Il y avait plus de deux cent cinquante personnes dans le grand amphithéâtre de l'université de Montréal pour la Belle Soirée (géniale cette formule!) de l'université de Montréal d'hier soir. C'était la conférence de Rose-Marie Charest, présidente de l'ordre des psychologues intitulée "L'affirmation de soi ou l'art de réussir sa vie." Rien de moins et en deux heures seulement! "Je comprends qu'il y ait tant de monde, nous a dit l'espiègle Rose-Marie, si quelqu'un me promettait de réussir ma vie avec une conférence de deux heures, j'assisterais moi aussi."
Elle n'a donc rien promis mais elle nous a donné des pistes. Intéressantes. Quelle est la vie qui me ressemble? Qu'est-ce que je veux faire de ma vie? Ma vie à moi. Faire comme tout le monde, c'est plus facile que de trouver sa voie à soi. Faire ce que les autres attendent de nous, c'est sécurisant. Ça commence dans l'enfance. Les attentes des parents. L'enfant espoir, celui qui remplira les rêves de son parent. S'accomplir à travers ses enfants, dangereux. Mais ce n'est pas vivre MA vie, c'est vivre à travers la leur.
Elle a reçu plusieurs victimes de burn-out en consultation. Ils disaient "j'ai fait un burn-out parce que je travaillais trop, trop fort." Mais on est fait pour travailler fort! Ce n'est pas ça la raison du burn-out. Quand on travaille fort et que ça a un sens, on est heureux. Travailler sans trouver un sens à son action ou travailler dans l'attente d'un résultat qui n'arrive pas peut mener au burn-out. Recherche de sens donc (elle en reparlera beaucoup de ça).
On n'a jamais fini de s'affirmer. C'est un processus.
Un point tournant dans une vie ou dans une thérapie, c'est celui qu'elle a décrit comme le moment du "Là, c'est assez. Je n'en peux plus." On croirait que ça va entraîner un changement. Mais pour la plupart des gens, ce n'est pas le cas. On le dit mais on continue de se comporter de la même manière. On ne met pas en pratique le holà annoncé. "C'est la dernière fois" et pourtant, on continue. On risque sérieusement de perdre toute crédibilité. Face aux autres, mais aussi face à nous-même. Elle parlait d'un client qui avait repris sa femme qui le trompait, le méprisait et le faisait souffrir "pour la dernière fois" onze fois!
La culpabilité est un frein au changement. Changer risque de décevoir les attentes des autres, de les forcer à se repositionner. Le sentiment d'être indispensable (Gen en parle dans son commentaire) contribue beaucoup à la culpabilité. C'est le fun d'être indispensable, il y a plein d'avantages. C'est valorisant et rassurant. Quand une maman est indispensable (pense-t-elle) à la maison, elle a envie d'y rester. Les travailleurs indispensables ne savent pas déléguer et s'épuisent (tiens, ça aussi, Gen l'a écrit).
S'affirmer, c'est aussi faire des deuils. Je partage, donc je n'ai pas toute la valorisation. Elle a parlé des mamans qui se plaignent que le père ne s'occupe pas assez de l'enfant, tout en ne le laissant pas le faire à sa manière à lui et en le critiquant constamment. Il décroche alors et elle peut se plaindre. La peur que l'autre ne soit pas capable de se passer de nous et de s'adapter à notre absence (les mères qui pleurent lors du premier jour d'école de leur enfant au lieu de se réjouir du grand pas qu'il fait). "Il sera pas capable. Elle sera pas capable."
Réussir sa vie = être heureux? Oui, mais plus encore. Le plaisir? Oui, mais pas seulement le plaisir. Le bonheur est une recherche de sens. On est heureux quand notre vie a du sens. Par exemple, pour ceux qui ont regardé Serge Denoncourt à Tout le monde en parle dimanche dernier parler avec passion des Roms dont il s'occupait, auxquels il consacrait son temps, avec lesquels il construisait un spectacle, ont pu voir que ce projet le rendait heureux, le transportait, l'émouvait. Il avait trouvé un sens à sa vie en aidant ces jeunes Roms. Contribuer à la société, à un projet, travailler fort, autant d'éléments pour réussir sa vie.
Elle nous dit qu'elle a donné une conférence dernièrement à des employés de Revenu Québec, ceux qui s'occupent des comptes à percevoir. Elle leur a parlé de l'importance de leur rôle dans la société. Donner un sens à se faire engueuler par les citoyens mécontents, il faut le faire, voir plus loin, élargir le mandat, le valoriser. La recherche du sens est la clé du bien-être au travail. Le gestionnaire qui se préoccupe à ce que chacun sache exactement ce qu'il a à faire, qu'il ait la formation pour le faire bien et surtout et c'est le point le plus primordial qu'il sache POURQUOI il le fait.
Avoir des projets. Avoir une vue d'ensemble. Les trois briquetiers, le premier pose des briques, le deuxième fait un mur, le troisième construit une cathédrale. Importance de l'enseignement, du rôle du professeur, de ce qu'il apporte à la vie de ses élèves, à la vie de son élève, oui, celui-là dont il a le pouvoir de changer la vie. Chacun se rappelle d'un de ces profs-là. Leur action a du sens.
