samedi 19 mars 2011

Culture et larmes

J'écoutais "L'après-midi porte conseil" hier après-midi (voir le lien dans ma colonne twitter à droite) et on y parlait de la culture et du stoïcisme des Japonais. Rare en effet qu'on les voie pleurer, pas en public du moins. L'un des panellistes racontait qu'un journaliste, ayant vu un jeune garçon de neuf ans non-accompagné ( il avait perdu toute sa famille) tout au bout d'une longue queue pour avoir accès à de la nourriture, il a eu l'idée d'aller le voir pour le ravitailler tout de suite d'un petit sachet de poisson séché. Le jeune a remercié poliment, le journaliste est reparti, mais il a continué d'observer de loin. Quelle ne fût pas sa surprise de constater que, dès qu'il crût le journaliste disparu, le jeune quitta la file pour aller déposer son petit sac de poisson avec le reste des victuailles, pour reprendre son attente à la fin de la queue. Intrigué, le journaliste alla le voir et l'interroger. "Mais... tu n'as pas faim?" "Oui, bien sûr, mais les autres aussi ont faim".

Si un enfant de neuf ans peut déjà avoir des principes de partage et de contrôle de soi si élevés, on peut imaginer les principes des adultes! La dignité, la douleur cachée, l'aide pour les autres avant soi, l'organisation minutieuse. Dans cette émission d'hier, les Japonais n'étaient rien de moins que des saints.

On y a même raconté qu'un camion plein d'argent avait déversé son contenu dans la rue et que l'argent était resté là, pendant des jours, sans qu'un seul citoyen y touche! Kim Thuy a fait remarquer que cette sagesse asiatique n'était pas partagée par les Vietnamiens et que les dollars se seraient envolés rapidement si l'incident était arrivé au Vietnam. Je vous invite à écouter cette très intéressante émission.

16 commentaires:

Gen a dit...

Les Japonais sont loin d'être des saints (il existe de la ciminalité là-bas aussi), mais comme ils vivent entassés les uns sur les autres depuis des siècles, ils n'ont pas eu le choix de développer la politesse et le civisme à des niveaux très élevés.

Pour les larmes par contre, je mettrais un bémol : les Japonais expriment rarement leurs émotions en public, parce qu'il est mal vu de se livrer à des esclandres bruyants, mais il n'est pas rare de les voir pleurer silencieusement en public (par exemple devant une mort ou une grande destruction), sans même tenter de s'essuyer les yeux. Même les hommes le font et je trouve cette honnêteté devant l'émotion absolument magnifique.

Mongoose a dit...

Alors qu’ici, les gens se mettent en rage à l’idée qu’on puisse leur demander de faire quelque chose correctement pour une fois. Et vouloir élever ses enfants avec le sens de la discipline et du devoir t’expose au ridicule des parents que sa ferait trop chier de se donner tant de mal. Ici on méprise la maîtrise de soi parce que « c’est pas le fun ». C’est trop nul.

Gen a dit...

Oh, je lis "Gardens of the Moon" du canadien Steven Erikson. Le début d'une longue série de fantasy.

Pierre F. a dit...

Je propose que d'être japonais devienne un critère essentiel pour être politicien au Québec.

herbert a dit...

Bonjour, Femme libre.
Je ne sais pas si les Japonais sont des êtres parfaits, mais l'histoire de cet enfant mérite le temps d'une méditation.
Merci beaucoup.
Je t'embrasse.

Une femme libre a dit...

Ce ne sont peut-être pas des saints, mais faut avouer qu'ils ont une attitude admirable dans ce séisme. Les larmes silencieuses, oui, en effet, on en a parlé à l'émission aussi. C'est vrai, vous connaissez bien la culture japonaise étant donné que vos romans s'y situent. Bien hâte de le lire votre roman! Et j'espère que tous les lecteurs et lectrices du défi vont le lire aussi. Mais écoutez l'émission et donnez-en moi votre opinion, Gen. J'aimerais savoir si vous avez la même perception.

