samedi 11 mai 2013

L'infirmier

Sur son répondeur, on lui donnait comme titre "gestionnaire de cas". C'est le chum (l'ex?) chum de ma fille qui m'avait donné ses coordonnées, en me disant qu'il voulait me parler mais que lui, (l'ex-chum) le trouvait bien peu aidant cet infirmier gestionnaire du cas de ma fille.

J'ai laissé le message très tôt. Il a téléphoné à 11 heures en répondant à ma question à ce sujet qu'il avait tout son temps. On a parlé beaucoup. Plus moi que lui. C'est qu'il ne peut pas parler du dossier de ma fille évidemment, c'est confidentiel un dossier médical. Je reproduis des bribes de la conversation, un peu pour vous, beaucoup pour moi, pour ne pas oublier ce qui s'est dit!

Moi: Super dangereux ce qu'elle fait là, aller avec des inconnus recrutés par internet, plusieurs par jour, c'est une mission, ce sont ses voix qui lui disent de faire ça. Sans condoms. Et des trips masos en plus. Et toute la drogue qu'elle prend,sur une dose quotidienne, en se levant.

Lui: Elle se fait payer pour les relations sexuelles?

Moi: Non, elle se fait payer pour les massages érotiques évidemment mais ça c'est sa job. Mais le trip d'aller à droite à gauche sans dormir chez plein de gars inconnus, non, elle ne se fait pas payer. Sans condoms. Elle va se tuer. En plus, elle est un danger au volant....

Lui: Comment vous savez qu'elle ne met pas de condoms?

Moi: Elle l'a dit à X (son chum). Et puis, je connais ce comportement, elle l'avait déjà adolescente.

Lui: Oui, mais là, dans la situation actuelle, en êtes-vous certaine?

Moi: C'est X qui me l'a dit.

Lui: Toutes vos informations semblent provenir de X.

Moi: Oui, c'est vrai. Il m'appelle souvent, à toute heure. Il est très inquiet et il me transmet cette inquiétude.

Lui: X est en crise. Ne vous laissez pas contaminer. Pensez à vous. C'est à votre fille qu'il faut parler, pas à X.

Moi: Oui, mais X la connaît bien. Ils sont ensemble depuis six ans. Elle ne peut pas prendre soin d'elle, ne sait pas faire à manger, n'a jamais payé son loyer ou fait son rapport d'impôt, c'est X qui s'occupe de tout. Je suis contente qu'il soit là.

Lui: Et si X n'était pas là, elle ferait quoi votre fille? Semblerait qu'elle a épuisé la ressource X, elle fait quoi maintenant?

Moi: Elle a trouvé un vieux monsieur qui lui prête sa voiture en échange de relations sexuelles. C'est une petite fille vulnérable dans le fond.

Lui: Vulnérable? Elle la démontre comment sa vulnérabilité?

Là, j'ai eu de la misère à répondre. À force de questions, il m'a emmenée à conclure que ma fille ne savait ni cuisiner, ni budgeter mais qu'elle se débrouilllait fort bien pour que quelqu'un s'occupe d'elle. Il m'a dit que de demander une évaluation psychiatrique contre sa volonté n'était pas une bonne idée.

Lui: Si je vous dis "Vous êtes malade et anormale, madame, c'est une évidence, faut vraiment vous faire évaluer en psychiatrie. Vous vous sentez comment?"

Ouais, il avait bien raison. Je me sentais agressée et incomprise. Je n'avais qu'envie de fuir la personne qui venait de me dire ça.

Moi: Oui, mais si elle se tue en conduisant avec toutes les drogues qu'elle prend ou bien si un des gars la tue?

Lui. C'est possible. Tout est possible, madame. Mais elle est libre. Libre de ne plus jamais venir nous voir à l'hôpital, libre de partir à Toronto ou ailleurs. Elle est libre madame. Si elle se sent vraiment mal et malade, elle viendra se faire soigner. Là, ce n'est pas le cas.

Moi: C'est vrai. Je la vois ce soir pour son anniversaire. Je vais faire en sorte que ce soit agréable.

Lui: C'est une bonne idée. Je dois vous dire que je ne vous rappellerai pas, vous, vous pouvez me téléphoner.

Moi: Pourquoi vous ne m'appellerez pas?

Lui: Je suis les volontés de votre fille. C'est elle notre patiente. C'est d'ailleurs pour cette raison que je ne peux pas offrir de support personnel à X vu qu'il n'est plus en couple avec votre fille.

Moi: Mais ça ne semble pas tout à fait terminé...

Lui: Il a toujours refusé de nous rencontrer. Vous pourriez venir avec votre fille à son prochain rendez-vous.

