jeudi 16 juin 2016

De la difficulté de changer

Terrasse d'un café, ma fille et moi. Cappuccino glacé pour elle, expresso allongé pour moi. Elle sirote en silence.

Moi: Et alors, quels sont tes projets pour l'été?

Elle: Profiter de la vie pendant que c'est le temps.

Silence. 

Moi, après un bon cinq minutes: Profiter de la vie, oui, mais comment?

Elle: En voyant mes amies. 

C'est là que j'aurais dû me taire ou continuer à questionner en gardant une attitude détachée. C'était pourtant mon intention de départ. L'écouter sans intervenir. 

Moi: Elles vont travailler tes amies, elles ne vont pas être toujours disponibles. 

Silence.

Moi encore: Combien de temps tu as l'intention de profiter de la vie? Tu vas faire quoi cet été et cet automne? 

Elle: Retourner aux études? 

Moi: Vraiment? C'est dans tes projets? Tu disais que tu n'apprenais rien? Dans quel but?

Elle, hésitante: Euh... finir mon primaire en français? 

Moi: C'est un beau but mais ça va te donner quoi de plus. Tu en as un diplôme de préposée et il y a plein de job d'affichées.

S'ensuivit un dialogue de sourds. 

Elle ne peut pas travailler, elle ne va pas assez vite. Mais oui, tu peux il faut essayer encore. Non. Oui, Des menaces de ma part aussi. Je ne serai pas toujours là. Elle se referme. De retour à la maison, je lui montre les offres d'emploi que j'ai trouvées pour elle. Elle refuse de les regarder. Pleure un peu mais vraiment ça ne me touche pas. 

Vient de me dire: Mais qu'est-ce que je fais ici? 

Moi: Ici chez moi? 

Elle: Non, ici sur la terre. Je n'ai jamais demandé à venir au monde, moi.

Moi: Moi non plus. 

Alors, j'intitule ce billet "de la difficulté de changer" parce que mon intention était bonne et nouvelle aussi: écouter sans intervenir. J'en ai été incapable et je suis très rapidement retournée dans mes vieux patterns. Je ne me tape pas sur la tête. Je constate. 

Un jour à la fois. Je m'en vais monter ma montagne. Tous les jours, je le ferai. J'ai commencé hier. 

4 commentaires:

Gen a dit...

Quand je lis les histoires de personnes âgées qui n'ont pas plus d'un bain par semaine et qui doivent payer pour en avoir des supplémentaires, je ne peux pas m'empêcher de me demander...

Pourquoi elle ne ferait pas ça, votre fille, donner les bains supplémentaires?

Au lieu de viser les maisons d'hébergement, pourquoi elle n'affiche pas ses services dans les résidences de gens autonomes? Ou carrément au CLSC? Beaucoup de gens encore autonomes ont besoin d'un petit coup de pouce quelques fois par semaines pour des tâches comme se couper les ongles d'orteil ou alors faire leur lavage. Ce serait sans doute beaucoup moins rushant.

Une femme libre a dit...

Des idées pour elle, j'en ai plein moi aussi et les tiennes sont vraiment excellentes!

Mais je ne peux pas vivre sa vie à sa place ou en tout cas, je ne pourrai (et ne voudrai!) pas le faire éternellement! De la motivation intrinsèque, elle n'en a aucune.

Quand je lui parle de travailler, elle me répond "Mais tu ne travailles pas, toi!"

Alors, j'ai décidé de la laisser tranquille et de jaser de tout ça avec ma psychologue! C'est pour ça que je vais la voir.

Des solutions, il y en a. Pour moi, les solutions, pour moi! On va commencer par moi. Si le lui trouvais une personne âgée à qui donner son bain, il faudrait que je fasse la négociation pour elle, que je me rende chez la personne avec elle sinon, elle ne se trouvera pas, que je m'occupe de la faire se lever et partir à l'heure à chaque fois et je t'assure que ce n'est pas une mince affaire, que je la rassure et que je soigne son stress maladif. Bref, bien du travail en vue pour moi.

Là, elle n'en a pas de stress. S'occupe à plein temps de sa beauté, se crème, se maquille, se change, se fait les cheveux, le tout en musique. Tant que je ne lui parle pas de travailler, elle est de bonne humeur.

Gen a dit...

@Femme libre : Oui, je sais, le problème avec elle c'est vraiment la motivation (parce qu'elle a prouvé avec son cours réussi que quand elle est motivée, elle trouve les moyens de surpasser ses handicaps).

Oh well, j'avais fini par apprendre avec ma mère qu'on ne peut pas vivre à la place des gens qui ne le veulent pas.

J'vous souhaite que la psy vous aide à atteindre cette sérénité là.

Une femme libre a dit...

Même son fameux cours, je le remets en question. Ils étaient dix-sept étudiants et il n'y avait aucun préalable sauf de parler et comprendre le français. Or, elle m'a dit qu'il y avait de nouveaux arrivants d'Haïti dans son cours qui ne le comprenaient pas le français et qui se faisaient traduire en créole par les autres. Les examens, tout le monde les a réussis et si ce n'était pas le cas, ils pouvaient les reprendre, pas plus compliqué que ça. Donc, dix-sept étudiants et dix- sept diplômes.

Un stage merdique qu'elle a fait.

C'est moi qui vais prendre les décisions, pas la psy mais le style assez directif de la psy me convient tout à fait. Je fais son exercice de "Foutez-moi la paix", je l'ai écoutée aussi quand elle m'a ordonné (oui,oui, le mot convient��) de ne pas communiquer avec ma plus vieille (on était en chicane) et d'attendre que ce soit elle qui le fasse (ça n'a pas tardé). Bref, je suis une psychanalysée docile et non, on ne peut pas vivre à la place des gens! ;o)