lundi 9 février 2009

Les bas

L'agente d'immeuble prévue pour une heure aujourd'hui avait oublié notre rendez-vous. Heureusement, je l'ai su d'avance au moment où je tentais de le reporter d'une petite demi-heure, ce fameux rendez-vous oublié, histoire de finir le ménage qui semble sans fin. La peinture a été terminée hier soir et elle a causé le grand dérangement, celui qui ressemble à tous les cossins pêle-mêle dans une pièce, question de libérer celles à peindre. Couleurs très jolies, neutres sans ennui. J'aime. Maison claire, propre, bien plaisant. Pourquoi donc n'ai-je pas pensé à me payer ça avant, une maison fraîche peinte, avant de vouloir quitter ladite maison, je veux dire? Là, j'admire mes murs, le sourire aux lèvres.

Car je souris, oui. Je devrais pourtant être morte d'inquiétude, ma fille passe en cour contre l'hôpital demain. Une petite poulette de cent dix livres, pleine d'énergie et de désir de sortir faire sa vie avec tous les risques de sa périlleuse vie contre deux éminents psychiatres de ce grand hôpital. Deux contre une. Et toute seule la jeune femme, pas de chum, pas de mère, personne. Voyez-vous, si j'y vais, ce serait pour dire au juge que je considère que ce serait une bonne chose de soigner ma fille même contre sa volonté. Je me sens incapable de faire ça car ma fille me demande exactement le contraire, soit de témoigner de sa bonne santé mentale revenue et de sa capacité de se prendre en charge sans danger pour elle et pour les autres. C'est vrai que la psychose semble finie et qu'elle a un raisonnement logique, mais pour combien de temps? Alors, je n'y vais pas. Demain, elle sortira avec des gardes? Dans un fourgon d'hôpital? Je n'en sais rien. Mais elle aura son tout petit manteau de printemps et pas de bas dans ses pieds. Elle se promène comme ça l'hiver, ma fille. Je lui ai bien acheté des vêtements pour l'hôpital mais je n'ai pas pensé à lui acheter des chaussettes. Je croyais qu'elle en avait dans ses pieds et d'autres dans sa petite minuscule valise. Ça ne prend pas de place une paire de chaussettes et puis, je les ai élevées comme ça mes filles, on apporte des petites culottes et puis une paire de bas quand on va coucher ailleurs. Mais Dix-neuf ans ne met pas de bas dans ses souliers même en plein hiver. Ce sont curieusement des petites choses comme ça qui me font de la peine.

Le bonheur est dans l'action selon Encre qui l'a écrit sur le blogue de Pierre. Étant professeure de philosophie, Encre sait de quoi elle parle, alors je m'affaire. On fête l'anniversaire de P ce soir, plus d'une semaine en retard. C'est elle qui donne des cours d'anglais à Quatorze ans. Elle a eu cinquante-sept ans. Toujours belle. Hésite à sortir parce qu'elle n'aime pas laisser son chien seul? Elle va peut-être l'amener. Je ne porte plus de jugement sur des comportements que je ne comprends pas. Je les accepte. C'est plus simple. La vie m'aura au moins appris ça. Et ça vaut pour ma fille aussi. Mon cercle d'acceptation s'élargit tout le temps, on dirait.

22 commentaires:

Anonyme a dit...

tu est une femme tellement pleine de sagesse ......j'aimerais bien en n'avoir une parcelle .....j'y travail ..continu tu m'inspire .....

Marie-Claude

Méli a dit...

Tenez-nous au courant, toutes mes pensées vers vous pour que tout se passe pour le mieux pour tout le monde...

Édouard a dit...

Seule contre deux psychiatres ? Aië ! La jurisprudence en ce domaine est claire : devant la loi, les médecins spécialistes ont le haut du pavé. Même un médecin généraliste ne peut gagner contre un médecin spécialiste.

Vous faites bien de ne pas intervenir. Je ne fais pas confiance aux psychiatres plus qu'il ne le faut d'habitude, mais compte-tenu de l'état de votre fille, j'aurais tendance à croire en leur jugement, tant le cas de votre fille semble difficile.

Nanou La Terre a dit...