Moi: Elle est d'accord?

Lui: Je n'en sais rien. C'est à vous de lui en parler. Vous allez lui dire que l'on s'est parlé?

Moi: Oui, évidemment. Je ne lui cache rien.

18 commentaires:

Pur bonheur a dit...

C'est pour ça que j'étais incapable d'avoir des nouvelles de mon frère que j'ai fait hospitalisé l'été passé. Ni le docteur, ni le travailleur social ne m'ont rappelé. À un moment donné j'ai décroché. Je me suis dit qu'il devait être entre bonnes mains...

Une femme libre a dit...

Si le malade dit " Je vous interdis de parler à ma soeur... ma mère... mon mari", c'est le malade qui décide.

Pierre Forest a dit...

Si vous lui proposiez un voyage à Haiti, 19 ans, elle et vous. Croyez-vous qu'elle aurait envie de vous y accompagner?

Une femme libre a dit...

Oui, j'y ai d'ailleurs pensé car le tourisme a repris en Haïti. Tout est possible!

Une femme libre a dit...

Elle adore voyager et est une excellente compagne de voyage, là n'est pas la question. Mais des voyages tout payés, ce n'est pas la vraie vie. Ça m'arrangeait qu'elle m'accompagne quand elle n'était pas encore majeure car je ne pouvais pas de toutes façons la laisser seule mais là... me semble qu'il faudrait qu'elle travaille ou étudie, pas qu'elle fasse une vie de retraitée à dix-neuf ans! ;o)

Une femme libre a dit...

Dans ce billet-ci c'est de 24 ans dont je parle, pas de 19 ans. J'ai trop d'enfants, je mélange mes lecteurs, eheh!

Pierre Forest a dit...

Je pensais à vous trois, 24 ans, 19 ans et vous. Je me disais que ça serait peut-être un prétexte pour sortir 24 ans de son environnement malsain et peut-être la reconnecter à quelque chose de significatif pour elle.

Une femme libre a dit...

Non, je ne voyagerais pas avec 24 ans. Trop imprévisible, je ne saurais jamais sur quel pied danser, serais toujours inquiète qu'une psychose se déclenche, qu'elle couche avec tout l'hôtel. On est loin de l'hôpital psychiatrique dans un tout-inclus! Et avec son habillement archisexualisé, on ne peut pas passer inaperçues! Pour tout dire, je n'oserais même pas aller au restaurant avec elle à Montréal actuellement. Là, elle veut avoir du Botox, elle a des faux-cils tellement longs qu'on ne lui voit plus les yeux, un décolleté très plongeant sur ses immenses nouveaux seins. Et puis, je suis persuadée qu'elle ne voudrait pas venir. Pas sans sa drogue du moins. Imaginez-vous ça la drogue dans les valises aux douanes? Ce ne serait pas du tout mais pas du tout des vacances pour moi. Dans son trip actuel, je suis certaine qu'elle refuserait l'invitation mais comme je ne veux pas prendre de chance, je le le lui proposerai pas, eheh! Et 22 ans, elle serait très insultée de ne pas être invitée, elle est déjà tellement jalouse d'avance. ET mon fils un coup parti? Et sa femmme? OUf! Toute une histoire que vous proposez là cher Pierre!!!! ;o)

Une femme libre a dit...

Et puis 24 ans n'a jamais été intéressée par Haïti, elle a toujours dit qu'elle n'aimait pas les pays pauvres et qui si elle devait aller dans une île, ce serait Hawaï!

Une femme libre a dit...

C'est pas vrai que je ne serais pas allée au restaurant avec elle. Je la prends comme elle est ou du moins j'y travaille et je m'en fous du regard des gens ou je travaille à m'en fouter. Morale: cette fille me fait travailler à plusieurs points de vue et je lui en suis reconnaissante. Pas pour rien qu'elle est dans ma vie, il y a un sens que je ne vois pas clairement mais elle me fait évoluer et devenir une meilleure personne, plus ouverte et tolérante. Si elle avait voulu aller au restaurant, on l'aurait fait mais elle a demandé des sushis à la maison.

Une femme libre a dit...

Derrière ses faux-cils et ses faux-seins, il y a ma petite fille et je l'aime. Si je la vois petite et vulnérable, j'ai énormément de peine. Alors, je choisis de la voir autrement, comme une adulte qui fait des choix et ses choix actuels sont de prendre de la drogue et autres...

Ses choix peuvent changer et ils lui appartiennent. Respecter la personne malgré ses choix actuels que je n'approuve pas.

