samedi 30 mai 2015

La cour

Je n'y étais jamais allée. Bon, pas à celle des adultes en tout cas, car je connaissais déjà la cour de la Jeunesse, à cause de ma plus vieille qui avait fait certains délits quand elle était ado. Mais c'est pas pareil du tout. 

Alors donc, on est stressées. J'aide pas vraiment ma fille car je suis aussi et même plus stressée qu'elle. Elle me dit alors que son amie d'école va venir aussi. Ouf! Une plus calme que nous, ça va faire du bien. Sauf qu'elle n'arrive pas, ne veut pas manquer l'école justement, mais faut pas être en retard. Mon idée était d'arriver d'avance et de manger tranquillement dans le coin. Et l'autre raison pour arriver en avance est d'éviter de croiser Joblo. On a rendez-vous à treize heures trente et lui à quatorze heures trente mais il est bien libre d'arriver avant et alors là, hein, il verrait ma fille. C'est ce qui la stresse le plus, cette possibilité de le rencontrer. Et moi aussi, pour dire vrai. 

Et puis, cette amie est charmante, mais s'habille de shorts ou de leggings. Pas trop approprié pour la cour. C'est même écrit sur le subpoena "Toute personne comparaissant devant le tribunal doit être convenablement vêtue." 

Alors, je dis à ma fille de demander à l'amie qui est en classe de s'en venir de suite. On pourra rectifier son habillement et arriver d'avance comme prévu. C'est fait. Elle arrive. On lui prête une veste et hop! en route. Ne pas prendre le métro, nous dit ma fille, car Joblo le prend aussi. D'accord. On marche et on passe devant la porte. Ouf! Je relaxe un peu, ma fille moins. On va manger dans un restaurant pas loin. Elle n'avale pas grand chose et puis on entre au Palais de Justice à treize heures et quart, on demande où est la salle de Coté Cour (pour les victimes) et on s'y dirige résolument. On entre dans une petite salle d'attente où une dame attend déjà, on se prend une revue et .... on attend! 

Treize heures quarante, arrive une autre victime. Treize heures cinquante, une autre encore, jeune et enceinte jusqu'aux yeux avec un charmant bébé de treize ou quatorze mois dans les bras! Il y en a des pires que ma fille, bazouelle! On commence à trouver le temps long. 

Finalement, à quatorze heures, on vient prendre les noms et à quatorze heures et quart, ma fille est appelée dans le bureau de la travailleuse sociale et on ne peut pas l'accompagner.  Quinze heures et quart, on peut entrer. Ma fille a décidé de reporter le tout. Si elle laisse tomber les accusations aujourd'hui, il pourrait avoir des conditions comme ne pas la contacter mais tout le reste tombe. Il est déclaré innocent et le dossier est effacé s'il respecte ses conditions. Aucune trace. Ma fille ne veut pas ça. Mais comme elle ne veut pas témoigner non plus et subir un vrai procès devant le juge où c'est sa parole à elle contre sa parole à lui, on va lui donner plus de temps pour réfléchir. Tout est remis au 17 août. Là, il faut voir la procureure. Retour à la salle d'attente. 

C'est long. La procureure vient finalement nous chercher. Une très jolie jeune femme blonde qui aurait pu être mannequin! On sort de la salle d'attente et elle nous informe que Monsieur ne s'est pas présenté. Grands sourires de notre part! jusqu'à ce que Vingt et un an s'exclame "Mais il est là!" Très loin, à l'entrée du Palais de justice, il y a une silhouette que moi je ne reconnais pas du tout mais elle, elle l'a senti! La procureure nous précipite dans une salle à l'abri et va voir le monsieur en question qui est bel et bien Joblo, arrivé une heure et quart en retard à son procès! 

Là, ma fille commence à se sentir mal, nerveuse, elle se met à pleurer. La procureure revient. Nous donne des papiers. Dit que monsieur doit commencer une thérapie de gestion de la colère au début août, une semaine avant la date de la nouvelle rencontre à la cour. On verra s'il y va et ce qu'en diront les intervenants. Ça pourrait aider ma fille à prendre une décision de savoir que monsieur suit une thérapie et admet qu'il en a un problème de violence, dit la procureure. Pour l'instant, il nie tout. 

Comme il est toujours présent, la procureure nous fait sortir par l'arrière. 

Ma fille veut de la crème glacée. On y va. Retour à la maison à pied. Elle demande à son amie à quelle heure ils vont au club. Mais c'est pas aujourd'hui cette sortie, tu es mélangée, lui répond l'amie. Je dis que c'est normal qu'elle soit mélangée avec tout ce qu'elle vient de vivre. Finalement, elles partent pour aller s'entraîner. J'apprends que ma fille s'est fait un nouveau chum, un ancien qui est réactivé. Me désespère! Impossible de rester seule. Je pensais que la psychologue allait travailler ça. 

Je cours pour le vernissage d'une amie qui va prendre fin. Ensuite, je suis invitée au restaurant mais je n'en ai pas envie. Je m'assois à la montagne pour regarder les cyclistes du Tour de l'île de nuit se préparer. Belle atmosphère joyeuse. 

22 commentaires:

Zoreilles a dit...

Que d'émotions...

Une femme libre a dit...

Oui.

Pur bonheur a dit...

En espérant qu'il en ressorte quelque chose de positif pour ta fille...

Une femme libre a dit...

