samedi 13 juillet 2013

Charmante

Pour une personne en trouble de l'attachement, les gens sont utilitaires. On les prend, on les séduit, on s'en sert et puis on les jette.

Quand l'enfant est intelligente en plus, c'est très facile de monter les parents l'un contre l'autre et de monter les intervenants contre les parents.

En centre d'accueil, ma fille était presque parfaite. N'oublions pas qu'elle avait fréquenté l'école privée et les musées et les spectacles et les bibliothèques. Elle s'était fait lire des livres dès son enfance, avait un vocabulaire recherché, lisait La Presse le matin avec les éducatrices. Dans un milieu de tabarnacle et de calisse et d'enfants issus de milieux très dysfonctionnels, mon éduquée de fille détonnait.

Bien que les enfants de l'adoption soient surreprésentés en centre d'accueil, je l'apprendrai par la suite. Et il y a d'excellents parents dont les enfants sont placés, je l'apprendrai aussi!

Ma fille se conduit donc plutôt bien. Elle refuse de faire les tâches ménagères et ils ont un peu de misère avec ça, mais quand ça finit par marcher, on veut me la retourner.

Heureusement, j'avais commencé à voir une psychologue spécialisée en adoption. Elle me conseille d'essayer de voir ce que ma fille faisait sur l'internet, de percer ses contacts. J'y réussis. Ça n'a pas été si difficile car mon innocente de fille de douze ans utilisait son vrai nom, sa vraie adresse et son vrai numéro de téléphone!

Je découvre alors avec horreur qu'elle se décrit comme une petite bitch qui aime les pédophiles! Elle décrit en détail comment elle jouit et plein d'autres choses extrêmement personnelles. Je copie ses textes et annonces et apporte le tout à la psychologue. Cette dernière est horrifiée. Me dit de faire d'autres copies pour les intervenants du centre d'accueil et me propose même de m'accompagner à la réunion. Finalement, j'irai seule.

Ce sont ces papiers qui ont fait qu'il ne l'ont pas retournée immédiatement à la maison. Charmante comme elle était, les éducateurs étaient portés à penser que ce qui clochait, c'était le milieu familial.

Le parent d'un enfant en trouble de l'attachement est souvent suspecté d'abus ou du moins de manque d'affection.  Moins aujourd'hui car le trouble est plus connu mais pas tout le monde qui le connaît.

27 commentaires:

Michèle a dit...

Honf... Et elle n'a que 12 ans à cette étape de l'histoire.

Une femme libre a dit...

Oui.

Juste moi a dit...

Vous pourriez écrire un livre de "vécu" avec vos dernières histoires. On les lit comme un roman et on oublie - presque - que ce n'est pas de la fiction ... Pas sûre que j'aurai passé au travers ... pas intensive que je sais l'être ...

Nanou La Terre a dit...

Oui, d'excellents parents dont les enfants sont placés: ta fille, mon fils. Nous étions et continuons d'être de bons parents Femme Libre.

Les intervenants nous voient comme de pauvres adultes mal équipé et à éduquer, pauvres de nous qui ne connaissons rien à la vie... Certains, et j'en ai fait l'expérience, nous traitent comme des petits enfants, avec un jugement gros comme le bras, cherchant constamment la faille dans la moindre de nos paroles... De là ma 1ère plainte, et vlan. Personne n'a jamais eu ma peau mais comme toi, ce fut extrêmement difficile.

Je boue, je boue....Bon, je vais sortir dehors, il fait beau. Mais j'aurai bien de la difficulté à décrocher de ton texte...

Pur bonheur a dit...

Seigneur! Vous mériteriez tellement d'avoir un peu de répit, de vacances, de prendre votre retraite de TOUT et d'enfin penser à vous.
Vous avez beaucoup donné, et je crois que vos autres lectrices sont aussi de mon avis.

Gen a dit...

Y'a des jours où j'ai mal à en pleurer de ne pas avoir d'enfants.

Puis il y a des jours où je lis des histoires comme celle-là et où, soudain, je me dis que j'aime mieux pleurer sur l'enfant qui n'arrive pas que d'en avoir un vrai qui m'arracherait le cœur comme ça...

cryzal a dit...

Mon plus jeune va avoir 12 ans le 1 août et j'ai le livre Ta gueule Maman qui a été écrit par un professeur qui parle des problèmes reliés à la drogue je me demandais si je devais lui faire lire ...qu'en pensez-vous ??? ...........

Pierre Forest a dit...

Ouf, vous en avez bavé...