Le jeune doit savoir pourquoi il va à l'école. Trop souvent, le parent arrive fatigué, énervé, épuisé et ne se gêne pas pour dire à son enfant comme il a travaillé dur, comme sa journée a été pénible. Et puis, c'est l'heure des devoirs et l'enfant ne collabore pas. Important, l'école, lui dit le parent, avec l'école, tu vas avoir un bon travail. L'enfant a-t-il envie d'avoir un "bon" travail comme son parent qui se plaint tout le temps.
Madame Charest a toujours beaucoup travaillé et quand sa fille lui demandait pourquoi elle partait encore travailler, elle a toujours répondu sans culpabilité aucune "Parce que j'aime ça." Cet amour du travail, elle l'a transmis à sa fille qui, elle aussi, est passionnée par son job.
Pour s'affirmer, il faut se connaître, c'est la première étape. La relation la plus compliquée, c'est la relation mère-fille. "Il y a une femme ici qui trouve ça facile la relation avec sa mère ou la relation avec sa fille?" demanda-t-elle a l'auditoire. Un grand rire s'ensuivit. On était d'accord avec elle! La fille veut sa mère forte mais pas plus forte qu'elle. La mère veut éviter à sa fille de souffrir ce qu'elle a souffert alors elle se mêle trop de sa vie. Les relations père-fils ne sont pas si simples non plus.
Pour se connaître, il faut surtout vivre, expérimenter. Pas simplement multiplier les expériences mais être vraiment présent à ce qui se passe.
La phrase qu'elle a le plus entendue dans sa pratique clinique, ce n'est pas mes parents m'ont maltraité.... mal aimé.... ignoré..... (bien qu'elle les ait entendues ces phrases-là aussi évidemment!), non, la plus entendue et chez des gens souffrants, anxieux, angoissés, c'est "mes parents m'ont tout donné", lourd, écrasant, ce poids de la sollicitude parentale, le poids du sacrifice. Mes parents m'ont tout donné mais ils ne m'ont pas montré à quoi ressemblaient des adultes heureux. Alors, ils ne m'ont pas donné envie de grandir.
"Vaut mieux être plus fatigué à travailler fort que de se reposer à ne rien faire."
Quand on a observé que quelque chose ne nous convient pas, pourquoi ne pas en tenir compte?
Peur de l'inconnu. Elle donne l'exemple de la personne qui se plaint que son patron abuse d'elle, elle se sent exploitée, victime. C'est dur à vivre et elle en parle beaucoup autour d'elle. Si vous lui suggérez une solution, comme un autre poste équivalent au sien qui s'ouvre dans votre compagnie et pour lequel elle pourrait postuler, du concret pour la sortir de son malheur, elle va trouver automatiquement une raison pour que ça ne marche pas. Vous venez de brasser sa zone de confort. Elle tient (inconsciemment) à maintenir son image de victime. Elle s'y complait et y a trouvé du réconfort. Pendant qu'elle est occupée à haïr son patron, elle n'a pas à se remettre en question, à s'interroger sur sa vie, sur ses compétences, pendant qu'elle haït son patron, elle ne se hait pas elle-même.
Se demander: Est-ce que je tiens à mon malheur? Est-ce qu'il m'apporte quelque chose?
S'affirmer, c'est le contraire de se plaindre. La connaissance de soi n'est jamais terminée. Pour accéder au changement, il y a des étapes dont elle a parlé. Elle a même trouvé le temps de parler de la relation de couple, qui est un peu son dada et sur laquelle elle a écrit un livre dernièrement.
Une conférence intéressante, ressourçante. Peu de matériel nouveau, mais des rappels toujours utiles et qui nous brassent la cage. Cette conférence était en lien avec la pièce Shirley Valentine qui joue au Théâtre Jean-Duceppe et que j'aurai le bonheur de voir mercredi.
15 commentaires:
Intéressante cette conférence... mais en même temps, je m'étonne toujours du fait que les gens aient besoin de se faire dire des vérités qui me semblent être de l'ordre du gros bon sens.
Enfin, c'est peut-être parce que j'ai vu ma mère faire deux burn-out que ça me semble si évident...
Mais non, pas évident du tout pour ce qui est du burn-out, d'ailleurs, c'est d'invention récente, le burn-out, avant on parlait de dépression tout simplement. Ce n'est pas la quantité de travail qui cause le burn-out, en fait, les gens qui adorent leur travail et qui s'y consacrent n'en font pas, se sentent utiles et heureux. Ce sont ceux qui ne voient pas le sens de leur action qui en font.
Les gens, et j'en fais partie, ont toujours besoin de se faire dire comment être heureux, comment réussir leur vie, leur couple, comment se connaître, s'aimer, aimer l'autre. Ce sont des questions fondamentales, essentielles et pas évidentes du tout. Trouver le sens de sa vie, c'est un projet grandiose et sans fin.
