vendredi 13 février 2015

Faits violence conjugale

Bon, c'est mon journal ici, c'est l'endroit où je prends des notes pour me remémorer les événements. Dans ce cas-ci, c'est bon que le cas de Joblo et de ma fille soit documenté. Quand on porte plainte à la police, ou même seulement quand on va se faire aider au clsc, c'est bien d'avoir des faits précis, pas seulement des souvenirs ou impressions vagues.

Voilà les faits. Mercredi matin le 11 février, j'ai le plaisir de croiser Vingt ans qui s'en vient chez moi. Je suis en route pour le gym. Je l'embrasse. On se verra après.

Elle est bien là à mon retour. La veille, elle est allée garder Petit-fils chez sa soeur et elle a couché là. Le mercredi, elle commence l'école à treize heures. Pourquoi  n'a-t-elle pas mis d'argent dans son cel (encore!)? Ça nous inquiète toute la famille quand elle fait ça et qu'on n'a plus moyen de la rejoindre. La dernière fois, j'étais allée en personne vérifier sa sécurité. Bon, cette fois, c'est parce qu'elle n'a plus d'argent. Plus d'argent? Déjà? Elle avait eu 1500$ à Noël et sa soeur la paie pour faire son ménage et garder. Elle répond qu'elle aide Joblo vu qu'elle vit là, que ce n'est que normal, elle partage l'essence et la nourriture. J'offre d'aller lui payer son téléphone et qu'on aille manger ensuite avant son école. Accepté. 

Une fois au magasin, le monsieur nous dit que Public Mobile maintenant avec Telus, c'est pas bon. Elle n'a pas de service, s'il y a un problème, personne pour l'aider. Et puis son téléphone est vieux. Il a un forfait au même prix avec Rogers et un téléphone de qualité est compris. On regarde ça. Vingt ans aimerait bien. Je lui dis que c'est correct, que je vais payer. Il faut cependant qu'elle change de numéro. Pas grave, dit-elle. Comme il lui faut deux preuves d'identité et qu'elle n'a que sa carte d'assurance-maladie et ne connaît pas son numéro d'assurance-sociale par coeur, je passe à la maison et je téléphonerai pour le donner. 

Quand tout est fini, ça a pris plus de temps que prévu. On n'a plus le temps de manger. Je lui achète un sandwich et elle part à l'école. 

Vers quatre heures, la voilà de retour à ma grande surprise. Pas du tout en forme cette fois. Elle n'est pas rentrée chez Joblo parce qu'elle a peur de lui. Il lui a fait une crise terrible à cause du téléphone. Ce n'était pas à moi à m'en occuper, c'est lui qui prend soin d'elle. Et puis, comment ça qu'elle est allée chez sa mère sans lui demander la permission. Ce sont bien les termes employés, "il est fâché contre moi parce que je suis allée chez toi sans lui demander la permission." Elle aurait dû rentrer directement chez lui après avoir conduit Petit-fils à l'école le matin,. 

Elle me dit alors qu'elle a bien de la misère à s'exprimer avec lui, qu'il ne la laisse pas parler et lui coupe la parole quand il l'accuse de quelque chose et qu'elle veut protester. En tout cas, il a une bonne voix, je l'entends de ma chambre crier dans le téléphone et le cel de ma fille n'est pas sur speaker. 

Elle élève un peu la voix elle aussi. Je suis surprise. Lui demande de l'écouter. Lui explique qu'elle n'est pas venue ici pour que je l'aide à changer de téléphone, que ça s'est passé comme ça quand on est allées pour payer, que c'est le monsieur qui a suggéré un autre forfait. Non, elle ne pouvait pas lui dire qu'elle venait chez sa mère, son cel ne marchait pas ce matin, pas d'argent dedans. 

Finalement, je ferme ma porte de chambre et je m'occupe bruyamment à réaménager mes tiroirs. Je ne veux plus entendre ce qui se passe de l'autre côté. Faut que je me protège moi aussi là-dedans,.

Elle soupe avec moi, mange peu. Mais se reprend après le souper en se faisant des beurrées de fromage! N'a pas l'air si pire. Regarde la télé collée collée sur moi. Et puis les textos reprennent. Et elle pleure et pleure encore. Elle va se vider à force de pleurer. Il a besoin d'elle. Oui, elle en a peur des fois. Elle ne sait plus quoi faire. "Je ne sais pas quoi faire" et elle pleure et pleure encore. Lui aussi pleure, me dit-elle. " Il a besoin de moi, je ne peux pas l'abandonner. J'ai peur de ne plus jamais pouvoir vous voir."

Quand elle me voit, ça insécurise beaucoup Joblo. Il a toujours peur qu'elle ne revienne pas. Il est anxieux. Je lui dis qu'elle aussi est anxieuse. Elle dit que oui. Il en a des problèmes et il le sait, dit-elle. Elle pense qu'il est bipolaire. Non, il le veut pas d'aide, il ne veut pas de clsc ni de psychologue. Il veut parler de ses problèmes mais seulement avec Vingt ans. "C'est lourd, c'est trop lourd pour moi." et elle pleure et pleure et pleure encore. 