Ça m'éclaire sur ce qu'est le trouble de l'attachement. Le terme lui-même, semble banaliser la chose. Ce n'est pas juste un "trouble", c'est beaucoup plus grave que le terme ne le laisse paraître.

Étant optimiste de nature, j'ai tendance à penser qu'en aimant on arrive à tout, mais je constate que c'est une façon bien naïve de voir la chose ainsi quand on parle du trouble de l'attachement.

Ce problème doit être plus fréquent chez les enfants adoptés, parce que les probabilités de maltraitance en très bas âge sont statistiquement plus élevées. Les parents souhaitant adopter, très souvent, veulent simplement devenir parent alors qu'ils n'ont pas pu en concevoir de façon naturelle. Ils ne s'imaginent pas faire devoir face à une situation si difficile.

La chose devrait leur être communiquée davantage, de façon à ce qu'il puisse prendre conscience que ça pourrait leur arriver à eux aussi, malgré tout l'amour qu'ils ont à donner.

Adopter un enfant et adopter un enfant souffrant d'un trouble de l'attachement sont deux cas très différents. Dans le premier cas, on est parent, mais dans le second, on a presque essentiellement un rôle d'encadrement social. Ce sont deux rôles très différents.

Votre histoire mériterait d'être connue auprès de ceux qui souhaitent adopter un enfant, pour qu'ils soient en mesure d'évaluer leur capacité à faire face à la situation avant de prendre une décision. L'inconvénient, c'est que l'histoire peut difficilement être connue sans que vous ne dévoiliez publiquement beaucoup de choses de votre vie privée, mais aussi de celle de vos filles et je doute qu'elles seraient d'accord.

En faire une histoire romancée n'aurait, par ailleurs, pas le même impact, parce que ça resterait fictif.

PassionArts et plus... a dit...

Une femme libre... que de courage... que de pleurs... que de peine... je ne sais que vous dire... vous pourriez écrire un livre sur les faits vécus de cette vie si difficile... aviez-vous un soutien du père adoptif de ces enfants? ou viviez-vous seule tous ces moments de détresse...

unautreprof a dit...

Ouf!
Comme Pierre, j'ai tendance aussi à penser que l'amour sauve tout. L'amour et l'encadrement qui donne un sentiment de sécurité
Pourtant...
On voit aussi l'inverse. Des enfants dans des milieux dysfonctionnels qui fonctionnent assez bien.
Vous avez tout un vécu. Ça aide aussi à comprendre votre autre fille qui a un enfant, qui elle aussi a été témoin de bien des choses...

Une femme libre a dit...

Les choix "Juste moi" sont de passer au travers de gré ou de force ou bien de demander un placement, ce que j'ai fait et ce que j'aurais probablement fait plus tôt si le pensionnat n'avait pas existé. Il y a aussi comme choix définitif l'abandon pur et simple et on a le droit d'abandonner son enfant au Québec. Pas illégal de faire ça. On signe des papiers et that's it.

Une femme libre a dit...

@Nanou
Sauf qu'on ne peut pas blâmer totalement les intervenants parce que la majorité des enfants dont ils s'occupent ont comme problème principal dont découlent tous leurs autres problèmes d'avoir des parents inadéquats! Des pauvres adultes mal équipés pour éduquer leurs enfants, ou violents, ou drogués, c'est ce genre de personnes qu'ils sont habitués à côtoyer. Comme famille d'accueil, j'ai eu à rencontrer des cas vraiment désespérants. Une maman qui expliquait à son enfant obèse en sortant de gros sacs de bonbons qu'il ne pouvait plus revenir chez elle et devait rester chez moi parce qu'il n'avait plus de chambre. Elle avait acheté un chien et fait la chambre du chien dans la chambre du petit!

Une femme libre a dit...

Pur Bonheur, eheh! En principe, je suis à la retraite. Ce que je ferai de ma vie ne dépend plus que de moi. Faut également que je décroche. C'est dur pour moi. Je pense que je trouve une certaine valorisation à m'occuper des autres. C'est mon problème à moi ;o) Si je mettais des limites plus claires, on me laisserait plus tranquille. M'occuper des autres, c'est du connu pour moi. M'occuper de moi, ça m'ennuie un peu. Faut que je fasse des apprentissages là-dedans...

Une femme libre a dit...

Gen,

C'est extrêmement fort et irrationnel le désir d'enfant. Souffrant. Ça prend aux trippes et on est prêt à énormément beaucoup pour enfin tenir l'enfant dans nos bras. J'ai désiré follement chacun de mes enfants. Je me plains que je n'ai pas eu de mise en garde et que j'ai beaucoup entendu que l'amour peut tout, ce qui est faux. Mais même si on m'avait prévenue, je ne suis pas certaine que ça aurait changé grand chose. Je me serais probablement lancée là-dedans tête et surtout coeur en premier parce que j'aurais cru que ça ne pouvait pas m'arriver à moi. J'aurais pensé qu'en cas de problème, je chercherais et trouverais une solution.

