samedi 29 novembre 2014

Vieil ami

Quand j'avais dix-sept ans, j'ai fait un voyage dans l'ouest canadien et j'ai rencontré cet homme qui en avait dix de plus. Il dirigeait l'auberge où je séjournais avec mon groupe de cegep à Winnipeg. Le voyage était dans le cadre d'un cours sur la géographie et on avait un travail à faire et des crédits associés. Coup de foudre avec cet homme. La nuit, j'allais le retrouver et il m'emmenait dans sa chambre. Incognito évidemment, il risquait sa job.

De retour à Montréal, on a correspondu. J'étais alors à l'université et j'ai quitté pour aller le rejoindre. Sa job d'aubergiste était pour l'été seulement. Il faisait maintenant un doctorat à l'université de Winnipeg et vivait au deuxième étage d'une maison privée. Il devait passser par l'entrée principale de la famille pour accéder à ses appartements. Il n'avait pas le droit d'avoir de chambreurs alors je vivais là incognito.

Un jour, il a organisé une partouze à trois, sans m'en parler. La fille était déjà nue dans la chambre et il m'a appelée. C'était l'époque du peace and love, mais quand même... j'avais plus ou moins participé, mais je lui en avais énormément voulu.

J'étais rentrée à Montréal, chez mes parents et comme je suis chanceuse, il y avait eu grève à l'université de Montréal et je n'avais rien manqué ou presque.

On est restés en contact. Il m'a toujours écrit, de longues lettres à la main. Ma meilleure amie est même allée habiter avec lui, pas en amoureuse, parce qu'elle avait trouvé un emploi à Winnipeg et qu'il avait de la place (il avait déménagé de la maison privée). 


Il est venu me voir avec son premier enfant, j'en avais eu un aussi. J'ai de magnifiques photos de nos bébés qui jouent ensemble. Même qu'il s'est mis à venir souvent en visite à Montréal. J'ai alors coupé les contacts, pas officiellement, juste en me déclarant partie ou non disponible quand il venait. L'héberger était trop envahissant. Il restait alors chez mon amie, celle qui avait habité chez lui à Winnipeg.

Il y a quelques années, quatre ou cinq, je l'ai revu. Un souper dans un restaurant. Il avait eu de nombreux enfants. Et il s'est mis à me téléphoner de Toronto,où il habite maintenant. Il était marié avec une femme qui a vingt ans de moins que lui. On s'est revus une autre fois, un souper chez notre amie commune cette fois et j'ai senti très clairement qu'il était intéressé. À quoi? Certainement à baiser en tout cas. On a marché au parc Lafontaine à sa demande. C'était la nuit. Plutôt agréable. Mais j'ai évité systématiquement tout rapprochement physique. Le désir n'était plus là de mon bord ou du moins, je ne le laissais pas monter.

Il a bien vieilli. Végétarien, il fait beaucoup de sport.

Depuis un an, il est séparé. Son fils de 19 ans, son bébé, étudie à Concordia. Il vient donc régulièrement le visiter à Montréal. Est même venu à mon appartement. Ce n'était pas prévu et j'étais en train de peinturer. Courte visite que je n'ai rien fait pour prolonger!

Hier soir, il m'a appelée de Toronto. Pour jaser. J'ai beaucoup ri. Il parlait de ses enfants qui ne lui téléphonent que pour se plaindre et ne demandent pas de ses nouvelles. Comment se fait-il que la vie soit devenue si difficile pour les jeunes? Quand le téléphone sonne et que je reconnais le numéro, je me vide de tous mes soucis pour accueillir les leurs, me dira-t-il. On riait. Beaucoup. Hier, j'étais contente qu'il me téléphone.

12 commentaires:

Michèle a dit...

Contente, c'est tout ? C'est "un prospect" ? :)

Une relation sur 30 ans, c'est pas rien.

Ça me fait penser à "L'amour au temps du choléra".

Une femme libre a dit...

Il est libre en tout cas.

Je ne me vois pas vivre avec lui.

Coucher avec lui? Il voudrait, je pense. Gros contrat. Compliqué. Oui, ça compliquerait et puis même pas certaine que j'aurais du plaisir. Je n'en avais pas en tout cas il y a 44 ans! J'étais amoureuse, alors ça compensait.

Sortir avec lui peut cependant être agréable. Il est cultivé, s'intéresse à beaucoup de choses.

Hier, il disait que maintenant qu'il est seul et que deux de ses enfants sont à Montréal, il songe sérieusement à s'y installer.

Mais un prospect amoureux? Non.

C'est cependant une bonne idée de regarder autour de soi et je m'y applique, Michèle! ;o)

Une femme libre a dit...

Faut dire aussi qu'hier je me sentais déprimée et seule au monde, alors le téléphone de n'importe qui m'aurait probablement fait bien plaisir!

Zoreilles a dit...

C'est quand même ce qu'on peut qualifier de tendre amitié qui a su passer au travers des années. Tant mieux s'il te fait rire, ce n'est pas à négliger non plus... Le rire franc et complice est une denrée aussi rare que l'amour!

Une femme libre a dit...

"Le rire franc et complice est une denrée aussi rare que l'amour."

Tellement vrai!!!

ysengrimus (Paul Laurendeau) a dit...

Magnifique.

Oh, femme libre, si vous nous écrivez un roman avec cette histoire là, je le publie dans ma maison...

Une femme libre a dit...

Ysengrimus,

Cette histoire fait peut-être un bon billet mais faudrait étirer pas mal la sauce pour en tirer un roman. Bien que... il y a plein de petits souvenirs qui me reviennent et les petits souvenirs font souvent de meilleurs romans que les grands! ;o)

Je me rappelle de choses très précises, comme ses oeufs aux plat, qu'il faisait avec des tomates. J'ai essayé de les reproduire et ils n'étaient jamais aussi bon que les siens.

Je me rappelle aussi de certaines habitudes sexuelles, des attentes que j'avais à ce niveau, perpétuellement déçues et de l'impossibilité d'en parler.

Et des enfants qui habitaient cette maison,qui montaient regarder par la serrure quand je prenais mon bain.

Aussi des petits chats qu'il avait ramenés un jour, un gris et un noir, qui miaulaient tout le temps et sautaient partout.

J'avais trouvé un job dans une buanderie industrielle, avec des immigrantes âgées, aux jambes pleines de varices à cause de la chaleur accablante.

Voilà mes souvenirs... pas de quoi en faire un livre!! ;o)

Mais merci d'apprécier.

ysengrimus (Paul Laurendeau) a dit...

Vous venez pourtant de me faire le synopsis de six chapitres (un par petit paragraphe). C'est la moitié du livre...

Pensez-y. Rien ne presse...

Une femme libre a dit...

Sourire...

mijo a dit...

J'aime que l'on me raconte des histoires, celle-ci est belle. Et comme il reste encore des pages à y écrire, c'est parfait.

Une femme libre a dit...

Pas certaine qu'il y aura d'autres pages. En fait, j'ai décidé qu'il n'y en aurait pas car le porte est ouverte et je pourrais si je voulais. Mais en pesant le pour et le contre, ma vie sans cet homme est plus belle qu'elle ne le serait avec lui, ça donne une autre perspective, non? Et ça fait un bien énorme de réaliser ça. Je ne suis pas en attente, je suis complète et je prends un grand inspir yoguique en réalisant ça. OOOMMMMMMMmmmmmm

Une femme libre a dit...

la porte