Il y a ce que je sais et ce que je ne sais pas et même ce que je sais je n'en suis pas certaine. J'ai demandé à X (son chum ou ex-chum je ne sais plus) de ne plus m'appeler pendant un certain temps. Il n'a pas appelé aujourd'hui.

Bon, j'écris beaucoup parce que ça me trouble quand même un peu cette histoire.

Bouger, bouger, oui, c'est la solution. Cinéma, gym? C'est à moi à faire mes choix! ;o)

Pierre Forest a dit...

Ok, j'admet que ce n'était peut-être pas l'idée du siècle. :)

Une femme libre a dit...

HIhiHI!!! Vous avez déclenché une logorrhée verbale et m'avez permis d'expliciter ma pensée et de me comprendre mieux moi-même. Merci!!!

Une femme libre a dit...

C'est drôle Pierre, car j'ai relu notre correspondance et il est très clair dans votre suggestion que vous parlez de 24 ans, 19 ans et moi "19 ans, elle et vous" écrivez-vous, mais moi, mon subsconcient m'a empêché de voir que vous suggériez que je voyage avec 24 ans. Fort le subconscient, hein?

Finalement, ça a bien l'air que je ne sors pas. Dix-neuf ans qui est très autonome quand il est question de sorties est partie et puis je vais lire ma Presse bien tranquille. Ou bien aller voir le Great Gatsby à neuf heures et quart? On verra.

Mélissa a dit...

ça m'a tout l'air d'avoir été un appel à sens unique.. le patient avant tout, mais j'ai pas l'impression que ce soit le cas.

Une femme libre a dit...

Cet appel m'a fait beaucoup de bien, Mélissa. En me rappelant que ma fille était libre de ses agissements et qu'on n'y pouvait rien, son infirmier m'a libérée d'un grand poids. Si elle était en danger de mort immédiat, là, il faudrait agir même contre sa volonté. Lors de sa dernière psychose, ses voix lui disaient de ne rien boire et à la cinquième journée, son chum l'a fait entrer en psychiatrie facilement. Rien à boire depuis cinq jours, c'est du concret. L'hôpital a envoyé une ambulance avec un psychiatre à bord. Le psy lui a demandé de boire devant lui, elle a refusé, a dit qu'elle ne boirait plus jamais de sa vie. Là, ils l'ont embarquée.

Mais dans ce cas-ci,sa vie est peut-être en danger, oui, mais pas nécessairement. On ne sait pas. Des trips sexuels intensifs et weirds, il y a tout plein de gens qui en font. On ne les interne pas pour autant.

Prendre de la drogue, c'est pas rare non plus.

Bref, je n'ai pas prise, alors, écoutons-la, respectons-la, répondons à ses appels au secours s'il y en a, mais là, il n'y en a pas.

Si j'allais voir un doc, un psy, n'importe qui de médical, je m'attendrais à ce qu'il respecte le secret médical. C'est ce qu'ils font et c'est correct. Je n'ai pas à tout savoir.

Très souvent, dans la conversation, il demandait "Êtes-vous certaine de ça?" Et je ne pouvais pas être certaine, mes informations me viennent de l'ex. Ma fille ne me confie pas grand chose et j'ai peu de contacts avec elle.

Il me disait aussi souvent de me protéger, de prendre soin de moi, de ne pas céder à un climat de panique. Il m'a fait réaliser que tous ces appels à l'aide de l'ex étaient malsains. J'entrais là-dedans, je partageais sa panique, je ne dormais plus, je me sentais sur le qui-vive,responsable. Fallait faire quelque chose. J'étais prête à aller en cour pour demander une évaluation psychiatrique. L'infirmier m'a convaincue que ce n'était pas la chose à faire pour le moment.

Bref, il m'a fait du bien cet appel. Et même si c'est surtout moi qui ai parlé, je me suis sentie écoutée. C'est beaucoup, c'est énorme. On paie des psychologues le gros prix pour ça!

J'ai pu parler de l'enfance de ma fille, de son adoption, de ses troubles d'attachement sévères qui se sont transformés en bipolarité à l'âge adulte. Je ne pense pas que ma fille ait parlé de ces choses à son équipe soignante. Mais peut-être que oui. Je ne sais pas.

Accepter de ne pas savoir, de ne pas pouvoir et de vivre bien malgré tout. Je veux être heureuse, c'est bien et c'est bon et c'est ce que j'ai à faire.

unautreprof a dit...

Je trouve que l'infirmier savait bien vous écouter, tout en respectant sa patiente. Beaucoup d'éthique ce monsieur. Il vous a aussi dit que vous pouviez rappeler. Je trouve ça bien comme échange.

Une femme libre a dit...

Ça m'a fait du bien de lui parler.