vendredi 26 septembre 2014

Les voix

Moi: Là, pendant qu'on marche sur la rue, elles sont toujours là, tes voix, elles nous suivent?

Elle: Oui, elle sont là, mais elles murmurent, alors je n'entends pas très bien ce qu'elles disent.

Moi: Et quand tu entends, elles disent quoi?

Elle: Des choses méchantes que je ne veux pas répéter.

Moi: Je comprends.  

Silence, on marche. On revient de l'opéra.

Moi: C'est à cause de ces voix que tu as voulu mourir?

Elle: Oui.

Et aujourd'hui, je me demande si ce n'est pas parce que les voix des cantatrices sont si puissantes qu'elle aime tant l'opéra! Peut-être bien que ces voix aigues et presque surnaturelles réussissent à écraser les voix si méchantes de ma fille, ces voix qui s'accrochent malgré tous les médicaments et injections?

Je l'aime ma fille, de tout mon coeur. On a passé une belle soirée ensemble. Je serai toujours là pour elle, dans la mesure de mes moyens et avec des limites. Dans son cas à elle, je dois dire que je suis capable d'en avoir des limites et de ne pas tomber dans la culpabilité non plus. Sa maladie lui appartient et je vais certainement l'aider de mon mieux là-dedans, compatir aussi, mais je ne la prends pas en pitié et je ne me laisse pas submerger.

On va peut-être se revoir aujourd'hui pour aller au World Press photos qui finit dimanche. Elle a envie de bouger, de sortir. Je suis là pour ça.

6 commentaires:

Gen a dit...

Tellement dur la schizophrénie. Presqu'impossible à soigner complètement. J'ai un oncle aux prises avec des voix lui aussi. On se sent vraiment démunis devant leur détresse par moment.

Une femme libre a dit...

Ça ne se guérit pas mais ça se contrôle. Aujourd'hui, elle semblait en forme. On est allées au World press photos et au bout de quinze minutes, elle a voulu rentrer. Je ne pose pas de questions dans ce temps-là. Je me suis fait étampée pour pouvoir y retourner plus tard (ça ouvrait jusqu'à minuit) et on est parties ensemble. Elle est allée retrouver son chum et le spaghetti qu'il leur avait préparé!

Pur bonheur a dit...

Quand je te lis, ça me rappelle toujours mon frère. J'étais à peu près la seule personne en qui il avait confiance. À moi il pouvait tout dire, un peu comme ta fille qui se confie à toi sans restriction. Faut profiter de leurs bonnes périodes et les soutenir dans les moins bonnes. Il me manque tellement...

Une femme libre a dit...

Je comprends qu'il te manque, Pur Bonheur. On en a parlé beaucoup du suicide. Je lui disais, et s'ils trouvaient un remède efficace qui enlève les voix dans cinq ans, dix ans? Si tu te tues, tu ne pourras pas en profiter. Et s'ils ne trouvent rien, ben, il sera bien temps de te tuer plus tard. En attendant, il y a peut-être plein de belles choses qui t'attendent. Donne une chance à la vie.

Pur bonheur a dit...

Mon frère est décédé d'un infarctus à 37 ans. Il est devenu très sédentaire à cause de la médication. Mais il allait très bien 'dans sa tête' ! Il a été très heureux les 3 dernières années de sa vie et avait beaucoup d'amis. Je me console avec ce souvenir..

Une femme libre a dit...

Oh! Il est mort jeune. Très heureux pendant trois ans? C'est déjà beaucoup, c'est énorme. Bien des gens en santé ne pourraient pas en dire autant.