Comme c'est délicat tout çà et comme je comprends ta position de ne pas y aller.J'imagine que tu as analysé le pour et le contre d'y être ou non et que, de toute façon, que tu n'y sois pas ne changera pas grand chose à la décision qui va être prise.
L'important c'est de rester honnête vis-à-vis toi-même.Ta fille te demande de l'aider à se tirer dans le pied. Ta décision est sage...

Bonne route, il faut faire confiance...

Anonyme a dit...

Bonjour FemmeLibre,

Je comprends qu'il soit très difficile de prendre une telle décision et j'approuve entièrement votre démarche. Ce sont des professionnels sur qui le chantage émotif n'a pas de prise et ils sauront juger ce qui est le mieux pour elle.

Solange a dit...

Situation difficile,mais vous avez la bonne attitude. On ne peut que vous souhaiter que tout aille pour le mieux.

L'aubergiste en devoir a dit...

Juste un petit bémol: qui sait peut-être n'aura-t-elle pas besoin de ses bas si elle passe devant monsieur le juge en vidéoconférence?

Vous savez qu'ils l'utilisent de plus en plus; je ne sais cependant pas s'il est d'usage en milieu hospitalier division psy. Ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde et moins perturbant votre fille.

Sage décision femme libre de ne pas vous présenter...

Anonyme a dit...

Voilà ce qu'on peut faire quand on se rebiffe et je le conseille à chacun qui peut avoir des ennuis avec ce gros connard de sarkozy ou sa clique de clowns de flics minables : je suis en train de régler un petit problème du genre détail avec cette grosse tache de si peu président de la république Française, en lui envoyant un avocat pour mises sous surveillance illégales, lynchage et plagiat. Avis à la population et merci pour l espace d'expression. Voilà, ceci est également une tentative de gros scandale public parce que ça calme pas mal les gros connards.

unautreprof a dit...

Quand je me promène dans le coin que je pense être le vôtre et que je vois une affiche à vendre devant un du-triplex, je me demande toujours si c'est chez vous...
L'affiche n'est pas encore mise?

Oh, les pieds sans bas! Brrrrr.


Toutes ces choses que vous vivez! Est-ce pour cela que vous avez cette authenticité, cette profondeur, cette complexité?

Anonyme a dit...

La situation dans laquelle vous êtes est difficile, mais votre fille sera en sécurité. Qu'écrire sinon qu'encore une fois, je vous embrasse et souhaite un bel avenir à cette jeune fille prometteuse, qui avec un peu d'aide (des spécialistes) retombera sur ses pieds. C'est une battante, vous l'avez dit.

Magenta a dit...

Je pense à vous Femme Libre, vous prenez sans aucun doute les bonnes décisions.

Mag xx

Une femme libre a dit...

Merci de votre commentaire,Marie-Claude.

Je viens de parler à son chum, Méli. Il a été appelé par l'avocate de l'hôpital pour lui demander son avis. Ìl préférerait qu'on la garde encore pour la soigner alors il y a de bonnes chances que ce soit ce qui va arriver.

Il est probable que les psychiatres vont gagner, Édouard. Dans ce cas-ci, je m'en remets à plus savants que moi. Si elle allait bien, si elle avait une belle vie heureuse même si marginale, je la défendrais contre tous, mais là, elle a besoin d'aide. Très dur à vivre cependant que d'aller à l'encontre de sa liberté. J'ai le coeur serré.

Se tirer dans le pied,oui, probablement, Nanou la terre. Le gros point est également qu'elle refuse les médicaments. Elle serait la seule non médicamentée à l'urgence. Et là-dessus, mettons que je le comprends. On n'a jamais été fort sur les médicaments dans la famille et puis les médicaments psychiatriques agissent directement dans le cerveau et ont souvent plein d'effets secondaires. Elle a déjà pris du Seroquel quand elle habitait avec moi et était pas mal zombie. Je comprends ses peurs à ce niveau. Absolument.

On en est rendus là, à se fier à des professionnels, Pierre. Son sort est entre leurs mains.

Que tout aille pour le mieux, c'est bien mon souhait, Solange!

Non, elle doit être présente en cour, l'Aubergiste. Elle y sera dans quelques minutes. Ouf!