Heu... ma mère adorait son travail et se sentait très très utile. Tellement utile qu'elle se croyait indispensable. Alors stress, incapacité à déléguer, pression, débordement, overtime, fatigue, stress... et, finalement, burn-out (ou dépression, parce que même maintenant, la démarcation entre les deux est mince).
Effectivement, trouver un sens à la vie, c'est un projet de longue haleine. Mais je crois, surtout, qu'il faut que le sens trouvé finisse par venir de soi, jamais des autres.
Peut-être est-ce parce que c'est un projet sans fin comme tu écris, qu'on a jamais fini d'apprendre et qu'il est bon de se faire rappeler ce que l'on croyait intégré pour de bon.
Très intéressant cette réflexion sur le burn-out. J'ai connu des infirmières et des profs passionnés par leur travail et qui ont "crashé" justement parce qu'on les empêchait de le bien faire ce travail.
Bon ben là, Gen, vous êtes en train de donner la suite de la conférence. Coudons, y étiez-vous??? Héhé!
Et Marico aussi, ma foi. Serait-ce que ce que cette célèbre psychologue nous a dit hier, on le savait, qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil. Tout probablement. On sait quoi faire mais on ne le fait pas nécessairement. La théorie est dure à mettre en pratique. On se complaît dans son malheur. Elle en a parlé de ça. Le confort des situations difficiles et la peur de quitter le connu pour l'inconnu.
La différence entre le burnout et la dépression en est une de perception. Dire: "J'ai fait un burn-out" signifie "J'ai travaillé si fort, que je suis tombé d'épuisement". Dire "J'ai fait une dépression" est plutôt associé à une certaine faiblesse émotive. Grosse différence de perception. pourtant dans les deux cas, on a juste des gens qui ont dépassé leurs capacités sans écouter les signaux d'alarme qu'a nécessairement donné leur corps.
Je trouve amusant que vous disiez que réussir sa vie commence quand on dit "Là, c'est assez", parce que c'est justement le slogan-choc de Jean-François Mercier qui se présente comme candidat indépendant dans mon comté. Il a rajouté un "Tabarnak" à la fin, mais l'esprit demeure le même. Je songe sérieusement à voter pour lui, quoique le terme "sérieux" paraît étrange dans ce contexte.
Pour ramener tout cela à des perspective qui font moins peur, je me dis souvent que pour réussir sa vie, il suffit d'accumuler des journées réussies.
Pierre : et comment définis-tu la réussite d'une journée?
À mon avis, un burn-out ou encore une dépression vient surtout du fait qu'on se pousse sans écouter nos limites.
Se penser toujours capables et indispensables est un facteur de risque. Ne pas savoir s'arrêter aussi.
Et quand on aime son métier, lorsqu'on s'y sent utile, on peut aussi rencontrer ce mur.
@Pierre
Hé hé! trop drôle, je ne suis pas certaine que madame Charest faisait de la publicité pour Jean-François Mercier! Faudrait le lui dire.
Pas simple, le burn-out et ses causes, Un autre prof. Il y a des livres entiers écrits là-dessus. Elle a parlé de tant de sujets hier qu'elle n'a pu que les effleurer.
Merci beaucoup d'avoir partagé!
En parlant de Serge Denoncourt, j'ai acheté des billets pour le spectacle!:) J'ai vraiment hâte d'aller le voir. À l'été 2000, j'avais eu la chance d'aller faire du volontariat dans une communauté de gitans au nord de la République Tchèque. Tout une expérience! Que Serge Denoncourt monte un tel projet avec des jeunes Roms est une immense réussite pour l'humanité.
Moi aussi je vais acheter des billets. Ça devrait être un magnifique spectacle, une expérience en soi.
Lol! Non, je n'y étais pas. Mais à lire la suite, disons que j'ai l'impression d'avoir connu beaucoup des clients de la dame et d'avoir fait les mêmes constats.
Certains jours, quand je trouve mes collègues pénibles (vous savez, par mon blogue que ça arrive souvent! hihihi), je les regarde et je me rends bien compte que je serais comme elles si je n'avais pas trouvé de sens à ma vie.
Bonjour, Femme libre.
Nul doute que ce sont des mots qui s'écoutent...
Mais ,en ce qui a été dit, tu as plus trouvé un réconfort que des remèdes.
Certaines de ses phrases sont le miroir de toi.
Merci beaucoup.
Je t'embrasse.
@Herbert
Je l'ai beaucoup aimée comme personne. Simple,accesssible,femme de pouvoir qui n'a pas peur du pouvoir (elle en a parlé du pouvoir, je n'ai pas tout écrit de la conférence!), avec une confiance en elle de béton, elle respire ce qu'elle prêche!
Que d'énergie dans ce billet!
Je vous ai envoyé un commentaire long comme le bras à propos d'une suggestion de lecture et une méditation sur les centres énergétiques, mais le message s'est perdu dans les nues. Je prends ça comme un signe que je ne devais pas l'envoyer! :)
Hon! ;o)
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