Je lui dis qu'elle est totalement libre, que tout ce que je veux c'est son bonheur. C'est à elle de choisir, elle est une adulte. Elle a peur qu'il se suicide. Elle n'est pas responsable de son suicide ni de sa vie à lui. 

Finalement, passé vingt-trois heures, elle s'habille et quitte pour chez lui. Je lui rappelle que ça peut être dangereux, qu'il l'a déjà punie en l'arrosant et en la mettant dehors pendant des heures pas habillée sur le balcon en hiver. Il est imprévisible et peut être dangereux. 

Elle dit qu'il lui a promis que ça ne se passerait plus. Oui, elle a peur de lui des fois et ne peut pas s'exprimer librement comme elle le fait avec nous, mais il peut être attentionné aussi. Il l'aime tellement et ne peut pas se passer d'elle. 

Quand elle a quitté, je ressens le besoin de lui écrire de ne pas tomber enceinte. Elle ne met plus de patch contraceptive,. Je lui écris de "svp ne pas mêler un enfant innocent à cette histoire". Pas de réponse,. Je m'inquiète. Le nouveau cel marche-t-il? Elle vient pourtant d'avoir plein de conversations dessus avec Joblo. 

Le matin, je lui texte de nouveau. Tu vas bien? Pas de réponse. Je panique un peu. J'appelle sa grande soeur, celle qui est la plus proche d'elle. On jase. Merci d'être là. J'ai besoin de parler à quelqu'un. 

Finalement, elle répond. Je lui demande de me téléphoner. Elle le fait à sa pause. Elle est à l'école. Elle a une toute petite voix "S'il-te-plait, maman, oublie tout ce que je t'ai dit hier."  

18 commentaires:

Nanou La Terre a dit...

Bon sens, c'est pas drôle ça... je compatis avec toi.

Ici à Laval, il y avait un programme spécial, je ne me rappelle plus comment ça s'appelait mais c'était en lien avec la police, pour protéger une personne en cas de violence. Je l'avais fait pour protéger Véro de Fafouin à l'époque. En fait, c'était simplement un code que les patrouilleurs avaient et lorsqu'il y avait appel venant de chez mon fils ou de toute autre personne qui signalait un danger là, ils savaient que c'était un cas de violence conjugale et la patrouille était renforcée. Enfin, peut-être qu'il existe un tel programme à Montréal. Ça vaut peut-être la peine de te renseigner au poste de police Femme Libre. xxx

Pur bonheur a dit...

Il va falloir que la décision de le laisser vienne d'elle, sinon ça ne fonctionnera pas. À savoir où elle va trouver le courage pour le faire ça reste à voir. Heureusement que tu es là, tu es son phare , elle peut compter sur toi, c'est énorme. Plusieurs n'ont pas cette chance. J'espère qu'elle va saisir l'occasion.

Juste moi a dit...

J'ai toujours pensé que, lorsqu'on a connu le bonheur, la tendresse, l'amour, la sécurité, la stabilité, on sait (quelque part, des fois tout au fond de nous) qu'on y a droit, que ça existe. Comme le dit Pur Bonheur, il faut que ca vienne d'elle mais au moins, elle SAIT qu'être bien, ça se peut, ça existe et qu'en plus, elle SAIT où trouver cette sécurité. En souhaitant (très fort) qu'elle ait envie de retrouver ceci au plus tôt

Juste moi a dit...

Avez-vous un compte Facebook ? Twitter ? Pas envie de le nommer le Joblo ?

Un des grands dangers de la violence, c'est le silence. En autodéfense, la première chose qu'on apprend, c'est de se servir de notre voix - briser le silence en criant, en nommant, en disant.

Et si, sur un média quelconque vous énonciez "Je suis inquiète de voir ma fille être en couple avec XXX un homme manipulateur, abuseur, un homme qui est violent verbalement et phyaiquement".

Une idée, comme ça ...

Une femme libre a dit...

Je pense aller chercher de l'aide au clsc, Nanou. Et je vais téléphoner à mon intervenante de SOS violence conjugale la semaine prochaine quand elle sera de retour. Son frère a promis de veiller sur elle quand je serai à New-York. Sa grande soeur aussi. Son frère a même parlé d'aller rencontrer le gars. Si elle ne donne plus de nouvelles, c'est certain qu'on va faire quelque chose. Je n'ai pas parlé des nouveaux développements avec la maman de Petit-fils parce qu'elle a tendance a trop capoter.

Une femme libre a dit...