Une femme libre a dit...

Mongoose, ici, c'est différent mais pas si terrible pour autant. Les Japonais ont un taux de suicide parmi les plus élevés au monde.

(mais nous aussi, en fait, chez les jeunes hommes... bon...cherchons une autre comparaison à notre avantage.)

Une femme libre a dit...

Si ça veut dire être préoccupé sincèrement du bien commun, j'appuie, Pierre. Mais les Japonais ne sont pas un bloc monolitique, il doit bien y avoir des dissidents et des criminels dans le lot!

Une femme libre a dit...

Herbert, l'histoire de cet enfant force l'admiration, en effet.

Solange a dit...

C'est lors de grandes épreuves qu'on voit la sensibilité et l'entraide des gens et ça, je crois qu'on peut le retrouver dans plusieurs pays.

unautreprof a dit...

Le Japon est un pays de structures. Tout a une place.
Si on compare avec l'Haïti où tout est en déséquilibre, c'est frappant la différence.



En passant, je vous relate là la réflexion (résumée) de deux de mes élèves.
Pas pire non? 11 et 12 ans. Quelle maturité!

Unknown a dit...

tre touchant! ça donne a réléchir

Mongoose a dit...

Je ne pense pas que le taux de suicide soit une mesure important du succès d’une société. Surtout quand c’est une société où le suicide a longtemps été un acte honorable, même le seul acte honorable dans certaines circonstances.

Éléonore a dit...

Pendant des années le "modèle japonnais industriel" fut porté aux nues et idéalisés, jusqu'au moment on les études comparatives et indépendante ont démontré que comme tout autre système le modèle japonais avait ces failles, qu'il pouvait être étouffant, stérile, sclérosé.
Il faut prendre garde, différent n'est pas toujours signe de mieux.
Amélie Nothomb en donne une image pas mal moins parfaite dans Stupeur et tremblement. Oui je sais c'est un roman, mais Nothomb a quand même vécu plusieurs années au Japon, parle le japonais et a véritablement travaillé la-bas.

Gen a dit...

@Femme libre : L'émission présente un portrait assez idéalisé, mais il faut dire que c'est dans les épreuves comme celle-ci que la culture japonaise montre toute sa force. (D'ailleurs, c'est à cause des cataclysmes fréquents que cette culture s'est développée).

Le carcan étouffant du devoir qu'Éléonore souligne devient la base sur laquelle reconstruire le pays. Il prend soudainement tout son sens et je m'attends à ce que la société japonaise (qui commençait à être un peu défaitiste et apathique) en ressorte grandie. Les Japonais seront fiers de trouver en eux la force de rebâtir leur pays.

Et comme le souligne Mongoose, on ne peut pas voir le taux de suicide des Japonais comme une catastrophe ou un syndrôme de mal-être. Pour les Japonais, encore maintenant, le suicide est un choix comme un autre. Beaucoup de personnages âgées, en particulier, choisissent le suicide au lieu de mourir à petit feu et de souffrir longuement.

Ici, on comme à discuter d'euthanasie et de suicide assisté.

Une femme libre a dit...

C'est vrai, je n'avais pas pensé à ça, le suicide d'honneur.

Il y a la sexualité japonaise qui est vraiment particulière. Ils sont les maîtres du bondage et n'est-ce pas là qu'il y a un commerce florissant de petites culottes déjà portées? sans parler des mangas hardcore d'une violence inouïe.

Une épouse japonaise sur trois se dit victime de violence conjugale.

Il serait trop facile de ne s'arrêter qu'à ce qui paraît pour juger de toute une société. Certains peuples vivent sur la rue et pas par choix et y exposent ainsi leurs travers mais d'autres ont aussi des travers qu'ils cachent soigneusement. Pas simple du tout.

Tout peuple qui souffre a droit à notre compassion et à notre aide à la mesure de nos moyens.

Ce qui est prédit,comme le note Gen, c'est que les Japonais s'en sortiront de leur catastrophe et encore plus forts.