Une femme libre a dit...

Cryzal, je ne connais pas le livre mais le titre me déplaît! Ma fille ne m'a jamais dit quelque chose de semblable et franchement, je ne l'aurais pas accepté non plus.

Une femme libre a dit...

"Ta gueule, maman" par Chantale Potvin? Ça semble le récit d'une mère dont l'adolescente se drogue. C'est un livre pour adultes. Lisez-le, Cryzal et vous nous en parlerez.

Une femme libre a dit...

@ Pierre
Le problème est en effet plus fréquent chez les enfants adoptés, ou bien chez ceux maltraités dans leur propre famille, chez les enfants hospitalisés très jeunes aussi et qui ne voient dans l'adulte qu'un dispensateur de douleurs.

L'âge clé est dix-huit mois. Avant cet âge, ça serait récupérable, après, c'est du cas par cas. Bien qu'il y ait des enfants adoptés à un an qui souffrent de troubles d'attachement graves, mais c'est rare.

Tout enfant adopté après dix-huit mois est donc à risques.

Cependant si l'enfant a déjà connu la vie de famille, ou la stabilité, ou une figure d'attachement stable et solide, même en institution, il y a bien moins de risques.

Ma grande amie qui a adopté quatre enfants était bien au courant de tout ça et elle a adopté en se sentant en sécurité quatre enfants plus vieux dont personne ne voulait.

Une de ses filles, adoptée à cinq ans, avait été trouvée dans un train alors qu'elle avait environ deux ans. Mon amie s'est dit que si elle avait connu la vie de famille, même pauvre et démunie entre 0 et 2 ans, les risques étaient moindres. Bon pari!

Ensuite, un enfant de sept ans dont les parents avaient péri devant ses yeux un an auparavant en sautant sur une mine antipersonnel. Certainement un traumatisme mais également un enfant attaché à sa famille jusqu'à l'âge de six ans. Or, l'attachement est transférable. Cet enfant est devenu un jeune homme équilibré et affectueux. Fiou! Et pourtant, personne ne voulait prendre le risque de l'adopter.

Ensuite, un jeune de quatre ans et demi qui avait l'air déficient. C'est son frère de neuf ans qui s'en était occupé pendant ses deux premières années. Là encore, mon amie a pris pour acquis que le bébé s'était attaché à son frère. Un autre qui va bien et même très bien aujourd'hui. Pas déficient du tout, il devrait terminer son secondaire l'année prochaine et a plein de projets d'avenir.

Le dernier était en orphelinat depuis la naissance mais comme il avait un handicap, il avait une nounou qui s'occupait de lui et de deux autres enfants et c'est tout. Bien. Encore là, attachement possible à la nounou. Celui-là aussi va bien.

Une femme libre a dit...

Ce qui est grave avec ce trouble, en plus de ruiner la vie de l'entourage, c'est essentiellement le manque de contrôle interne et donc de sens moral. Pas d'empathie. Quand on veut quelque chose, on veut quelque chose et tous les moyens sont bons. L'impulsivité. La recherche du plaisir avant tout. Au fond de tout ça, il y a bien une douleur mais elle n'est pas si évidente et en fait, l'individu y a peu accès. On souffre pour lui ou elle, on pleure pour lui et elle mais ce sont nos propres peines et souffrances qu'on lui attribue. Dans la réalité, la personne en trouble de l'attachement n'est pas en contact avec sa souffrance.

Une femme libre a dit...

Un autre prof,

Il y a des enfants de milieux très dysfonctionnels qui s'en tirent très bien en effet et qui sont même des modèles. Cyrulnik en a fait sa spécialité. Ses livres sont fascinants et je les recommande. Se lisent comme des romans, Des "Vilains petits canards." à "Un merveilleux malheur."

Une femme libre a dit...

PassionArts et plus,

J'ai adopté en célibataire. J'avais cependant un chum qui n'était pas le père de mes enfants mais qui me donnait un soutien affectif. Là, je raconte ce qui se passait avec ma fille en troubles de l'attachement et oui, c'est dur et pénible mais toute ma vie n'était pas dure et pénible, heureusement! ;o)

Pur bonheur a dit...

