la" et le lisais à sa place et on a procédé comme ça pour les autres mots. J'avais quatre ans. On se partageait la lecture.
11 commentaires:
C'est fou comme je me retrouve dans ton post d'aujourd'hui. De la myopie, à la privation de lecture sous les conseils de l'opto, des lectures en cachette, au désir avant l'école d'apprendre à déchiffrer les mots, tout y est! Mon père avait une petite bibliothèque, l'école d'alors aussi. Donc, je lisais et relisais, des traités d'agriculture aux histoires pieuses de ma grand-mère, en passant par les romans d'amour de ma marraine et les quelques livres d'Histoire, dont un énorme bouquin rouge sur Richard Coeur de Lion. Je lisais même en classe si je réussissais à cacher un livre sur mes genoux!!!! Aujourd'hui, je n'ai qu'un oeil efficace (problèmes de rétine) et mon ophtalmo applaudit à l'utilisation que je fais de cet oeil. Alors tu vois, vive la lecture! Elle nous offre l'Univers. Mes filles et mes petits enfants lisent aussi beaucoup. Ça s'attrape! Excuse le trop long commentaire. Bisous.
PS mon pyjama de lecture s'en vient;-)
être privé de lecture ? quelle horreur !
Ma maman était institutrice au primaire, il y avait beaucoup de lecture chez-moi dont deux encyclopédies.
J'ai propablement lu les 3/4 de l'encyclopédie Grolier: contes et légendes du monde, histoire universelle, géographie, politique, chimie de base, biologie, etc. J'aimais tout même si je préférais contes et légendes du monde ♥♥♥
Ma mère aveait aussi une grande collection de livres "ésotériques" du genre le 3ième oeil de Lobsang Rampa la réincarnation de Bridey Murphy etc. C'était un univers étrange et amusant. Elle me laissait lire ce que je voulais. Elle était très ouverte la dessus.
Au secondaire, j'étais très assidue de la bibliothèque.
Ma soeur est une grande lectrice aussi, on échange des livres quand on se voit, ce qui est malheureusement trop rare.
Ma fille du milieu était une grande lectrice avant l'université. Fiston lit peut malheureusement, cela aurait amélioré son français écrit. La dernière lit par vague, comme elle a appris à lire l'espganol seul et que son niveau rejoint ceux qui ont fait de l,espganol depuis 3 ans, je ne vais pas me plaindre.
Pour ma part, c'est le plus beau loisir du monde !!! (avec la photo, les voyages et la cuisine lol)
Je trouve dommage qu'ils n'aient pas été mieux informés. Ce sont de beaux souvenirs que vous avez partagé.
Il ne m'étais jamais venu à l'esprit qu'on pourrait, à notre époque, interdire à un enfant de lire "pour son bien!".
Il y a bien le Pape qui interdisait la lecture de Code Da Vinci, mais sans réaliser qu'il moussait ainsi automatiquement les ventes.
Remarquez, qu'avec certains enfants, ça serait peut-être une belle méthode de psychologie inverse pour les inciter à lire davantage. L'interdit éveille toujours un intérêt particulier.
Ma mère était une grande lectrice, et la maison était remplie de lecture très diversifiée.
En première année, juste avant Noël, elle m'a surprise à essayer de lire un livre de Guy des Cars. J'ai reçu une magnifique collection de la comtesse de Ségur. Puis d'autres ont suivit, j'ai encore certains de ces livres.
Elle peinait à me fournir, je dévorais tout et je lui en suis reconnaissante d'y avoir mis autant d'efforts.
Quand je vais dans les magasins de livres usagés, je suis étonnée de voir des collections complètes avec belle reliure et même pas lue !
J'ai acheté pour une bouchée de pain Les Rougon-Macquart.
Vous étiez myope aussi Marico? Je me souviens du grand bonheur ressenti à l'école,la journée après l'acquisition de ces fameuses lunettes, en voyant enfin au tableau! La lecture nous offre l'Univers, comme c'est vrai et bien dit.
Ma maman était et est toujours une femme extraordinaire et elle croyait sincèrement faire pour mon bien, Éléonore. Je vous ferai un billet sur la lecture et mes enfants à moi....
Votre fille du milieu a réussi à s'apprendre l'espagnol toute seule? Impressionnant quand même.
Dommage, oui et non. Je n'en ai pas vraiment souffert, Mayieve. Il y avait beaucoup d'amour chez nous, c'est plus ça que j'ai retenu!
Je pense que finalement l'interdiction de lecture a stimulé mon goût pour la lecture, Pierre. Psychologie à l'envers, oui!
Votre mère a eu la bonne idée de substituer La Comtesse à Guy des Cars, Michèle. Mais ce qu'elle était dure cette comtesse, que de fessées et de privations de nourriture a vécues la pauvre Sophie! J'ai tout lu aussi de la comtesse, les malheurs de Sophie et ceux de l'âne aussi et les bons enfants si parfaits qu'ils nous en tombaient sur les nerfs. J'ai énormément lu dans ma jeunesse et au-delà aussi. C'est seulement depuis la cinquantaine que je lis peu de livres mais tout autant d'écrits mais de sources diversses, beaucoup sur l'internet, dois-je avouer. D'ailleurs, je devrais être en train de lire la biographie de mon Stone au lieu de traîner ici. Habitudes, habitudes... difficiles à briser.
Bonjour,Femme libre.
Maintenant, je comprends mieux la lumière de ta lampe.
Merci pour ce partage délicieux.
Je t'embrasse.
J'adore que l'on me raconte des histoires. Celle-ci est émouvante.
Chez moi, on ne m'a jamais interdit de lire mais mes parents, à l'âge de 5 ans, pensaient que j'étais trop petite pour avoir envie de lire le soir et pensaient donc que je n'avais pas besoin de lampe de chevet. Le soir où ils m'ont trouvé plongé dans un livre sous les couvertures, ils ne m'ont pas grondé. Ils ont du se regarder car très très vite, j'ai eu une petite lampe près de mon lit. Une lampe en forme de voilier (!!!).
Mes parents n'avaient pas beaucoup d'argent et pouvaient m'offrir un livre que tous les 6 mois (Noël et mon anniversaire en juin) mais ma mère ultra-complexée par son parler (elle parle patois) a fait une chose extraordinaire, elle a réussi à surmonter son handicap pour aller voir le directeur de l'école pour lui demander s'il avait chez lui des livres que je puisse lire. Le directeur a fait mieux, il a créé une petite bibliothèque à l'école. Nous étions plusieurs gamisn fous de joie lors de l'inauguration.
Vive la lecture.
Et que brille la lumière, Herbert. Vos baisers me font chaud au coeur.
Vous avez eu de bons parents, tout comme moi, Mijo. Cela facilite notre rôle parental actuel car on a eu des modèles. Les vrais héros, ce sont ceux qui ont eu une enfance merdique et qui réussissent malgré ce handicap, à donner une enfance heureuse à leurs enfants à eux. J'ai de l'admiration pour ceux qui réussissent cet exploit.
Dommage pour la lecture, il est si agréable de se plonger dans un autre univers et de vivre à travers ce livre de belles aventures. J'ai toujours voulu que mes filles lisent de bons livres, elles sont excellentes en français, je crois que ça aide beaucoup! Chantalou xx
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