Pur Bonheur,
C'est tout à fait ça. On a beau l'avoir aortie de là en se mettant toute la famille ensemble, ça ne venait pas vraiment d'elle et au bout de cinq mois de pleurs et d'ennui, elle est retournée volontairement avec lui. On en est restés estomaqués. Alors, oui, faut vraiment que ça vienne d'elle. Faut qu'elle aille assez creux dans la misère pour avoir envie de s'en sortir.

Une femme libre a dit...

Juste moi,
Ça se retournerait contre elle. Et puis, c'est de la diffamation d'accuser quelqu'un sans preuves. C'est sa parole à lui contre sa parole à elle. C'est certain que moi c'est elle que je crois mais si ça passait en cour, ce serait autre chose. On est innocent avant d'être déclaré coupable.

Il est gentil avec elle quand ils sont seuls ensemble à la maison. Il y a des bons moments et c'est à ces bons moments que ma fille se raccroche. Sauf que, quand la violence recommence, elle va se maintenir et il va y en avoir de plus en plus. Les bons moments vont devenir rares, puis absents. C'est ça le fameux cycle de la violence.

Gen a dit...

Aïe, pour avoir travaillé avec des avocats, je déconseille fortement la méthode de Juste moi. Comme vous le soulignez, ça pourrait être perçu comme de la diffamation, de l'atteinte à la réputation... ou ça pourrait effectivement mettre le feu aux poudres pour Vingt ans.

Mais, bonyenne, j'espère lire bientôt qu'elle est revenue chez vous pour de bon!

Une femme libre a dit...

Gen,
Je ne peux qu'attendre et rester en contact. Pas trop quand même, fini le temps où je lui parlais tous les jours. Si elle a besoin de moi, je suis là. Et son frère et une de ses soeurs sont avertis de mon absence à New-York et se feront plus présents à ce moment-là.

Une femme libre a dit...

Autres choses donc je veux me rappeler et que je prends en note.

"Je n'ai pas huit ans. Il me traite comme si j'avais huit ans."

"Il me harcèle encore tous les jours parce que j'ai couché avec un gars quand on était séparés. Il me dit que je l'ai trompé. Je ne l'ai pas trompé, on était pas ensemble à ce moment-là."

"Il me dit que mes amies sont complaisantes avec moi quand elles disent que je suis intelligente. Elles disent ça pour me flatter."

Pur bonheur a dit...

Que fait-il donc avec une fille pas intelligente , lui?? J'aimerais bien connaitre sa réponse!

Une femme libre a dit...

euh... la dominer?

mijo a dit...

Oh bon sang... Ta fille dit qu'elle a peur qu'il se suicide si elle le quitte. J'espère qu'il ne met vraiment pas en jeu ce type de chantage car c'est horrible.

Tiffany a dit...

Ouf! Quelle triste histoire. Ta fille, malheureusement, a le syndrome de la femme battue. Je crois que tu fais bien de vouloir consulter avec le CLSC. Si elle rencontrait une intervenante, peut-être qu'elle s'ouvrirait les yeux. En ce moment elle a peur de lui, mais aussi d'être seule si elle le quitte. Il faut qu'elle sache qu'elle n'est pas seule et qu'elle sera prise en charge lorsqu'elle aura quitté cet homme.

Une femme libre a dit...

Mijo, oui, il fait ce type de chantage et on n'y peut rien.

Une femme libre a dit...

Tiffany,
Je l'ai vue hier. Elle est venue après son école parce qu'il recevait ou ou une ou des amis (pas clair) et ne voulait pas qu'elle soit là. J'ai fini par comprendre cette information qu'elle ne m'a pas donnée d'emblée. C'était une décision mutuelle qu'elle ne soit pas là, me dit-elle. Je lui dis qu'un jour quand elle en aura assez, elle le quittera et on sera là pour elle. Elle me dit fermement qu'elle ne le quittera jamais. Met de la musique dans sa chambre, prend sa douche, se peigne, se crème, essaie des vêtements. Me parle peu et ne vient pas beaucoup me voir. Au début, elle me dit qu'elle va souper là-bas. Vers vingt heures trente, je lui offre de nouveau de lui faire à souper (j'ai déjà mangé) et elle accepte. Finalement, il viendra la chercher à 23h30. Tout est revenu correct entre eux, me dit-elle. Je lui reparle du cercle de la violence. Elle n'a pas vraiment d'écoute hier soir. Elle a juste hâte qu'il vienne la chercher. Me dit que des fois, il lui apporte le déjeuner au lit. Bref, on est très loin du clsc.

S@hée a dit...

Moi j'ai retenu une chose; elle hausse la voix, tient son bout, parle. Et ça t'a surpris, moi aussi ;)

Une femme libre a dit...

Je pense qu'elle a pu essayer de se défendre un peu parce qu'elle ne l'avait pas en face d'elle et aussi parce que j'étais là dans la maison et qu'elle se sentait en sécurité. C'est un gars intimidant. Moi-même, je ne l'affronterais pas.