Vous parlez d'une petite abandonnée dans un train. Ça me rappelle la fois où l'ex de mon mari avait mis sa petite alors âgée de 5 ans, seule dans le train avec sa petite valise et une petite note dans la main ''Je dois descendre à la gare de Val Morin'' et avait demandé à un des passagers de lui jeter un coup d'oeil de temps en temps parce que quelqu'un l'attendait à destination!! J'ai eu le souffle coupé quand son grand frère me l'a raconté. Je sais que la petite qui a maintenant 36 ans ne s'en souviens pas du tout, mais c'est fou de voir comment elle est une mère dévouée pour ses petits, hyper-protectrice. Elle reproche des choses beaucoup moins graves à sa mère, si elle savait celle là...

Une femme libre a dit...

Vaut mieux qu'elle ne sache pas en effet! Ouf! Heureusement qu'il n'est rien arrivé. Il y a des enfants qui sont nés chanceux. Jamais rien ne leur arrive malgré la négligence des parents.

Solange a dit...

J'ai fait du rattrapage j'ai tout lu. C'est intéressant à lire mais beaucoup moins à le vivre, et vous ne pouvez même pas dire ouf! C'est fini.

Une femme libre a dit...

Ma responsabilité légale est finie et c'est déjà beaucoup. Quand elle a eu 18 ans, j'ai été bien heureuse et on est restées un bon moment sans se voir. Par la suite, j'en avais des nouvelles épisodiques seulement. La plupart du temps, elle me contactait pour de l'argent, mais pas tant que ça, parce qu'elle faisait des massages érotiques et je ne le savais pas. Quand son chum de l'époque m'appelait pour dire qu'elle saccageait tout, je lui disais de la rentrer à Douglas. J'ai pris un break.

Maintenant qu'elle est malade et que son chum actuel est fatigué, je me réimplique un peu. Elle ne viendra jamais vivre chez moi, mais je suis disponible pour l'accompagner à ses rendez-vous médicaux (elle ne veut pas), la rentrer à l'hôpital et la visiter si elle y est, faire des épiceries, des choses comme ça. Elle est retournée aux études et ne fait plus de massages érotiques tout en ayant le bien-être minimum et son chum est camelot, alors c'est la grande pauvreté. Je prends ça un jour à la fois mais mon espoir est bas. Sa vie est cyclique. Les bonnes périodes sont suivies de mauvaises, très mauvaises. Alors quand elle va bien, je ne suis pas portée à me réjouir.

Je l'ai vue la semaine passée pour de l'argent et elle avait pris du speed. Ben coudons...

Parlé brièvement hier. Elle va toujours à l'école. Lui donner des conseils et des leçons ne marche pas du tout. Attendons.

Notre relation est très bonne depuis ses quinze ans. Elle m'appelle "mom" et me fait la bise à l'arrivée et au départ. (rapide le départ, elle prend l'argent sur le pas de la porte!) La dernière fois, je l'ai accompagnée dans son auto et je me suis assise à côté d'elle pour lui jaser un peu. Je voyais bien qu'elle n'aimait pas ça. C'est comme ça que j'ai pu voir qu'elle était droguée et pas seulement au pot. J'ai appelé son chum et il a confirmé.

Une femme libre a dit...

En réponse à Un autre prof, oui, les autres enfants de la fratrie souffrent. Il faut les préserver le mieux possible. Ma fille qui a un enfant aujourd'hui faisait heureusement sa 6e année pensionnaire à Harmonie Nature quand les événements que je décris sont arrivés. Elle voulait y aller elle aussi dans ce magnifique pensionnat où les mercredis après-midi étaient consacrés au ski alpin et on voyait des chevreuils en prenant ses repas dans la cafétéria vitrée! La petite, par contre, était avec nous, mais elle dormait dur! Ce qui ne veut pas dire qu'elle n'a pas été témoin de beaucoup de choses.

Mijo a dit...

Tu en avais parlé plusieurs fois du trouble de l'attachement mais ouf, j'étais loin de m'imaginer tout ça.

Heureusement que tu écris que sur d'autres aspects ta vie n'était pas dure et pénible, c'est sûrement cela qui t'a permis de continuer, d'avancer et de ne rien lâcher.

Une femme libre a dit...

Une période très difficile dans ma vie. Horrible, oui. Pénible. J'ai passé à travers, on a passé à travers, ouf! La psychologue que je consultais a été très utile. Je la remercie encore d'avoir été là. Ma fille qui a 24 ans est maintenant psychotique mais quand les médicaments sont bien pris comme maintenant, ça va plutôt bien. Ils ont une vie marginale et isolée, son chum et elle mais c'est leur vie.