Héhé! Non, l'affiche n'est pas encore mise, Un autre Prof, j'en suis à choisir un agent. Pas simple ça non plus! Il faut que je m'entende bien avec mais aussi qu'il aime la maison et soit proactif. Et mon côté perfectionniste fait que j'ai de la misère à la leur faire visiter, la maison, qui ne me semble jamais assez à la hauteur. Et puis l'agente d'hier qui m'a oubliée, Grrr! ;o)

Je n'ai jamais perdu espoir pour ma fille, malgré les spécialistes qui m'ont toujours prédit le pire,Encre. Mais s'il y a une leçon à en tirer, c'est bien que les premières années de la vie sont super importantes car les dommages à la faculté d'attachement sont permanents.

Merci Magenta!

Zolasoleil a dit...

J'aime bien votre dernière phrase: «Mon cercle d'acceptation s'élargit tout le temps, on dirait». C'est une sage parole.

L'aubergiste en devoir a dit...

Tiens, mon ami l'Anonyme incohérent vient de trouver refuge chez vous...

Je ne le tolère plus à la Taverne...

Anonyme a dit...

En vous abstenant de témoigner, vous obtiendrez ce que vous voulez (faire soigner votre fille), sans perdre la confiance de votre fille comme vous l'auriez fait à témoigner contre elle. C'est une bonne décision!

herbert a dit...

Je comprends tellement ce que tu écris.
Derrière les mots l y a une émotion si forte et aussi une grande sagesse.
De tout cela je m'imprégne.
Et je suis aux côtés de tes pensées.
Je t'embrasse.

Une femme libre a dit...

Expansion du mental, Zolasoleil! ;o)

Je n'en suis pas à une incohérence ou à un incohérent près, maman de Lazslo.

Mayiève, c'est bien ça, prise entre la chèvre et le chou, c'est un sauve-qui-peut!

Plein d'émotions fortes en effet et à chaque fois que le chum de Dix-neuf ans me parle, c'est pire, Herbert. J'ai fini par lui dire que je ne voulais plus d'informations, histoire de me préserver un peu le mental et le moral!

Dernières nouvelles: l'hôpital a obtenu par ordre de cour de la garder sept jours.

Mamzell_McJ a dit...

celle-là c'est la première fois que je l'entends. Pas de bas en hiver...

C'est vraiment un coup de pratique pour le détachement cette enfant-là.

contente d'avoir de vos nouvelles :-)

Nanou La Terre a dit...

Ouf...

Heureuse pour toi qu'ils la gardent 7 jours!
Alors, une journée à la fois. Pas le choix de faire confiance.

Pour les médicaments, je te comprends.
Par contre, quelques fois, il faut ce qu'il faut. Permets-moi de te raconter une petite anecdote rigolotte mais pas bien drôle sur le coup:

Mon père était en CHSLD. C'est moi qui s'occupait de ses affaires. Et, un jour, en bonne fille responsable, je me suis mise à faire le tour des médicaments qu'on lui donnait. Je trouvais qu'il en avait trop. J'ai accroché entre autre sur un médicament.

Pourquoi lui donner çà? Pour le calmer, me disait-on. Ah...En a-t-il vraiment besoin? Il a déjà ses médicaments pour sa psychose, son lythium. J'ai décidé de lui faire enlever.Catastrophe! Après avoir foutu le bordel dans sa chambre, inondé les lavabos volontairement, fait peur aux oiseaux des résidents et passé à deux doigts de mettre le feu à la bâtisse, devant moi et me riant en pleine face, j'ai demandé à une bénévole qu'on s'en occupe en attendant l'ambulance et je suis repartie chez moi. Mon seuil de tolérance avait été atteint.Je me suis résignée à demander qu'on lui remette le médicament en question.

Enfin, tout çà pour dire que quelques fois, la décision s'impose d'elle-même.

Encore une fois, bonne route!

Une femme libre a dit...

Oui, du détachement, Juliette. Il en faut.

Nanou la terre, ma fille va bien et elle a décidé de les prendre ses médicaments. Le fait qu'ils ne la gardent que sept jours l'encourage. Le diagnostic est tout probablement bipolaire.

Anonyme a dit...

"Mon cercle d'acceptation s'élargit tout le temps"... Merci.

Une femme libre a dit...

Merci à vous, petite Fadette!