Je pense que oui, c'est difficile mais positif. Elle fait quelque chose, se défend, se fait aider, réfléchit. C'est un processus de décision. Agir au lieu de subir. Quoi qu'elle décide au mois d'août, ce sera la bonne décision, la sienne.

Une femme en santé a dit...

Au moins une étape de passée ... En espérant qu'elle sera plus forte de fois en fois ....

unautreprof a dit...

Ah quelle journée! Belle finale à regarder les cyclistes!

Julie a dit...

Quelle journée! Ta fille est bien courageuse d'affronter tout ça. Je pense à vous!

Une femme libre a dit...

Une femme en santé,
Je ne sais pas si elle sera plus forte. Mais elle aurait pu en finir drette-là lors de cette comparution à la cour et elle a choisi de se donner du temps. C'est vraiment son choix à elle, je n'étais pas présente lors de son entrevue avec la t.s. de la cour.

Une femme libre a dit...

unautreprof,

Oui, les cyclistes m'ont fait du bien. Et puis hier, c'était l'anniversaire de Petit-fils. Plein de beau monde invités dans un parc. Plaisant aussi.

Une femme libre a dit...

Julie,
Elle est courageuse en effet. La plupart des victimes ne portent même pas plainte.

Nanou La Terre a dit...

Pas mauvais que ce soit remis. Ta fille a sans doute pris la meilleure décision pour elle, au moment où elle le vit et, en août, elle aura quand-même une petite expérience et mis les pieds dans la cour. Elle a besoin de temps. La cour est une expérience hors du commun, adaptation pour elle. Reposez-vous bien toutes les deux, vous le méritez xxxx

Solange a dit...

Pas mauvais que ce soit remis, le temps arrange souvent les choses.

mijo a dit...

Bon sang que de stress. Et dire qu'il vous faudra repasser par là en août. Sais-tu pourquoi elle a décidé de repousser alors qu'elle n'avait pas encore senti sa présence à ce moment là ? La panique ? Vouloir sortir au plus vite de cet endroit quitte à devoir y revenir ?
Pfff, quel dommage de devoir revivre cela. Mais si elle a un nouveau chum, elle sera peut-être moins en panique la prochaine fois.

Une femme libre a dit...

Nanou et Solange, en effet, pas mauvais que ce soit remis. Ça lui donne le temps de réfléchir, de consulter et de décider ce qu'elle veut faire. Il y a comme un sentiment de pouvoir sur sa vie aussi. C'est elle qui décide.

Une femme libre a dit...

Mijo, en reportant, elle savait très bien ce qu'elle faisait. Si elle décidait d'en finir là vendredi, sans passer devant le juge, toutes les accusations tombaient le même jour. Elle aurait probablement obtenu que l'ordre de la cour de ne pas la contacter pendant un an (mais il y a déjà deux mois de partis) soit maintenu mais sinon, tout était oublié et monsieur repartait libre comme l'air, prêt à s'attaquer à une nouvelle victime (si ce n'est déjà fait!). Ça, elle était certaine qu'elle ne le voulait pas. Décider tout de suite d'aller en procès? Elle préférait y réfléchir. C'est un gros mandat, il aura un avocat et des fois, c'est la victime qui semble coupable tellement l'avocat de l'agresseur s'en prend à elle. Très dur. Faut être vraiment prête. Et puis, le procès aurait été dans beaucoup de temps, long et lent la justice. Elle n'est pas certaine de gagner en plus. Pile ou face. Aussi bien y réfléchir. Je comprends très bien ses motivations et la décision qu'elle a prise vendredi.

Zoreilles a dit...

« Il y a comme un sentiment de pouvoir sur sa vie aussi », c'est que tu dis... Et moi j'ajoute que l'empowerment, je m'excuse, je ne connais pas le mot français, mais l'empowerment, c'est la solution à tous les problèmes.

Une femme libre a dit...

Zoreilles,
Absolument! Dans tous les domaines. Je me rappelle qu'on parlait beaucoup d'empowerment à la maison des naissances quand ma fille du milieu a accouché. Elle a eu un magnifique accouchement où elle se sentait forte et compétente. Il y a un lien. En décidant de sa vie, ma fille violentée ne se voit plus comme une victime mais bien comme quelqu'un qui a du pouvoir. Bon pour l'estime de soi. Elle veut qu'il suive une thérapie pour hommes violents, c'est important pour elle et elle a le pouvoir (par l'entremise du juge) de le lui imposer.

Une femme libre a dit...

Elle a passé la nuit chez un nouveau chum (qui est un ancien réactivé). Je trouve que ce n'est pas une bonne idée de se rembarquer si vite mais de quoi je me mêle? Je le lui ai dit et elle a décidé de faire comme elle veut et c'est très bien aussi. Tenir tête aux volontés des autres, c'est correct et transposable. Sa vie, je sens qu'elle est en train de la prendre en mains.

mijo a dit...

Oh merci de m'avoir tout bien expliqué, je n'avais pas tout compris le processus.

Une femme libre a dit...

C'est tellement pas facile à comprendre, les histoires de cour, Mijo! Et ça doit varier de pays en pays en plus.

Tiffany a dit...

Ouf! Je suis chamboulée juste à te lire. Cela a du être une journée très chargée en émotions. Peut-être que le fait de reporter la comparution sera qqch de positif. En même temps, p-e que ta fille aura réussi à prendre un peu de recul.

Désolée de mon ignorance mais c'est quoi un réactivé?

Une femme libre a dit...

Tiffany,
C'est un terme que j'ai inventé! Un ancien chum qu'elle avait quitté et auquel elle revient!